vendredi 11 septembre 2009

AVANT LA NUIT


ANTES QUE ANOCHEZCA

AVANT LA NUIT )

traduit de l'espagnol (Cuba) par Liliane Hasson


"Mon message n'est pas un message de défaite, mais de lutte et d'espérance. Cuba sera libre. Moi je le suis déjà."

Cette phrase, lourde de sens, la dernière dans la lettre d'adieu de l'auteur, englobe à elle-seule l'essence de ce récit. Si ces quelques mots vous touchent et suscitent en vous diverses pensées et réflexions allant de l'admiration face à cette envie de croire que tout n'est pas perdu, à un sentiment de tristesse face à cette fatalité du sort, en passant par un sentiment de révolte face à l'oppression et l'injustice, que ce soit à Cuba ou ailleurs, vous saurez ce que j'ai ressenti tout au long de ma lecture.

Quel destin tragique que celui de cet écrivain cubain, Reinaldo Arenas, un destin qui ressemble à une fiction tellement la réalité qu'il décrit semble échapper d'un très mauvais rêve avec en personnage principal, Fidel Castro, on frémit à l'idée que c'est du vécu, et en même temps, quelle vie extraordinaire malgré tout, palpitante, étonnante, traversée de nombreuses épreuves, miracles, coups du sort, coup de chance et re-mésaventures terribles que même les scénaristes de "Prison Break" n'auraient pas osé imaginer ni infliger à leurs personnages!

"La mort a toujours été très proche de moi; elle a toujours été pour moi une compagne si fidèle que je regrette parfois de mourir, seulement parce que la mort risque alors de m'abandonner."

C'est un témoignage très instructif sur Cuba des années 40 aux années 80 bien évidemment, particulièrement centré sur les oppressions du régime castriste dont il a lui-même subi les conséquences, mais c'est également une autobiographie très intéressante d'un écrivain dont j'ai apprécié les différentes anecdotes sur sa vie, une vie véritablement hors du commun, sur ses rencontres, allant de l'amant de passage aux grands écrivains de l'époque, et sur son intérêt pour la lecture également.

Quelques extraits qui m'ont parlé:
"... je jouissais du plaisir magique de piquer n'importe quel livre au hasard. Je circulais entre les rayonnages où j'observais la promesse scintillante d'un mystère unique émanant de chaque livre."
Comme je comprends!

"Je ne me séparais jamais de L'Iliade, que je savais très convoitée par les détenus, non pour sa valeur littéraire mais parce que avec ses pages ils pouvaient se rouler des espèces de cigarettes qu'ils remplissaient avec des bourrages de matelas ou d'oreillers; les livres étaient aussi très prisés par les prisonniers comme papier hygiénique,..."
Terrible ça! Et comme je comprenais qu'il puisse considérer l'unique livre qu'il avait sur lui comme un trésor!

"Il voulait que je lui apprenne, mais écrire n'est pas une profession, c'est une sorte de malédiction."

Côté sexe par contre, il y va sec ^^ - découverte de sa sexualité dès 6 ans! - j'étais effarée également par ce chiffre de 5000 hommes qu'il aurait connus!? - en le lisant, j'avais l'impression que TOUS les hommes étaient AU MOINS bi - dites-moi pas que c'est vrai! ^^
Ce sont des passages que j'ai lus, à la fois dubitative et amusée. Il dit les choses de façon crue (donc avis aux âmes sensibles) mais sans provocation. Un ami qui venait de le lire me disait qu'il abordait ces thèmes sans vulgarité, mais quand c'est aussi cru, c'est forcément pas poétique hein...^^
Les choses sont telles qu'elles sont, il est tel qu'il est, et assume pleinement son homosexualité, il n'y a pas d'hypocrisie sur le sujet disons, et ma foi, c'est très appréciable en ce sens.

Mais bon, ceci n'est qu'une parenthèse (plus ou moins longue quand même) dans cette vie surtout marquée par la dictature castriste qui a brisé des milliers de vie. Tellement d'épisodes m'ont fait halluciner, la trahison d'amis qui fait que dans un tel système, on ne peut plus faire confiance à personne, le fait qu'il est dû réécrire plusieurs de ses oeuvres perdues ou saisies par la milice (quand je pense que ça me fait suer déjà de réécrire mes billets quand j'ai un plantage de serveur...), la misère dans laquelle il a vécu (je suis épatée qu'il ait pu s'en sortir malgré tout, en restant digne et fidèle à ses principes), l'absence de liberté, le séjour en prison, les tentatives d'évasion de l'île (à désespérer!), et une fois évadé (une histoire de fou!), le cauchemar qui continue sous une autre forme -  terrible, il n'y a pas d'autres mots!

"dans l'Île, nous étions condamnés au silence, à l'ostracisme, à la censure et à la prison; en exil, au mépris et à l'oubli, de la part des exilés eux-mêmes."

"La différence entre le régime communiste et le système capitaliste? Tous les deux nous donnent des coups de pied au cul, mais dans le système communiste tu dois applaudir, tandis que dans le capitaliste tu peux gueuler : je suis venu ici pour gueuler."

"la lâcheté est toujours pathétique, mais l'injustice et la stupidité sont encore plus exaspérantes."


C'est très particulier, assez troublant, de lire un livre dont on sait que l'auteur l'a terminé avec l'idée en tête de se suicider derrière, que la décision était mûrement réfléchie et sans appel.

J'ai bien aimé le naturel et la simplicité avec lesquels il parle des choses, sans voyeurisme, sans misérabilisme, sans se placer ni en héros ni en victime, nous livrant un simple témoignage et des mémoires qu'il prend soin tout de même de rendre vivaces en y ajoutant son talent de conteur. J'ai énormément apprécié la concision des chapitres.

L'auteur
Reinaldo Arenas est né à Cuba en 1943. Son opposition au régime castriste lui valut de connaître prison et camps de travail avant de gagner les Etats-Unis en 1980. Il est l'auteur de quinze romans et recueil de poésie et nouvelles.

Lu dans le cadre du défi  DÉFI RELEVÉ HAUT LA MAIN!  
(DAL - 12 / reste 02 )

8 commentaires:

  1. Un défi terminé? Pfff!!!^^

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    1. Le deuxième!(gnark!) Je pense terminer le troisième à un livre près, une de mes sélections ne me tentant plus vraiment (surtout c'est un pavé ).

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  2. La première phrase m'attirait beaucoup mais ton évocation de la crudité de certains passages bcp moins. Dis donc, j'ai cru lire sur un comm quelque part que tu avais quelques soucis de motivation rédactionnelle de billet. Manifestement,ils sont passés déjà !

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    1. Mmmh pas vraiment - ce livre je l'ai terminé il y a bien 20 jours, ça faisait 3 jours que je n'avais rien publié, et j'ai 4 billets de retard! Ce qui m'ennuie dans l'histoire, c'est qu'avec le temps qui passe, mes impressions de lecture ne sont plus très fraîches quand je me décide enfin à m'y mettre...

      Quant à ce livre, j'ai préféré prévenir parce que je sais que ce n'est pas la tasse de thé de tout le monde de lire ce genre d'ébats, et les différentes critiques que j'ai pu lire passent généralement outre cet aspect du récit en évoquant tout juste une sexualité débridée, mais franchement c'est un détail dans tout le reste, disons qu'il appelle juste un chat un chat (en plus cru ^^), c'est plus amusant que pénible, et cette autobiographie vaut vraiment le détour ne serait-ce que pour le témoignage qu'elle représente sur une époque, un pays, une terrible réalité quelque part dans ce monde. C'est vraiment un récit riche, fort, et terriblement beau et touchant sur la fin.

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  3. Ce livre a l'air très émouvant!
    J'aime toujours autant tes billets, des critiques sincères et bien expliquées.

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    1. Merci! Aah ça me fait vraiment plaisir, je ne pensais pas pourtant attacher de l'importance à ce genre de compliments!^^
      En tout cas oui, c'est un récit émouvant, qui vaut le détour. C'est le côté "vécu" aussi, je pense, qui fait qu'on ne peut pas rester indifférent.

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  4. Ce récit me tente bien même si je redoute un peu le côté vantardises sexuelles. On verra...

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    1. Ce n'est pas vraiment qu'il s'en vante, il en parle en fait comme de la pluie et du beau temps, et ça ça peut être un peu surprenant, mais rien de redoutable vraiment. Comme je disais, c'est une parenthèse dans tout le reste qui est autrement plus marquant.

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