vendredi 6 janvier 2017

14 JUILLET


14 JUILLET

Les récits historiques qui mettent en lumière ceux dont on ne parle jamais (généralement le petit peuple, les invisibles, les oubliés de l'Histoire) ou alors entre parenthèses, ça me plaît beaucoup. J'avais récemment lu un livre dans cet esprit avec Mademoiselle Haas de Michèle Audin, aussi, quand j'ai repéré ce récit chez Keisha, et puis rapidement sur d'autres blogs et dans les médias, c'était évident qu'il me le fallait !

"Avec emphase, on nous enseigne le règne de chaque roi, ses épisodes [...]. Mais on ne nous raconte jamais ces pauvres filles venues de Sologne et de Picardie, toutes ces jolies femmes mordues par la misère et parties en malle-poste, avec un simple ballot de frusques. [...] Nul n'a jamais écrit leur fable amère."

C'est le 14 juillet que choisit de faire revivre l'auteur, Eric Vuillard, ici.
"La prise de la Bastille est l'un des événements les plus célèbres de tous les temps. On nous récite son histoire telle qu'elle fut écrite par les notables, depuis l'Hôtel de ville, du point de vue de ceux qui n'y étaient pas. 14 juillet raconte l'histoire de ceux qui y étaient. Un livre ardent et épiphanique, où notre fête nationale retrouve sa grandeur tumultueuse."

Il nous entraîne dans l'Histoire et nous immerge dans cette journée du 14 juillet, au coeur de l'action, comme un journaliste de l'instant qui immortaliserait cette journée unique au milieu du petit peuple, hommes, femmes, ouvriers, petits commerçants, artisans, pauvres, et même des chômeurs.

"Or, on apprend beaucoup, à chômer. On apprend à traîner, à regarder, à désobéir, à maudire même. Le chômage est une école exigeante. On y apprend que l'on n'est rien. Cela peut servir."

Tout un peuple animé par le manque de pain et l'inquiétude, "qui trime pour un salaire de misère et dans le mépris pendant que la bourgeoisie prospère" et que "les riches paient peu d'impôts".
Des personnages qu'on suit, même pour quelques secondes, comme avec une caméra qui se braque ça et là, sur des anonymes qui prennent visage et nom pour un bref moment de gloire et de célébrité, et qui, ainsi, nous deviennent plus réels.

"Ah ! que c'est émouvant les noms propres; le bottin de la Bastille, c'est mieux que la liste des dieux dans Hésiode, ça nous ressemble davantage, ça nous rafraîchit la cervelle. Alors continuons, ne nous arrêtons pas, nommons, nommons, rappelons les faméliques, les cheveux longs, les gros blairs, les yeux louches, les beaux gars, tout le monde."

Des phrases courtes qui courent sur plusieurs lignes dans un rythme effréné et endiablé, animant le récit d'une vivacité à couper le souffle. Ça grouille, ça gronde, ça vit, ça peuple, on ressort de là quasi échevelé.

J'ai bien aimé cette idée de l'auteur de faire revivre le 14 juillet sous l'angle de vue du petit peuple. C'est un récit très animé, très vivace, on y est embarqué comme dans une farandole, un vrai tourbillon de folie furieuse, et c'est d'un réalisme bluffant, on s'y croirait !
Après, sur la longueur, et pourtant il s'agit d'un récit court, j'avoue que mon intérêt a fini par faiblir. Une fois qu'on a compris le mécanisme du récit, qui se répète un peu, on finit par saturer, du style, du rythme... Je me suis en tout cas un peu lassée de tout ce cirque, ça semblait interminable, comme une fête sur les Champs où la multitude finit par nous fatiguer et qu'on soupire à l'avance à l'idée de devoir remonter toute cette foule en délire pour atteindre la bouche de métro.

L'auteur
Écrivain et cinéaste né en 1968 â Lyon, Éric Vuillard a reçu le prix Ignatius-J.-Reilly 2010 pour Conquistadors, le prix Franz-Hessel 2012 pour Congo, le prix Valery-Larbaud 2013 pour La Bataille d'Occident et le prix Joseph-Kessel 2015 pour Tristesse de la terre.

20 commentaires:

  1. Mais tu ne regrettes pas, dis? Ceci étant, 200 pages, c'est la bonne longueur.
    Pour Hyperion, toujours pas là. Cela arrive que des lecteurs s'en moquent, et gardent les bouquins. L'ennui c'est que c'est la troisième fois que je devrai signaler un bouquin 'absent' depuis longtemps. La première c'était qqn qui devait ramener 5 livres et deux BD depuis 6 mois, la deuxième, une nouveauté de la rentrée avec un mois de retard... Bien sûr je tombe dessus par hasard. Bah ce n'est pas comme si je n'avais rien à lire.

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    1. Nonon, zéro regret.:-) Ça reste un récit qui vaut le détour pour l'incroyable reconstitution des événements à hauteur du peuple. L'auteur a réussi là un véritable tour de force rendu possible, j'imagine, par de nombreuses heures de recherche.
      Ah oui, concernant les prêts à durée indéterminée, c'est assez pénible. Il y a des amendes mais elles sont peu dissuasives. Sur Paris, c'est assez fréquent les prêts qui débordent d'une semaine, voire deux, au-delà du délai autorisé, mais après ça revient quand même. J'ai déjà entendu des bibliothécaires dire qu'ils étaient assez souples (à une personne, inquiète, qui passait les voir parce qu'elle ne savait plus ce qu'elle avait emprunté, pour découvrir qu'elle détenait un livre qu'elle devait rendre depuis une semaine, haha !). Bon, je croise les doigts pour Hyperion, c'est quand même de la bonne SF. J'espère au moins que le lecteur l'aura lu !

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    2. Amendes peu dissuasives, et en fait dans cette bibli on laisse une semaine de plus officieusement(on me l'a dit à l'époque où je stressais un peu), c'est sûr que déclencher les recherches à T plus 0, ça demande de l'énergie bien inutile, en fait, car les gens peuvent très bien ne pouvoir venir qu'une fois de temps en temps.Les lecteurs deviennent rares, mieux vaut être assez souple.
      Dans mon autre bibli, là elles doivent en avoir marre (où c'est une instruction venue de haut?), à 15 jours de retard, carte suspendue (bon, je ne sais pas trop les détails.
      Et ce lecteur d'Hyperion? Si vraiment il l'a lu et l'a aimé, il aurait dû se pointer avant, car les 1 et 2 forment un seul livre! J'hésite à emprunter le 2...Parce que vu sa vitesse, on n'est pas rendu (ça c'est si ça me plait, bien sûr)

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    3. Ouhla la carte suspendue, c'est sévère ! Nous c'est censé être pénalisé 15 cts par livre et jour de retard, et tu paies l'amende quand tu as cumulé 15 euros. Moi à une époque, j'avais cumulé 3 ou 4 euros, et puis un bibliothécaire, un jour, a décidé de remettre mon compteur à zéro, haha ! Ouais, ça reste quand même très souple.:-)
      Bon, ton lecteur d'Hyperion, ça se trouve il a perdu le livre emmené pendant ses vacances et maintenant il fait profil bas ! À ta place, j'emprunterais le 2, oui. Il va bien être obligé de se manifester prochainement ce lecteur !

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  2. J'ai repéré celui ci aussi j'aime bien le fait que ce soit vu du petit peuple .Je vais faire un passage à la bibliothèque mais je veux faire un peu descendre ma PAL

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    1. Je soutiens totalement les projets "Objectif PAL" ! Bon, ceci dit, ce livre-ci est assez court pour se glisser facilement entre deux livres de ta PAL.;-)

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  3. Je découvrais Eric Vuillard avec ce livre trouvé à la bibli en novembre. Je ne l'ai pas chroniqué parce que j'avais l'impression que beaucoup en avaient parlé (et en plus j'étais en pause) mais j'ai beaucoup aimé cet angle pour raconter le 14 juillet, c'était vivant, foisonnant et en même temps on comprend à quel point les "petits" sont emportés, oubliés par l'Histoire, alors que s'ils n'avaient pas été là...

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    1. C'est un angle particulièrement original, oui, et en plus tout à fait légitime. J'aime vraiment cette idée de mettre en lumière les anonymes de l'Histoire. C'est vraiment une très bonne idée que l'auteur a eu là pour le 14 juillet, et c'est très réussi. À tel point que je me suis sentie étouffer sous cette foule sur la fin, dans ce tumulte effréné, haha !
      Bien dommage que tu n'aies pas chroniqué ce livre. Tous les avis ne se valent pas.;-)

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  4. J'aime les romans historiques. Ce livre pourrait me plaire ! Je ne connais pas du tout.
    Bonne semaine.

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    1. Ah enfin ! Un livre que j'ai lu qui pourrait te plaire, haha ! Ça vaut le détour oui, et si tu aimes les ouvrages historiques, tu devrais y trouver ton compte. Bonne semaine.

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  5. Je n'arrive pas à me motiver à lire ce roman... Un je-ne-sais-quoi me dit que je vais passer à côté...

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    1. Je suis d'avis de suivre ses intuitions.:-) Si tu ne le sens pas, ne t'y risque pas. Mais en même temps, il n'y a pas grand risque.;-)

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  6. Je l'ai abandonnée en cours de route... Lassée !

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    1. J'avais bien avancé de 2/3 avant de sentir la lassitude me gagner un peu, donc à ce stade, je ne me voyais pas abandonner. Mais ça aurait été plus long, j'aurais pu.:-) Un peu l'impression de lire la même rengaine, c'était la même musique qui s'éternisait. Au bout d'un moment, on a compris le truc.:-)

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  7. Je note tes bémols pour lever mon bouclier (j'utilise tes méthodes, c'est mal, hein ! ).

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  8. Bonsoir A-girl, eh bien moi, je ne me suis lassée ni de l'histoire, ni du style (c'est très bien écrit). Bonne soirée.

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    1. Bonsoir Dasola, oui, c'est très bien écrit, rien à redire sur ce plan-là, le style est savoureux et entraînant, mais sur la longueur, ce procédé narratif un peu répétitif a fini par perdre un peu de son charme et de sa fraîcheur (en ce qui me concerne). Mais je conçois qu'il ait pu en enchanter d'autres jusqu'au bout.:-)

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  9. Je dois dire qu'au départ je suis peu attirée par les récits historiques, à moins que l'histoire se déroule dans un lieu qui m'est cher ou auquel j'y retrouve quelques repères affectifs.
    Je crois que comme toi je finirais par y perdre intérêt, même s'il a aussi ses qualités...
    Bisous

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    1. Ah oui, je vois très bien ce que tu veux dire.:-) Effectivement, si tu n'es pas d'emblée disposée pour ce genre de lecture, autant te consacrer à d'autres livres, il y en a tant ! :-)

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