vendredi 9 juin 2017

GROENLAND MANHATTAN


GROENLAND MANHATTAN

Je ne connaissais pas l'histoire de Minik Wallace, ce jeune Inuit emmené enfant à New York en 1897 avec son père et quatre autres membres de sa famille par l'explorateur américain Robert Peary. En revanche, je connaissais Chloé Cruchaudet qui m'avait bluffée avec son adaptation graphiquement fascinante de l'histoire étonnante de Paul Grappe, alias Suzanne Landgard dans Mauvais genre, aussi c'est plutôt confiante que j'ai abordé ce nouvel album malgré un titre qui ne m'inspirait rien (les expéditions polaires, le grand froid, tout ça, ça m'enthousiasme assez peu à la base).

J'ai découvert donc avec cette BD le destin tragique de Minik, emblématique de celui de ces peuples considérés comme des sous-hommes à l'époque (je pense en particulier au destin non moins tragique de la Vénus Hottentote), victimes d'une "idéologie coloniale et raciste validée par la politique et la science"*, exposés tels des animaux de zoo à la curiosité du monde dit civilisé, contaminés par la modernité, et dont les conséquences de ces attitudes et actes irresponsables et honteux se reflètent encore de nos jours.

L'histoire de Minik, c'est entre autres celle du déracinement, du choc des civilisations et des différences culturelles, du tiraillement entre deux peuples, de la perte des repères et de la quête perpétuelle d'identité.
C'est déjà tragique en soi, mais l'affaire du faux enterrement de son père dont le cadavre fut remplacé par un tronc et caché sous des draps afin de leurrer le petit Minik, est à mon sens un des actes humains les plus honteux et scandaleux. Minik et sa famille étaient en effet logés au Musée américain d'histoire naturelle où ils étaient étudiés. À la mort des adultes, tous terrassés par la tuberculose, le musée conserva les corps en secret pour des expériences légistes puis exposa le squelette de Qisuq, le père, ce que découvrit Minik bien plus tard. On imagine son choc. Bien que cela soit dans le contexte d'une époque, je n'en reviens pas encore que des hommes aient pu en arriver à cette extrémité et à ce sacrilège au nom de la science.

L'histoire de Minik, c'est aussi celle de son intégration et de son adaptation à sa nouvelle vie américaine alors qu'il est adopté par William Wallace, le responsable du musée. On sent qu'il ne fut pas malheureux de cette nouvelle vie, jusqu'à ce qu'il découvre l'acte de trahison du musée, et décide de retourner chez les siens, au Groenland. De retour dans son pays natal, les choses ne se passent pas si bien que cela malheureusement. Minik est en mal de repères et c'est le début d'une lente descente aux enfers.

Chloé Cruchaudet excelle vraiment dans l'adaptation de biopics en BD. Elle a indéniablement le sens de la narration et de la mise en scène, mais j'ai trouvé que cet album avait moins de force que Mauvais genre d'un point de vue narratif. Ou est-ce la thématique, quelque peu plombante, qui veut ça ? Étrangement, j'ai été plus touchée par les quelques passages que j'ai pu lire sur le net en me renseignant davantage sur l'histoire de Minik, que par l'album lui-même.

Graphiquement, j'ai été moins séduite aussi qu'avec Mauvais genre, peut-être à cause des tons volontairement éteints, dilués, froids, qui collent, ceci dit, parfaitement aux paysages et au climat, et restituent une belle ambiance inuite et froid new-yorkais. Quoi qu'il en soit, ça reste artistiquement admirable.

L'album se termine par une postface très intéressante et instructive de Delphine Deloget*, réalisatrice du documentaire Qui se souvient de Minik?, et illustrée par quelques photos d'époque dont quelques-unes de Minik.

10 commentaires:

  1. Lu, bien sûr, et il y a longtemps, mais je devrais bien le relire maintenant!
    (et j'espère avoir Briser la glace, yes!)

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    1. Oui, il remonte en fait cet album. Paru bien avant Mauvais genre d'ailleurs.
      Ah tu as commandé le Julien Blanc-Gras à la bib' ? Excellente idée ! Mon étagère à thématique groenlandaise s'étoffe, mine de rien.:-)

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  2. j'avais déjà noté, tu me donnes encore plus envie même si je serais certainement de ton avis au sujet des couleurs...

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    1. C'est cohérent artistiquement par rapport au récit en tout cas. Elle pouvait difficilement opter pour des couleurs plus chaleureuses.:-)

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  3. Bon, comme je ne lis pas de BD, je passe...
    Par contre, pour mon challenge, elles sont bien sûr acceptées. Je ne suis pas difficile !
    Bonne semaine.

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    1. OK, je vais voir pour ton challenge. Une trilogie ou une série en BD, c'est toujours plus facile à caser.:-) Mais bon, après ce n'est plus vraiment un challenge.;-)
      Bonne semaine.

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  4. C'est un de ses premiers albums, graphiquement il manque un peu de maîtrise mais j'avais adoré cette triste et terrible histoire.

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    1. Triste histoire en effet, qui mérite bien d'être connue. J'aime assez les sujets sur lesquels se penche Chloé Cruchaudet.

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  5. Ha ha ha moi je lis le titre et je suis tout de suite emballée! Les expéditions polaires c’est tout à fait pour moi ^^
    Je ne connais pas l’histoire de ce jeune inuit au destin tragique, le déracinement en soi est déjà un choc, mais après toutes ces épreuves, comment en sortir indemne. Intéressant en effet qu’il y ait une postface, c’est certain que j’irai me renseigner sur son histoire, tu piques VRAIMENT ma curiosité...
    Zutttttt reprise du boulot......... mais c’est le weekend dans 2 dodos! Yaouhhhhhhhh
    Bisousss

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    1. Haha oui, j'étais sûre que ce titre allait t'enthousiasmer de suite !!^^
      C'est une histoire à l'issue tragique et sans réelle surprise mais fascinante tout de même, déjà parce que c'est une histoire vraie, et puis on n'en croise pas tant que ça des récits sur les Inuits, surtout en BD, et encore moins dans ce contexte historique.
      Yes, le weekend approche, avec soleil, farniente et barbeuq au programme !^^ Bisouuuuus

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