vendredi 19 février 2016

CHIISAKOBÉ - TOME 1


CHIISAKOBÉ - TOME 1

              LE SERMENT DE SHIGEJI

Je n'ai eu qu'une expérience de lecture dans les parutions des éditions Le Lézard noir, mais elle a été tellement unique et concluante que c'est presque les yeux fermés que je m'aventurerais dans leur catalogue.
Quand j'ai repéré Chiisakobé chez Jérôme, j'étais donc d'emblée assez curieuse de le découvrir et plutôt confiante, bien que le titre et la couverture m'aient laissée dubitative. Ces personnages face à nous, droits et raides comme des piquets, c'était un peu étrange. Qui était cet homme dont l'apparence hippie ne me rassurait pas vraiment quant à l'intrigue que cela m'évoquait ? À quel type d'histoire aurais-je affaire ?

Le récit s'ouvre sur une tragédie. Shigeji, notre barbu aux allures de beatnik, apprend la mort de ses parents dans un incendie qui a réduit à néant l'entreprise familiale à Tokyo. Maître-charpentier à 26 ans, la reconstruction de l'entreprise et l'avenir de ses ouvriers, dépendent de lui.
Ritsu, elle, a perdu sa mère, et avec elle, tout ce qui lui tenait de famille. Depuis le drame de l'incendie, elle travaille en tant qu'aide-ménagère chez Shigeji qui héberge des apprentis ouvriers rescapés. A l'insu de Shigeji, elle a accueilli cinq enfants d'un orphelinat qui a brûlé dans l'incendie. Estimant que c'est aux services sociaux de s'en occuper, Shigeji ne voit pas leur invasion dans sa vie d'un très bon oeil mais se résigne à leur installation temporaire.

Voilà le squelette du récit. Des accidentés de la vie réunis sous un même toit. Un drame qui tombe sans crier gare, illustrant ces épreuves de la vie qu'on ne choisit pas mais auxquels il faut faire face. Les survivants, sans famille, livrés à eux-mêmes, doivent repartir de zéro. C'est l'histoire de leur cohabitation et de leur fierté personnelle aussi, leur volonté de s'en sortir par leurs propres moyens, avant de dépendre des autres.

Les personnages sont un peu difficiles à cerner. Ils n'expriment pas toujours clairement leurs émotions, comme si leur traumatisme les avait murés dans un silence protecteur. En revanche, leurs gestes, leurs attitudes les trahissent parfois. Je n'ai jamais lu de silences aussi éloquents que dans ce manga, même si on n'est jamais sûr de les interpréter correctement.
C'est très habile de la part de l'auteur, et artistiquement décontenançant, ces plans silencieux sur les mains, les pieds, un détail du corps, de l'environnement, qui en disent plus long sur l'état psychologique d'une personne que des paroles. Ici, les dessins, plus qu'un accompagnement, complètent les mots ou prennent leur relais.

J'ai trouvé cette histoire étrange et perturbante par moment. Étrange parce qu'on ne sait pas vraiment à quel type de récit on a affaire, comme si l'auteur brouillait les pistes. Certes, il y a cette histoire de survivants, une trame indéniablement tragique et sérieuse donc, mais il y a quelque chose de complètement décalé aussi dans les situations, les personnages, l'humour, qui fait qu'on ne sait pas trop sur quel pied danser. L'humour du père de Yûko, par exemple, est quand même bien singulier, à la limite du malsain. Les enfants aussi sont particuliers dans leur genre, surprenants, inattendus. Pareil, il y a quelque chose de franchement pas net chez eux.
Quant à Shigeji, étrange ce Shigeji tout zen. Difficile de savoir ce qu'il pense derrière ses mèches qui barrent son front. Il refuse toute aide alors que ce ne serait pas du luxe. Et Ritsu, elle aussi, d'où sort-elle ? Je la trouvais un peu culottée dans sa façon de s'approprier les lieux et d'imposer ses décisions.

C'est une expérience de lecture assez troublante pour le coup. Et malgré toute cette bizarrerie chez les personnages, il se crée une certaine harmonie, il se tisse des liens qui touchent à leur tour le lecteur. Dans ce chaos, ce qui va peut-être sauver tout ce petit monde, c'est justement l'entraide et la solidarité, non pas financière, mais juste humaine.

Bon, mais sinon Chiisakobé, c'est quoi ? Le tome 1 s'achève lâchement sur ce suspens.
Sur 4 tomes prévus, le tome 2 est paru en février, ouf ! Peut-être la réponse à ma question bientôt.

À ce stade, je ne saurais encore trop me prononcer ou affirmer si j'aime ou non. Il y a quelque chose, mais pour l'instant, c'est comme à l'état de mijotement. J'attends, j'observe. Ce Shigeji est bien mystérieux. On se demande comment tout ce petit monde va s'en sortir. Oui, la curiosité de la suite est tout de même bel et bien là.

Challenge Jérôme 1/3 hahaha !

10 commentaires:

  1. Challenge Jérôme, oui... je suis l'affaire!

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    1. Tiens, je n'ai pas fait encore de challenge Keisha ! Enfin, un non officiel avec Edward Abbey (Le gang de la clef à molette) il y a 4 ans par là, dans la catégorie "nature writing". Mais bon, on se tente assez mutuellement avec nos LC en plus, on est quasi en challenge continu.;-)

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    2. Tu sais, le gang de la clé à molette est un réservoir potentiel de hyène hilare... (complètement malades, là dedans)(tiens, je me le relirais bien)

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    3. Oui, un quatuor de malades, j'avais bien aimé le duo Hayduke et Bonnie.:-) Bon, je n'irai pas jusqu'à le relire par contre, j'avais eu quelques bémols aussi.

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    4. ha oui tu l'as lu, je ne me souvenais plus.
      Tu sais que j'ai lu le Laure Murat , de chez F, et j'ai aussi deux autres de chez F dans ma PAL (mais pas de romans)(en non fiction F est bon)

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    5. Ah oui pour F je suis d'accord.:-) Curieuse des deux autres titres.;-) J'en ai un pas mal du tout aussi là, plutôt catégorie "arts/BD", le concept est original mais je ne suis pas sûre d'en parler ici. Je ne suis pas très en avance dans mes publications...

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  2. Hé, hé, ton avis me rappelle parfaitement mon ressenti de lecture. Le père de Yuko est grave, les gamins sont bizarres et je me demande comment le triangle "amoureux" va évoluer. En route pour le tome 2 maintenant !

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    1. C'est très précisément ça résumé en 3 lignes.:-) Oui, on se demande vraiment comment va évoluer cette histoire. Tome 2 obligatoire, c'est clair ! On en sait trop et pas assez pour s'arrêter là, une fois la série commencée.

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  3. ah tiens?! Tu m'intrigues et moi je ne l'avais pas repéré chez Jérôme! Très tentée maintenant !

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    1. Je serais très curieuse d'autres avis. C'est un manga très particulier mais qui a son charme. C'est assez indéfinissable.:-)

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