mercredi 12 août 2020

L'HOMME QUI SAVAIT LA LANGUE DES SERPENTS


L'HOMME QUI SAVAIT LA LANGUE DES SERPENTS

traduit de l'estonien par Jean-Pierre Minaudier

Il y a quatre ans, je découvrais cet auteur estonien incomparable, Andrus Kivirähk, qui m'a tout de suite conquise avec ses Groseilles de novembre et que j'ai adoubé auteur chouchou dès les premières lignes. Ce que j'en avais dit à l'époque pourrait tout aussi bien s'appliquer ici. Hop, cop/coll :
Un auteur plein de délires, qu'on prend tout de suite en haute sympathie. J'ai tout adoré ! Son style, son humour, son talent de conteur (quelle verve, quelle vie, quelle énergie dans les phrases, les dialogues, les réparties !), son univers, son imagination, ses personnages. Tout y est tout bonnement truculent et savoureux. J'ai adoré cette immersion dans ce petit monde complètement déluré (fin cop/coll) dont on suit l'évolution au fil des pages.

Ici on croise des hommes qui parlent la langue des serpents et qui potisent avec eux (Ints 💗), des femmes qui tombent amoureuses des ours (Nounours !! 💗💗💗), des anthropopithèques qui élèvent des poux géants (oui, bon ça boueurk mais n'empêche que j'ai été bouleversée par l'histoire de l'un d'entre eux 😭) ... j'en passe et des meilleures ! (re-cop/coll) Ouais, dis comme ça, on pourrait se dire bof, mais voilà, l'auteur fait un véritable miracle de tout cet univers ! (fin cop/coll)

Ajoutons à cela des villageois qui rêvent d'être castrat et d'adopter la tonsure des moines, des paysannes qui se pâment devant les chevaliers, des sages qui ne le sont pas tant que ça, j'en passe et des meilleures encore une fois, et certes, là encore, dis comme ça, on pourrait se dire bof, mais voilà, c'est tellement farfelu, et l'auteur est tellement délirant et bourré de malice, son style si frais et enlevé, qu'on se régale vraiment.

Mais ce roman, ce n'est pas juste de la franche rigolade sans queue ni tête. 
C'est l'histoire d'un monde, l'ancien monde, quelque peu sauvage, ancré dans les croyances païennes, menacé par l'émergence d'un monde moderne mais dont le contexte médiéval nous amusera davantage qu'il ne nous impressionnera. 
C'est l'histoire des gens de la forêt qui tentent de préserver leurs traditions et leur mode de vie sans rien demander à personne, raillés par les villageois qui pensent avoir su, eux, évoluer en embrassant le monde civilisé des moines et des chevaliers.
C'est l'histoire des querelles entre les anciennes et les nouvelles générations, chacune convaincue de la supériorité de ses croyances et de ses valeurs et méprisant l'autre pour ses choix de vie. 

Andrus Kivirähk dépeint à merveille et tout en dérision ces deux communautés qui se ressemblent peut-être finalement plus qu'elles ne s'opposent, ridiculisant autant l'une que l'autre pour notre plus grand plaisir. Alors oui, on se bidonne, grâce entre autres à toute une galerie de personnages uniques et truculents, mais ce roman exsude aussi tant de nostalgie, de mélancolie, et est si profondément tragique en fin de compte qu'il m'a laissé un goût doux-amer au sortir de ce récit. 
Une très belle fin pourtant, toute en cohérence, et je le souligne car à un moment, je me demandais comment l'auteur pourrait bien conclure cette fable subtile mais retorse de façon satisfaisante.

Autre cop/coll pour conclure :
Rentrer dans ce livre, c'est rentrer dans un monde qui sort de l'ordinaire, rempli de folklore estonien, univers de tous les possibles (fin du cop/coll) mais la vraie touche de magie, c'est que l'auteur parvient, avec une réelle aisance, à rendre l'improbable tout à fait normal. Qui aurait dit que je trouverais un jour un serpent attachant ?

Une phrase qui résume tout l'esprit de ce livre :
"Il n'y a plus grand-monde dans la forêt, mais il y a bien moitié de fous là-dedans."
Une phrase d'anthologie :
"Moi, ma fille, je lui ai dit, si tu te fais nonne, tu ne mets plus le nez chez moi, espèce de pute !" 😂

Bon sang, il ne me reste plus qu'un roman traduit en français de cet auteur à me mettre sous la dent, Le Papillon (que 160 pages en plus 😱), et après, je deviens quoi ??

LC avec Stéphanie et Nasaissa.

Intègre le challenge À l'assaut des pavés. Hors catégorie (moins de 600 pages).

22 commentaires:

  1. Ha... celui là je l'ai lu (et dans la foulée je crois, Minaudier). Il me reste les groseilles (mettre la main dessus)
    Sinon, tu te mets à l'estonien?

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    1. Ahaha, je pourrais y songer au prochain confinement.;)

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  2. Hmmm je ne suis pas sûre que ce livre soit fait pour moi mais j'aime bien comme tu en parles ;-)

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    1. Merci ! :) J'ai l'impression que tu pourrais apprécier pourtant, mais je peux me tromper.

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    2. Non, non tu ne te trompes pas ! Anne pourrait vraiment apprécier la lecture de ce roman génial, complétement azimuté, parce qu'il est remarquablement écrit et avec un rythme extra. Cela reste pour moi un énorme coup de coeur et un moment inoubliable de lecture. Je suis ravie de savoir qu'il est sorti en poche.

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    3. Aaah je me reconnais tout à fait dans cet enthousiasme qui fait plaisir à lire.:) J'ai vu quelques avis plus mitigés, notamment sur l'écriture (que la plupart impute au traducteur), mais moi j'ai adoré sans réserve.:) Ceci dit, je peux concevoir que tout le monde n'adhère(ra) pas forcément.

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  3. Ah oui celui-là est noté depuis des lustres...

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  4. Ce n'est pas le premier billet élogieux qui je lis à propos de ce roman. J'ai vu d'ailleurs qu'il a reçu le grand prix de l'imaginaire étranger en 2014 ! Bon soi t je le trouve à la bib', soit je le trouve en poche, mais ce livre passera entre mes mains un jour ou l'autre !

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    1. Oh yes ! Évite toutefois le livre audio si tu peux car un des très rares commentaires négatifs que j'ai lus s'appliquait à la version audio...

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  5. Pas sûr que ce livre soit pour moi...mais sait-on jamais?

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  6. Bon, j'avoue (bien que je semble être la seule), je l'ai commencé, et n'ai pas accroché. Toutefois, je le garde à l'esprit pour lui donner une deuxième chance, sait-on jamais !

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    1. C'est assez hors des sentiers battus pour que je conçoive que tout le monde n'y trouve pas forcément son compte. Ce n'est peut-être juste pas ton genre de littérature. Les goûts et les couleurs...;)

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  7. Malgré les avis louangeurs, ton enthousiasme communicatif... et la superbe couverture, je ne suis pas sûr que j'accroche à l'univers de ce roman.

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    1. Je ne saurais l'affirmer, j'avoue.:) Ton intuition est certainement plus sûre mais bon, rien n'est jamais certain tant qu'on n'a pas essayé.;)

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  8. oh la la, je l'avais complètement oublié celui-là! je l'avais noté à l'époque de sa sortie, et puis comme d'hab, j'en ai noté d'autres et ainsi de suite. tu me le remets en mémoire! j'aime bien l'idée du côté déjanté.

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    1. Je sens que tu pourrais bien apprécier, oui.:) Nous avons la même histoire toi et moi avec ce livre. Je ne regrette vraiment pas de l'avoir enfin lu !;)

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  9. J'avais adoré ce titre moi aussi, quelle inventivité (je ne me suis jamais remise de la relation entre la femme et l'ours) !!..

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    1. Ah j'ai beaucoup aimé cette histoire d'ours ! L'auteur a des délires assez inattendus.:)

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  10. Je l'ai !!! Bon, je vais aimer je le sens !!

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