mercredi 20 juin 2012

QU'A-T-ELLE VU, LA FEMME DE LOTH ?


QU'A-T-ELLE VU, LA FEMME DE LOTH ?

traduit du grec par Michel Volkovitch


Décidément, depuis que je suis dans ma lubie "Escapade livresque en Grèce", je n'ai pas été déçue une seule fois par mes découvertes (bon, euh, ok, je n'en ai pas fait tant que ça...). C'est mon troisième auteur, et je suis surprise de m'entendre penser à chaque fois "Mais ils sont vraiment bons, ces écrivains grecs contemporains", "excellents" même, aurais-je envie de dire, mais l'échantillon est trop faible pour que je puisse me prononcer avec autant d'affirmation.

Toujours est-il qu'il y a une chose que j'ai envie de dire, et je le dis, c'est "DÉCOUVREZ LA LITTÉRATURE GRECQUE, VRAIMENT, ELLE VAUT LE DÉTOUR! Ne la laissez pas mourir dans l'oubli et l'indifférence, donnez-lui sa chance" (et j'en profite pour recruter par la même occasion des lecteurs motivés pour une lecture commune d'Alexis Zorba de Nikos Kazantsaki (car celui-là, je le sens moins par contre, et je crois que je vais avoir besoin de grande motivation collective!).
  
Revenons-en maintenant à ce roman au titre assez improbable qui s'est retrouvé entre mes mains 1) parce que j'étais en pleine lubie 2) parce qu'il se trouvait à la bib', 3) parce que le sujet tel que je l'avais vaguement saisi me semblait dans mes cordes, 4) parce que les rares avis sont plutôt élogieux dans le sens "attention OLNI, foncez OLNI !".

Redoublement d'intérêt aussi parce que l'auteur est une femme, qu'on pourrait classer ce roman dans la SF (régressive, dixit la 4è de couv', mais SF quand même!), et qu'une femme écrivant de la SF, grecque qui plus, mais ça dépassait tous mes espoirs!!!
  
Bref, je mets du temps à introduire véritablement ce récit, mais parce qu'il n'est vraiment pas évident à introduire! D'ailleurs, je vais zapper la phase "résumé de l'histoire" car en réalité, je l'ai abordée sans trop savoir de quoi il retournait, et cela n'a nullement nui à mon plaisir de lecture.
Ce qui importe de savoir, et pour moi de retenir, c'est que ce roman est formidablement incroyable (ou incroyablement formidable), à la frontière du thriller et à la périphérie de 1984, au croisement des mythes, et résolument moderne en même temps, ancré dans une réalité familière, et que l'auteure m'a littéralement sciée par son intrigue admirablement maîtrisée de bout en bout!
  
C'est un récit à plusieurs voix, plusieurs lettres exactement, que Philéas Book sera chargé d'étudier à la demande de la Compagnie, une puissance à la Big Brother dont le siège se trouve à Paris, dans un futur indéterminé (bon finalement, je n'échappe pas au replacement dans le contexte...). Ces lettres proviennent de la Colonie, une société isolée mais contrôlée par la Compagnie, au sein de laquelle se sont déroulés des événements assez inhabituels. On découvre à travers ces lettres des personnages hauts en couleur, cocasses et un peu dingues. Il y a des passages qui m'ont vraiment fait hurler de rire, ah oui, car l'auteure non seulement écrit bien, mais ne manque pas d'humour (bien qu'il ne soit pas prépondérant ni omniprésent). Un humour un peu burlesque qui transparaît surtout dans les situations, et quelques dialogues.

L'auteure déploie une imagination folle dans ce roman, c'est ce qui m'a plu aussi. J'ai adoré entre autres l'idée des Lettres croisées, calquée sur les mots croisés, mais avec des lettres (dans le sens "courrier"). Un truc de fou, il fallait oser y penser...      

Enfin, je dirais que c'est un roman qui joue beaucoup sur les mots, sur le pouvoir et la manipulation par les mots, à plusieurs niveaux, de façon très très subtile. 
J'ai beaucoup aimé le dénouement auquel je ne m'étais ab-so-lu-ment pas attendue, même si j'avais entr'aperçu certaines lumières. Là j'applaudis l'auteure grandement pour ce petit tour de force inattendu!
  
Un OLNI, oui, que j'ai trouvé vraiment extra, original et audacieux, mais qui, comme pour tout ce qui tombe dans cette catégorie, peut risquer d'en égarer et dérouter certains. 
  
Et pour finir, un extrait très éclairant sur la littérature grecque dans la postface:
"Lecteurs épris d'îles grecques, de soleil, d'oliviers, lisez plutôt Michel Déon. Les grands romans grecs de notre temps sont assez pauvres en couleur locale, dont cette Femme de Lothest totalement dépourvue. [...] La Grèce n'a pas fini de nous étonner. Elle prend un malin plaisir, dirait-on, à nous donner des oeuvres qui ne ressemblent ni à leur pays, ni à rien de connu."    


Publié aux éditions Ginkgo que je mentionne comme je le fais rarement car je trouve leur sélection éditoriale particulièrement intéressante (littérature étrangère et voyage), méritant le détour, et correspondant assez à ce qui m'attire en lecture.
  
D'autres avis chez Babelio, et maintenant chez Keisha ! 
  
L'auteure
Ioànna Bourazopoùlou est née en 1968 à Athènes. Après des études en Grèce et en Angleterre, elle travaille aujourd'hui avec le ministère grec de la Santé. Elle a publié trois romans : Le boudoir de Nadir (2003), L'eau secrète (2005) et Qu'a-t-elle vu, la femme de Loth ? (2007), Prix de la revue Dekata, Prix de ta ville d'Athènes.

10 commentaires:

  1. Oui, il est dans le catalogue, je lis d'abor celui que j'ai reçu, et je mendie celui ci qui a tout pour me plaire, vu ton billet!

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    1. C'est complètement ton créneau (tout comme la littérature grecque en générale, j'en suis sûre!! )!! Trêve de plaisanterie, je serais vraiment curieuse d'avoir ton avis dessus!

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  2. Euh oui, et bien non, je ne peux pas tout noter... Pas envie de m'égarer... même si j'ai pris récemment des engagements qui risquent de m'égarer et qui en tout cas, m'éloignent de mes objectifs !!!

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    1. ^^Oui ben oui, c'est sûr, on ne peut pas tout lire, et je partage complètement le principe de rester sur des valeures sûres (pour soi) quand on a déjà trop de choix de lecture. Encore qu'en réalité, ce roman-ci pourrait être dans tes cordes.;)

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  3. Il fait bon délocaliser parfois, il faut juste oser le premier pas...

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    1. Oui, encore que pour la littérature grecque contemporaine, ce n'est même pas une question d'oser, c'est qu'elle est tellement peu représentée en librairie et mal promue en général, qu'on l'oublie totalement je trouve, et c'est vraiment dommage. Bon, en même temps, il n'y a pas autant d'auteurs grecs traduits que chez les Espagnols, les Italiens, ou même les Portugais, pour ne citer que leurs voisins...

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  4. Je dois avouer que je n'ai lu aucun auteur grec... Je note cet OLNI donc !

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    1. Comparé à d'autres romans qu'on estime bons côté littératures francophone et anglophone, je trouve que celui-ci surpasse même certains en qualité.
      Après c'est un style et un genre qui ne parleront pas forcément à tous les publics, mais j'ai adoré cette découverte pour ma part!

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  5. Sais-tu que tu me tentes, là? OLNI, ça m'attire toujours. En plus, j'ai bien envie de découvrir cette littérature depuis que je suis allée en Grèce!

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    1. Oh oui, je pense que ça te plairait! J'espère que tu te laisseras tenter malgré ta PAL gigantesque (mais bon, 1 de plus, 1 de moins...^^).

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