vendredi 3 avril 2015

LADY L.


LADY L.

De ce roman, ce qui me marquera à vie, c'est sa 4è de couv' ! Un extrait qui ne laisse rien présager, qui ne donne aucun indice sur ce qui nous attend dans ce récit, qui laisse vaguement dubitatif car on ne saurait quel sens lui donner, et qui pourtant est la clé de toute l'intrigue ! Quelle claque quand je suis tombée sur ce passage en cours de lecture ! C'était comme si un puzzle géant venait de s'assembler en un clin d'oeil, tout a alors pris son sens. Ce n'est pourtant pas un thriller ou un polar, mais à un moment donné en cours de lecture, je n'ai pu m'empêcher de me demander où nous menait Romain Gary avec ce récit, qui au demeurant n'était pas désagréable à suivre mais il me manquait comme un sens, une direction, une finalité, que j'avais l'impression d'effleurer car on sent qu'il y a quelques mystères tout de même dans ce récit (notamment, comment Lady L. est devenue Lady L.?). Et à ce passage très précisément, la lumière fut ! Et là, je me suis dit, pas de doute, c'est du grand Gary !

J'avais déjà été convaincue par le début que j'avais trouvé excellent, retrouvant avec plaisir l'écriture savoureuse de Romain Gary, piquante et tendre à la fois, toujours d'une justesse et d'une sagesse indéniable, avec un fond de dérision très appréciable. 
Quel régal que ces premières pages qui introduisent l'inénarrable Lady L., vieille dame de 80 ans, "caustique, sophistiquée et un peu cruelle". J'avoue, j'ai beaucoup ri, non seulement de ses observations et de ses réflexions cyniques, mais également de la manière dont l'auteur parlait de la terrible réalité de la vieillesse. Des observations très justes et très vraies, bien que dures à entendre.

Et puis très vite, nous basculons dans une autre période de la vie de Lady L., loin du "conventionnel, de l'empesé, de la bienséance et du comme il faut", pour la retrouver alors qu'elle n'était encore que la très jeune Annette Bourdin, promise à une vie de galères et de pauvreté. Elle confie son histoire à Sir Percy, son soupirant de toujours, vieux garçon très anglais et très poète dans l'âme, et là, Romain Gary a encore réussi à créer un personnage mémorable dont les interventions et attitudes en cours de récit m'auront bien amusée, d'autant plus que Lady L. ne rate pas une occasion de se moquer de lui.

"Le pauvre était simplement attaché à la vertu et à la pureté avec l'obstination farouche des natures vraiment distinguées que la réalité épouvante, pour qui l'amour se passe seulement entre les âmes, et qui n'ont jamais pu se faire à l'idée qu'il fallait y mêler encore les mains et Dieu sait quoi."

Une deuxième partie qui s'annonçait donc toute aussi truculente que les premières pages, sauf qu'en fait, on bascule dans un tout autre univers aux relents politiques, et là j'avoue, ça m'a tout de suite un peu refroidie. Notre Lady L./Annette Bourdin s'est en effet retrouvée à fréquenter des idéalistes anarchistes de la fin du 19è siècle, qui assurent son éducation de femme mondaine afin qu'elle puisse mener pour leur compte des missions d'espionnage. Anarchistes, idéalistes, très vite nous sommes entraînés dans l'univers sanglant et le cercle infernal des extrémistes et terroristes. Autant dire qu'au moment où je lisais ce roman (en février), du fait de l'actualité sanglante des dernières semaines, c'était une thématique qui commençait à m'être assez pénible et à me sortir par les yeux.
Heureusement qu'il y avait la diversion Sir Percy, et heureusement aussi que Romain Gary a réussi à rendre cette thématique non seulement intéressante par certains aspects, expliquant de façon intéressante et éclairante le point de vue des idéalistes et ce qui justifie leurs actes, mais il a aussi réussi à introduire dans ce contexte improbable une histoire d'amour décoiffante, vibrante et tragique, avec un trio pour le moins original, Lady L., son amant, un idéaliste anarchiste, et l'humanité (rien que ça), la grande rivale de Lady L..

"Elle s'était mise à voir en l'humanité une femme exigeante et impossible à satisfaire qui voulait lui prendre son amant."

Et toujours tout le long, des observations et réflexions avisées, qui sonnent juste.

C'est une intrigue formidablement bien orchestrée, développée, alimentée, mais c'est vraiment après coup que je m'en suis rendue compte car je suis en réalité passée par divers stades d'appréciation en cours de lecture. Le début, excellent donc, le milieu, des questionnements, des doutes même, et la fin, du grand art !! Encore une fois, pour moi, c'est du grand Gary, tellement différent encore de ceux que j'ai lus (La vie devant soi et La promesse de l'aube), ce qui est assez épatant en soi, mais en terme de plaisir de lecture, pour l'instant, ces deux titres restent tout de même nettement devant.

Une lecture commune autour d'un de mes rares auteurs chouchou avec Zarline qui, elle, a choisi Gros-Câlin.

16 commentaires:

  1. Toi, tu sais bien le vendre...
    A propos du gentil bibliothécaire, il a quelques problèmes au boulot et ne peut commander tout ce qu'il vaut (et puis les économies, c'est partout, ma bonne dame)
    Squatty est un grand malade, il saute pour attraper les abeilles (va se faire piquer, l'imbécile) et attrape les branches (fleuries) du pêcher à un bon mètre de hauteur, il grimpe dans l'arbre aussi. Bref, il n'arrête jamais...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Squatty, aaah c'est qu'il a réussi à s'imposer sur ton terrain, mine de rien.^^ 'sont forts ces chats quand même ! L'auteure du Mur invisible en parle bien d'ailleurs, des chats et de leurs caractères indomptables.;-) J'adore !
      Quant à ta bib', sûr qu'ils doivent faire des choix, mais je suis certaine qu'une suggestion (telle la série "Fables"^^) bien placée ne tomberait pas dans l'oreille d'un sourd.;-)

      Supprimer
  2. Jamais lu Gary mais je suis d'accord avec Keisha, tu le vends très, très bien !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Finalement on est quelques-uns à avoir échappé à la lecture obligatoire d'un Gary au collège. Je n'ai lu que relativement récemment "La vie devant soi", et quelle claque, quelle révélation ! Depuis, c'est un de mes auteurs chouchou.^^

      Supprimer
  3. Je n'ai pas lu celui-ci, je le note !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Aah c'est qu'il en a écrit des livres ! Je ne sais pas si une vie suffirait à tous les lire (en comptant qu'on n'en sacrifierait pas pour autant la lecture des oeuvres d'autres auteurs). Mon prochain a priori serait "Gros-Câlin". Le billet de Zarline est très très convaincant !

      Supprimer
  4. je ne l'ai pas lu non plus mais je dois à Gary quelques très belles émotions littéraires alors, oui, maintenant j'ai très envie de le lire!!!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Tiens, j'aurais pensé que tu l'avais lu celui-ci si tu as déjà quelques Gary dans tes lectures. J'ai choisi ce roman précisément parce qu'il m'avait semblé qu'il figurait parmi ses incontournables. Je l'avais pas mal vu commenté sur le net en général, et souvent avec enthousiasme. Oui, Gary, c'est très exactement ça : fournisseur de très belles émotions littéraires ! "Lady L." ne sera pas mon dernier de l'auteur !

      Supprimer
  5. Ah ouais, je confirme, tu le vends très très bien. A lire nos deux billets, y'a pas à dire, Gary est un auteur éclectique. Rien à voir entre cette vielle dame du 19ème et mon doux-dingue avec son python... à part peut-être le style inimitable de Gary. A posteriori, je pense que cette Lady L. m'aurait mieux convenu. Gros-Câlin est vraiment un peu timbré, peut-être plus ton style d'ailleurs ;-) En tous cas, sympa cette LC, j'espère être à l'heure pour la prochaine!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Mais oui, j'étais étonnée de la thématique, du contexte et de l'intrigue de Gros-Câlin en te lisant ! C'est encore si différent de "Lady L.", de "La vie devant soi" et de "La promesse de l'aube" ! (enfin, ce dernier, je ne devrais pas vraiment le compter, s'agissant d'une autobiographie...) Qu'un auteur puisse embrasser autant de genres, d'histoires et de styles différents, tout en ayant sa patte, je trouve ça fort et admirable ! Je sens que Gros-Câlin me plairait énormément ! Ce sera mon prochain Gary !:-) Et Lady L. ne devrait pas te laisser indifférente !
      J'ai bien avancé dans Le Mur invisible, Cryssilda l'a commencé aussi, normalement on devrait toutes être au RDV au 30 avril.;-)

      Supprimer
    2. Ô rage, ô désespoir! Je suis passé à la biblio pour emprunter Le Mur invisible mais quelqu'un a dû passer juste avant moi et l'a emprunté jusqu'à la fin mai. Super! Si j'arrive à passer en librairie ce week-end, je me l'achète peut-être. Autrement, je compterai sur vos billet le 30 avril pour me motiver à me lancer en solo en mai. Désolée de vous faire faux bond!

      Supprimer
    3. Oooh noooon ! Quel dommage ! Mais c'est légal ça, un emprunt de presque deux mois ?? :-0 Bon, ça se trouve, le lecteur le rendra bien avant, il ne faut pas autant de temps pour lire ce livre (j'approche doucettement de la fin, Cryssilda aussi - bon Keisha l'a fini déjà). A moins qu'il ne l'emmène en vacances... Bon, ce n'est pas pour te pousser à l'achat mais Cryssilda et moi, on est déjà conquise à ce stade. Je venais même de jeter un oeil sur les autres oeuvres de l'auteure.;) Je suis convaincue que tu apprécieras cette lecture.^^

      Supprimer
  6. Et bien moi qui veut absolument lire un autre titre de l'auteur pour continuer à découvrir ce qu'il a fait, je sais par lequel continuer ! Ce que tu dis sur lui me donne encore plus envie de dévorer ses bouquins car j'adore quand un auteur arrive à se renouveler et dépasser ce qu'il a fait.
    T'es une excellent commerçante en tout cas :D

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Haha, t'es pas mal non plus dans le genre.;-) Romain Gary, je crois que ça doit valoir le coup de lire toute sa bibliographie. Je suis partie pour lire Gros-Câlin d'ici la fin de l'année, ça a l'air d'être encore un tout autre registre, et du genre qui pourrait franchement m'enthousiasmer !^^ J'ai hâte !

      Supprimer
  7. ça a l'air vraiment très bien !! Je vais voir s'ils l'ont à la médiathèque.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Comme tout ce qu'écrit Romain Gary (enfin, du moins pour ceux que j'ai lus, les autres, je ne peux m'avancer (mais j'ai confiance^^)), c'est vraiment très bien, très très bien même.;-)

      Supprimer

Merci pour votre petit mot. Les commentaires sont modérés par défaut, mais j'y réponds toujours.