lundi 11 septembre 2017

CONFITEOR


JO CONFESSO

( CONFITEOR )

traduit du catalan par Edmond Raillard

Ma grande victoire de l'année ! Enfin, j'ai lu Confiteor !
Un roman qui m'a toujours intriguée, tentée et en même temps impressionnée. J'avais très envie de savoir ce qui se cachait derrière, et en même temps, j'en avais peur. Beaucoup a été dit à ce sujet, et ce qui me marquait (et m'inquiétait) toujours, c'était l'exigence de ce texte, l'impossibilité de le résumer, le foisonnement dans tous les sens. Certains avaient quand même lâché au bout de 100 pages, et une collègue a dû s'y reprendre à deux fois avant de dépasser les 30 premières pages, n'y comprenant rien au départ.

Certes, certes, j'avais enfin lu Proust (enfin, le tome 1, mais quand même), je ne devrais plus avoir peur de rien. Hé bien si, Confiteor me semblait l'Everest à escalader. Je m'étais réservée cet été pour le lire. Deux mois s'il le fallait. Je me motivais toute seule, comme quand on se prépare à un grand marathon ou une épreuve compliquée. Je ne comptais même plus sur des compagnonnes de galère via une LC. Ce chemin de croix, je le traverserais seule, j'acceptais le challenge.
Ce qui me motivait, c'est que tout le monde s'accordait à dire que c'était génial, un coup de coeur, une oeuvre soufflante et  éblouissante. Je voulais vivre ça moi aussi. Je ne lis que pour ça d'ailleurs, l'espoir de tomber sur des pépites hors normes.

Bref, je prends mon inspiration et mon courage à deux mains, et je me lance enfin !
Alors, ce qui m'a surprise d'emblée, c'est qu'on rentre très facilement dans ce roman. Vraiment ! L'écriture est fluide, agréable, on rentre tout de suite dans l'histoire, son ambiance. Pas d'embûches à l'horizon. Les premiers effets stylistiques ne me semblent pas insurmontables non plus. Une fois qu'on a compris le mécanisme du récit, ça roule plutôt bien et tout seul. Et c'est même éclatant, cette façon de raconter, en faisant parler le narrateur de la première personne à la troisième personne du singulier, dans une même phrase, en glissant subrepticement d'un lieu à l'autre et d'une époque à l'autre sans qu'on soit véritablement conscient ni qu'on puisse réellement repérer le passage de l'un à l'autre, le tout se faisant en douceur, sans douleur, de manière toute naturelle. Assez épatant quand j'y repense !
À ce propos, je pourrais comparer Confiteor à un arc-en-ciel ! De loin, on distingue plusieurs couleurs formant un ensemble, mais impossible d'en repérer la démarcation. Il n'y en a pas, ça forme un tout. Les couleurs, telles les histoires du roman, se fondent les unes dans les autres, dans une magie mystérieuse, tout en restant bien nettes.

Je m'attendais aussi à un récit quelque peu austère au vu du titre, mais on est dans une intrigue vivante, captivante, non dénuée d'un certain humour bien que ce ne soit pas l'atmosphère principale du roman, et avec une bonne dose de suspense qui tient le lecteur en haleine jusqu'au bout. Parce que oui, alors qu'on suit le narrateur dans ses souvenirs d'enfance, aux côtés du shérif Carson et du chef indien Aigle-Noir (génial le délire autour de ces deux figurines !), on ne peut s'empêcher de se demander à qui il écrit (se confesse même) et pourquoi. Que viennent faire cette médaille et ce linge souillé dans le récit, et quel mystère historique règne autour de ce violon ? Rien ne nous préparera à cette plongée au coeur du plus sombre de l'Histoire européenne, aux sources du Mal, de l'Inquisition à la dictature espagnole et à l'Allemagne nazie. Mais rien ne nous préparera non plus à une des plus touchantes histoires d'amour et d'amitié de tous les temps. Et rien ne nous préparera à la véritable tragédie de ce récit, celle qui explique cette confession écrite, et dont l'issue, la fatalité et les conséquences m'ont véritablement bouleversée. Attention mini-spoiler Ce mal qui ne vient pas du coeur des hommes mais contre lequel on ne peut rien et qui détruit aussi des vies, des amitiés, des amours.

C'est un roman fort, formidable même, épatant, bluffant, sciant, bouleversant. J'ai beaucoup aimé, le style, la façon de raconter de l'auteur, l'histoire, les histoires dans l'Histoire, le ton, l'imagination, l'ampleur de l'intrigue, tout ce qu'elle balaie en terme de thématiques et de réflexions. Je ne saurais rien lui reprocher, je n'ai aucun qualificatif négatif à lui associer, je n'en pense que du bien, je pourrais même parler de chef-d'oeuvre... mais... je n'arrive pas à affirmer que j'ai a-do-ré.
J'ai échappé au coup de coeur, ou je l'ai frôlé de peu. Peut-être que j'avais placé la barre très très haut, tellement haut que je ne me suis pas rendue compte quand elle a été dépassée et que c'était comme si j'attendais encore qu'on l'atteigne.
Je crois surtout que ce roman à cette humilité des grandes oeuvres qui nous terrassent sans nous le faire sentir ou sans s'en vanter, et on croit être debout alors qu'on est allongé depuis belle lurette.

Un extrait parmi tant d'autres (mais il fallait choisir) que j'ai adoré et qui m'a beaucoup amusée :
"- Et il n'y a rien de bon ? Pas même la dernière nouvelle ?
- C'est ce qu'il y a de mieux. Mais ce qu'il y a de mieux dans un naufrage."

L'auteur
Né à Barcelone en 1947, Jaume Cabré a été récompensé du prix d'honneur des Lettres catalanes en 2010. Confiteor a été couronné de nombreux prix, notamment le prix Courrier international du meilleur livre étranger.

32 commentaires:

  1. Enfin LE billet! ^_^ Si c'est à moi que tu fais allusion quand tu évoques un abandon page 100, sache qu'avec Et quelquefois j'ai comme une grande idée ce genre de narration où tout s'emmêle dans un paragraphe j'étais habituée. En fait j'ai englouti les 100 pages sans problème. Puis patatras est arrivée l'inquisition alors les méchants, moi j'ai décroché. Puis j'ai feuilleté et suis tombée sur le passage avec la gamine dans le camp, et là, no way, je veux bien un document, pas besoin d'y aller dans un roman. Le syndrome Kinderzimmer, quoi.
    Voilà voila. ^_^

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    1. Ouioui, c'était bien à toi que je faisais allusion, haha ! Quoique j'avais déjà "croisé" d'autres lecteurs qui avaient aussi abandonné. Du coup, on ne sait pas trop à quoi s'attendre. Ce n'est jamais bon signe quand certains lâchent l'affaire. On se dit qu'on pourrait bien faire partie du lot, et on se demande si ça vaut la peine de se lancer.
      Bref, tu fais bien d'expliquer pourquoi tu n'as pas souhaité poursuivre parce que j'avais mis cela sur le compte de l'ennui ou de la difficulté à rentrer dedans. Or la raison est toute autre, et là j'ai envie de dire, "Mais ça ne se fait pas de feuilleter plus loin quand on a commencé un livre !!!" C'est comme lire la fin ! Enfin, c'est surtout lire des passages hors contexte, et dans le cas de Confiteor en particulier, ça n'a pas de sens. Non franchement, tu devrais le reprendre parce que là, du coup, tu te fais une idée complètement erronée de l'histoire, et c'est bien dommage.:-)

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    2. Oui, je sais, ça ne se fait pas...

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  2. Bon tu m'encourages à le commencer enfin. Moi aussi, je crains un peu de ne rien y comprendre ! ;-)

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    1. Non franchement, ça se laisse vraiment lire (quasi) tout seul, surtout quand on s'attend à l'insurmontable niveau difficulté et exigence du texte, je pense.:-)
      Lance-toi, n'hésite pas !

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  3. J'avais adoré (très peu original comme avis, mais sincère !!). Le commentaire de Keisha tombe à pic : j'allais justement écrire que tu peux maintenant t'attaquer à Et quelquefois j'ai comme une grande idée (rien à voir au niveau de l'intrigue avec Confiteor, mais on retrouve de manière troublante des similitudes au niveau de la construction).

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    1. Je l'avais repéré ce livre (étonnant, hein ?). Tu sais comme j'aime tout particulièrement l'originalité stylistique, tout autant que l'imagination chez les écrivains. Ce qui m'avait un peu freinée, c'est le côté nature-writing. Il me semblait qu'il y avait aussi un peu de ça, mais je me trompe peut-être.

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    2. Beuh non la nature n'est pas omni présente, fonce!

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    3. Ouais ouais... Non mais c'est comme le Mal dans Confiteor, haha !;-)

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  4. C'est un immense roman qui ne surjoue jamais et ne tombe pas dans le gratuitement alambiqué. Il est juste là, puissant, admirable, ambitieux et tenu mais il ne se la raconte pas. C'est vraiment l'impression qu'il m'a donné : il en impose sans s'imposer. Et surtout il est absolument inoubliable.

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    1. C'est tout très exactement ça !:-) Je pense que je ne m'arrêterai pas là avec l'auteur.

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  5. Bonjour A_girl, je suis contente que ce roman t'ai plu. Il est dense, foisannant mais quelle belle écriture. Ce fut mon coup de coeur de 2013. Bonne après-midi.

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    1. Bonsoir Dasola, c'est un roman véritablement admirable, c'est clair. J'aurais aimé en faire mon coup de coeur 2017. Ça l'est quasiment. En tout cas, c'est un de mes incontournables de tous les temps.:-)

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  6. Cela fait un moment que ce roman me rend curieuse. Merci pour ton avis, tu me donnes envie de le lire :-)

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    1. Tant mieux, tu m'en vois ravie !:-) Je suis très curieuse de ton avis maintenant !:-)

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  7. Bravo pour ton billet parce que, moi, j'avais été incapable d'en parler.

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    1. Il m'a donné un peu de mal, j'avoue.;-) J'avais fini le roman fin juillet déjà. Je n'ai pu finaliser mon billet que ce weekend.

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  8. Voilà des années que je dis que je vais le lire, mais il y en a tant et tant... Un jour, je franchirai le cap... peut-être.

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    1. Allez, allez, un petit challenge contrainte et ça se case.;-) C'est un roman qui vaut le détour en tout cas.

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  9. Bravo!! Moi il m'impressionne trop ce livre!

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    1. Non non, je t'assure, ne te laisse pas impressionner. C'est tout à fait accessible !;-)

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  10. J'aime beaucoup ta comparaison avec l'arc en ciel, c'est exactement ça ! Un grand roman sur le mal, que j'avais eu moi aussi, beaucoup de mal à chroniquer , beaucoup qu'à le lire ! J'ai aussi Et quelque fois j'ai comme une grande idée sur mes étagères, je voulais le lire cet été ... Et j'ai reculé !

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    1. Aah merci de le souligner (pour ma comparaison avec l'arc-en-ciel) ! Ça m'est venu comme une illumination (au départ, j'étais partie sur la Voie lactée...), et j'en suis très fière, haha !
      Écoute, si un jour (en 2018), une LC "Et quelque fois j'ai comme une grande idée" te tente, fais-moi signe ! Ça me motivera peut-être à m'y mettre.;-)

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  11. "C'est un roman fort, formidable même, épatant, bluffant, sciant, bouleversant."
    Pffffffffffffffff toi tu n'as pas idée comme je me MEURS de lire ce livre!!!! Oh ouiiiiii je me le promets pour 2017...
    Gros becssssss

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    1. Je suis convaincue que tu seras conquise toi aussi ! Il ne peut pas en être autrement !!;-) Aaaah, j'ai hâte de te lire à ce sujet !
      Gros smaaacks !

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  12. C'est un roman que je vise depuis un moment. Contente de lire ce billet qui donne envie de s'y coller...
    J'attendrai toutefois une période de disponibilité car en ce moment, la période s'y prête peu. C'est le genre de roman pour lequel je choisi soigneusement l'instant ;-)

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    1. Oui, c'est le genre de romans qu'il faut laisser venir à soi, ou qui t'appelle quand c'est le bon moment. Inutile de faire du forcing.;-) Ceci dit, vu la peur que j'ai eu avant de l'aborder, je tenais à préciser qu'il n'y a vraiment pas lieu d'en avoir peur. Il est parfaitement accessible et se laisse lire sans résistance. Après, on accroche ou pas, pour cause de thématiques ou autres, mais ça c'est un autre problème.;-)

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  13. pour moi c'est LE chef d'œuvre littéraire, LE roman de génie! Ma-gni-fi-que !!!

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  14. malgré ton élan, me connaissant, je reste prudente et méfiante face à ce style d'oeuvre !

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    1. Ça paraît un monument comme ça mais je t'assure, c'est très accessible. Tu lis bien Zola et tu as apprécié, si j'ai bien compris.;-) En audiolivre, peut-être ?:-)

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