lundi 7 septembre 2015

SIMÉON L'ASCENSEURISTE


SIMÉON L'ASCENSEURISTE

traduit du roumain par Dominique Ilea

La vie des habitants d'un immeuble HLM dans la Roumanie postcommuniste. Lieu propice à l'observation des moeurs et habitudes d'une petite communauté, et à l'écoute des commérages qui vont bon train. Portes ouvertes sur le quotidien de la société roumaine d'après la révolution, représentée partiellement mais avec diversité. Un pied dans le présent, un dans le futur, mais la mémoire qui se rappelle parfois aux souvenirs du passé.
C'est surtout le théâtre d'action des mouvements et relations des habitants de l'immeuble où l'auteur se pose un peu en concierge un peu brindezingue, déluré, malicieux, qui a l'oeil sur tout ce petit monde un peu fêlé lui aussi.

Enfin, petit monde... Nous suivons ici tellement de personnages que l'on pourrait s'y perdre, mais au final, on s'accommode bien, comme si on avait emménagé avec eux et qu'on s'intégrait petit à petit à ce nouveau milieu. Parmi eux, Mme Pélagie, M. Angel, M. le professeur Septime, M. Éleuthère, Mme Gléophine, Mlle Zénobie et j'en passe. Que des noms étranges, d'un autre temps et un peu ronflants, qui contrastent avec la personnalité de leur détenteur.

J'ai beaucoup aimé le style de l'auteur, original, pêchu, contemporain (j'avoue, ça m'a marquée car on se représente la littérature roumaine peut-être un peu vétuste, grise, désuète) (grossière erreur!). Son récit est plein d'humour et de dérision, d'observations judicieuses et pertinentes, de réflexions qui sonnent juste. J'ai aimé son esprit farceur, pas net, qui s'amuse avec son lecteur. Un auteur qui fait l'imbécile tout en étant loin de l'être. Pour preuve par exemple la table des matières (cf ci-contre).

Le hic, c'était un peu l'absence d'histoire à proprement parler, celle qui impose un fil conducteur et vous permet d'avancer vers un but quelconque. Ce qui n'empêche qu'il y a une grande cohérence dans la construction de ce récit, qui, si on s'y penche de plus près, a un squelette bien solide et ne manque pas de subtilité pour dépeindre, via ce petit monde, diverses facettes de la Roumanie de la fin des années 90. Malgré tout, j'ai eu l'impression de nager au milieu des personnages et de leurs histoires, avec comme repère ce fameux Siméon qui bloque l'ascenseur pour d'obscures raisons mystiques, me noyant parfois dans le flot de l'intrigue pour refaire surface sans jamais vraiment trouver pied.

C'est peut-être ce qui fait que je n'ai pas pu lire ce semi-pavé d'une traite. Et pourtant, je ne m'y suis jamais ennuyée. Comme je le disais, le style de l'auteur est savoureux. Quand j'étais dans le récit, j'étais bien avec mes personnages, je me délectais de tout ce qui s'y déroulait, mais dès que je reposais le livre, je n'étais jamais vraiment pressée d'y retourner. Et quand je le reprenais, j'y étais bien de nouveau. Étrange comme expérience de lecture. J'ai mis ça sur le compte du manque de concentration que j'avais à l'époque où j'ai lu ce livre, mais je ne sais pas si ça suffit à expliquer tout...

Des extraits qui m'ont beaucoup amusée (j'ai dû faire le tri) et qui donneront un peu une idée du ton :

"Mme Alice avait découvert, à son propre compte, et quelque peu par hasard, que les règles de la vie chrétienne sont comme les règles grammaticales. Quoique très rigoureuses, et on ne peut plus détaillées, on ne risque pratiquement rien en les enfreignant. Cependant, il vaut mieux les observer, puisque c'est la tradition."

" - Écoute là, m'sieur Basile ! Voilà ce qu'on va faire : dès que j'aurai expédié cette histoire d'ascenseur, je vous rappelle, et on en reparle !
Cette méthode à validité universelle, unanimement connue sous le nom de "pipeau", prouve en toute circonstance son efficacité."

"- J'ai un problème, confessa M. Angel.
- Mieux vaut avoir un problème que d'en avoir deux. Dis toujours, on t'écoute !"

" "La vie et les livres, ce n'est pas pareil !" - ce qui n'est pas pour autant la faute des livres, mais de la vie, si ce n'est celle des hommes. Lorsqu'on saura avec précision où chercher l'erreur, la vie deviendra moins imparfaite, et les livres, moins parfaits."

La fin, la dernière ligne précisément, m'aura bien fait rire. Cet auteur est décidément foufou !

Repéré chez Keisha qui a aussitôt fait de me le mettre entre les mains. Merci pour le prêt ! ;-)

L'auteur
Né en 1952 à Vaslui, Petru Cimpoesu est l'un des plus importants écrivains roumains contemporains. Il est l'auteur de nombreux ouvrages, dont : Héros malgré lui (1994), Un royaume pour une mouche (1995), L'histoire du Grand Brigand (2000), Christina Domestica et les chasseurs d'âmes (2006, prix de l'Union des écrivains de Roumaine).

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Roumanie => 12/28

6 commentaires:

  1. Ce qui me fait tiqué c'est "semi pavé" parce que sinon, je découvrirais bien la littérature roumaine (j'ai des amis roumains justement), et par le biais de l'humour, ça serait parfait.
    Pour L'Europe des écrivains du 28 octobre consacré à la Roumanie, les auteurs dont il sera question seront : Norman Manea, Gabriela Adamesteanu, Mircea Cartarescu et Florin lazarescu. Je n'en ai bien sûr lu aucun... mon choix se fera un peu avec ce qui sera disponible en bibli.
    Si certains ont envie de découvrir la littérature roumaine par le biais de cette émission, c'est par ici : http://yspaddaden.com/leurope-ecrivains/

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    1. Semi pavé parce que c'est bien consistant tout de même mais absolument pas indigeste.;-) Personnellement, je trouve que c'est un bon choix de roman si on est un peu curieux d'explorer la littérature roumaine. Comme je le disais, j'ai été particulièrement frappée du style qui sonne tellement contemporain, on est en terrain familier, et en même temps, ça reste un récit clairement dépaysant de par son contexte et parce que l'auteur a pris le parti de faire dans l'original, et j'ai été très agréablement surprise par le ton emprunt d'humour et de dérision. Après ça reste un récit particulier, un poil OLNI, du fait justement du parti pris de l'auteur de faire dans l'original mais c'est ce que j'ai trouvé intéressant aussi, de découvrir que les auteurs roumains peuvent eux aussi partir dans des délires inattendus.
      Merci pour ton lien, je tâcherai de suivre cette émission, pour les autres pays aussi. C'est une sacré opportunité de découvrir de nouveaux auteurs européens. Ce serait dommage de passer à côté !

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  2. (je me suis levée pour lire la dernière ligne)
    Bon, voilà le billet! Mais tu sais que j'ai un autre roumain pour toi... ^_^

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    1. (haha, je te visualise bien aller fouiner dans les rayons de tes bibliothèques pur retrouver le livre et lire la dernière ligne^^)
      Oui, voilà le billet ! Je vais d'ailleurs rattraper mon retard billets livresques ce mois-ci je pense, car ce qui m'avait ralentie aussi, entre autres, c'est un PC à l'article de la mort (il avait près de 10 ans quand même). Là, nouvel ordi installé, je n'attends pas 3 h qu'une image se charge, pas de plantage inopiné tous les quarts d'heure pour des raisons de plus en plus obscures, bref, je vais pouvoir slowbloguer correctement.;-)
      Bien noté aussi l'autre roumain.;-) J'ai l'impression qu'il est encore plus foufou ! Tant mieux !

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  3. Beaucoup de personnages et une absence d'histoire... Tu sais trouver les mots pour me faire fuir :)

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    1. Non mais si tu as adoré un roman où on ne comprend que dalle dès la première page, simplement parce que l'auteur a décidé de prendre des mots au hasard dans le dictionnaire et d'appliquer une ponctuation sur un mode des plus aléatoires, tu pourrais très bien survivre à (voire complètement apprécier) ce roman-ci.;-)

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