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AUTEURS ET THÈMES PAR PAYS

dimanche 4 mai 2008

PAYS SANS CHAPEAU


PAYS SANS CHAPEAU

Dany Laferrière retrouve Haïti après 20 ans de vadrouille et de vie à Montréal et c'est la confrontation avec ce pays, ses émotions, qu'il rapporte dans ce tout petit livre qui fait presque à peine plus que la largeur de ma main (et j'ai de petites mains...). Une belle façon pour moi de découvrir Haïti, ses réalités et son imaginaire.

C'est un livre qui m'a beaucoup parlé pour son thème, celui du retour, et qui m'a d'autant plus emballée que je ne m'attendais pas du tout à être conquise par la plume de l'auteur, une plume simple, légère mais précise, efficace, teintée d'humour et de fraîcheur, qui dépeint des personnages hauts en couleur (sa mère, entre autres, excellente!) et un pays de contraste, aux multiples facettes.

J'ai vraiment aimé la construction de son récit, la façon dont il nous décrit les retrouvailles avec son pays, une succession de courts chapitres qu'il écrit tels que les lui dictent ses émotions, tels qu'ils lui viennent à l'esprit.
"Je veux perdre la tête. Redevenir un gosse de quatre ans. Tiens, un oiseau traverse mon champ de vision. J'écris: oiseau. Une mangue tombe. J'écris: mangue. Les enfants jouent au ballon dans la rue parmi les voitures. J'écris: enfants, ballon, voitures. On dirait un peintre primitif. Voilà, c'est ça, j'ai trouvé. Je suis un écrivain primitif."

Bon, le contenu des chapitres est quand même plus développé que ça, mais on passe comme ça d'un événement à un autre, au gré de ses impulsions et c'est un voyage particulièrement agréable et original à travers ses souvenirs, ses aspirations, ses regrets, ses retrouvailles, qui nous permet de nous familiariser avec ce pays et ses habitants, sa situation politique, économique, sociale, son histoire, sa culture, car, oui, mine de rien, à travers des remarques anecdotiques, il nous expose des faits qui éclairent sur la situation de ce pays, la mentalité de ses habitants, et c'est particulièrement instructif.

Son approche m'a beaucoup inspirée :
"Je suis là, devant cette table bancale, sous ce manguier, à tenter de parler une fois de plus de mon rapport avec ce terrible pays, de ce qu'il est devenu, de ce que je suis devenu, de ce que nous sommes tous devenus..."
et je me suis souvent identifiée à son ressenti d'exilé de retour au pays 20 ans après, même si nous n'avons évidemment pas la même expérience, ni le même vécu, il y a des choses similaires à ce que j'ai connu, le pays lui-même me semblait familier par plusieurs aspects.

Il y a ce rapport à la mort aussi, qui ne ressemble à nul autre ailleurs, une des thématiques principales de ce livre. J'ai trouvé cet aspect très intéressant. Les gens en parlent avec beaucoup de désinvolture, la misère aidant probablement...
"Les gens sont morts, conclut-elle, et on refuse de les laisser se reposer en paix. Avant, le cimetière était le seul endroit sûr en Haïti. Maintenant, on se demande si on fait une bonne affaire en mourant dans ce pays."
 et j'ai beaucoup appris sur les croyances haïtiennes impliquant vaudou et compagnie. Pays sans chapeau, le titre, oriente d'ailleurs le sujet du livre : "Pays sans chapeau, c'est ainsi qu'on appelle l'au-delà en Haïti parce que personne n'a jamais été enterré avec son chapeau".

On ne sait pas par contre quel parti l'auteur prend véritablement vis-à-vis de ces croyances car il semble les démystifier tout en leur vouant une admiration non dissimulée à travers son jeu de chapitres consacrés au "Pays réel" (la réalité du quotidien des Haïtiens avec leur lot de misère) et au "Pays rêvé" (celui du monde de la nuit, des esprits, du possible).

J'ai noté par ailleurs un proverbe haïtien que j'aime beaucoup pour sa justesse:
"Vous mettez tout le monde à la porte, mais le jour de la mort, ce sera à votre tour de sortir."

Bref, je ne sais pas ce que valent les autres livres de cet auteur, mais celui-là, peut-être parce qu'il s'agit d'événements vécus pour la plupart, d'un témoignage personnel de l'auteur, m'a semblé très riche et percutant, avec un humour en fond qui n'était pas pour me déplaire. J'avais déjà noté Je suis un écrivain japonais, son dernier paru qui m'avait intriguée en librairie, mais d'ici que je me le procure, je vais peut-être en essayer un autre de lui. En tout cas, celui-là, j'ai vraiment adoré!

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