( CEUX DE JULY )
Une lecture que j'imaginais "littéreuse" au possible, un peu guindée, un roman d'un auteur à prix (Nobel de littérature), une lecture quelque peu intimidante en somme, une lecture type universitaire (d'ailleurs dans la liste des recommandations de lecture en fac anglaise) (à mon époque), en bref, une lecture sans plaisir, sérieuse, dense, plombante, voilà comment je me figurais ce récit.
Mais bon, toujours partante pour varier mes lectures, revenir à des "classiques" qui ne sont pas vraiment dans le vent et qui ont pourtant marqué LA Littérature, combler mes lacunes littéraires, il ne m'a fallu qu'un petit coup de pouce via une LC proposée par Zarline à l'occasion de la mort de l'auteure, Nadime Gordimer, pour me décider à sauter le pas.
Premières lignes et mes craintes s'envolent. L'écriture est fluide, sans fioritures, sans blabla, on rentre dans le vif du sujet, directement au coeur de l'intrigue, déjà on est passé de l'autre côté de la page, dans un autre univers, un autre temps, une autre époque, d'autres moeurs. Le voyage littéraire a commencé dès la première page, avec déjà les premières interrogations, les premières tensions, et ça, c'est très bon signe !
J'étais tout de même motivée quand j'ai découvert, à la lecture rapide du résumé, que ce récit abordait la fin de l'Apartheid telle que l'imaginait l'auteure. Ce livre a été publié en 1981, les événements relatés ici ont lieu en 1980, on était encore loin de se figurer le tour que prendrait le cours de l'Histoire. Roman d'anticipation donc en quelque sorte, dont je trouvais le point de vue original car l'auteure imagine ici un retournement de situation plutôt intéressant.
L'Afrique du Sud est en pleine guerre civile. Les populations noires se sont soulevées contre les Blancs et mènent une lutte sans merci, prenant nettement l'avantage. July, leboy domestique d'une famille de Blancs, abrite ces derniers dans son petit village, loin des affrontements. Petit à petit, leurs rapports évoluent alors qu'ils doivent s'adapter à un quotidien qui n'a plus rien de familier. Prise de conscience de July, profondément lié à sa condition de domestique, qui ne se rend pas encore compte que la rancoeur le ronge. Prise de conscience de la femme que les choses ne sont plus comme avant. C'est d'autant plus tragique que notre couple de Blancs ne fait pas partie de ces Afrikaners détestables, que ce ne sont pas de mauvaises personnes au fond, qu'ils n'ont jamais eu, consciemment du moins, d'attitude raciste, méprisante ou irrespectueuse envers les Noirs, et que July n'a jamais eu à se plaindre en étant à leur service.
J'ai trouvé tout cela très habilement amené et développé, très réaliste, perturbant. C'est un récit et une situation qui suscitent bien des réflexions sur les rapports dominant/dominé, sur le pouvoir, l'injustice, le racisme, le rapport de force de ceux qui ont l'avantage en fait, et les amalgames qui se font dans ce contexte, en dépit du bon sens.
L'Afrique du Sud est en pleine guerre civile. Les populations noires se sont soulevées contre les Blancs et mènent une lutte sans merci, prenant nettement l'avantage. July, le
J'ai trouvé tout cela très habilement amené et développé, très réaliste, perturbant. C'est un récit et une situation qui suscitent bien des réflexions sur les rapports dominant/dominé, sur le pouvoir, l'injustice, le racisme, le rapport de force de ceux qui ont l'avantage en fait, et les amalgames qui se font dans ce contexte, en dépit du bon sens.
J'ai été véritablement surprise, et très agréablement, par ce récit, par la plume de l'auteure, par son imagination, par son talent de narration, par sa capacité à nous camper très précisément, avec justesse et réalisme, une situation, en quelques mots, dans le flot du récit, sans surenchère de détails. C'est autant dans les non-dits, les gestes, les attitudes, que le cours de pensées des personnages, que nous suivons le drame qui se déroule sous nos yeux.
Dans leurs relations au quotidien, il n'y a pas que celles de July et de ses anciens maîtres qui changent, il y a aussi celles du couple dans ce nouveau contexte, et celles de leurs enfants. L'évolution de leurs rapports se fait subtilement, comme leur échappant totalement. C'est tellement réaliste, tellement crédible, tellement ça !
Je me suis sentie, non pas lectrice, mais plongée au coeur de ce récit, comme faisant partie intégrante de ce petit groupe, témoin du changement, comme un énième personnage plongé malgré lui au coeur de ce village, témoin muet et silencieux mais non moins présent et affecté.
Dans leurs relations au quotidien, il n'y a pas que celles de July et de ses anciens maîtres qui changent, il y a aussi celles du couple dans ce nouveau contexte, et celles de leurs enfants. L'évolution de leurs rapports se fait subtilement, comme leur échappant totalement. C'est tellement réaliste, tellement crédible, tellement ça !
Je me suis sentie, non pas lectrice, mais plongée au coeur de ce récit, comme faisant partie intégrante de ce petit groupe, témoin du changement, comme un énième personnage plongé malgré lui au coeur de ce village, témoin muet et silencieux mais non moins présent et affecté.
Seule la fin m'a quelque peu déstabilisée, laissée comme livrée à moi-même, un peu déçue et peu satisfaite en somme. Et en même temps, quoi lui reprocher ?
Un choix de titre que j'ai trouvé par ailleurs très subtil dans tout ce qu'il peut évoquer.
Qui sont "ceux de July "? Sa famille ? Ses compatriotes ? Ou ce couple de Blancs avec leurs enfants ?
L'auteure
Nadine Gordimer est née en 1923 à Springs, dans la province de Transvaal, en Afrique du Sud. Elle publie sa première nouvelle à l'âge de 13 ans et son premier recueil en 1949. Elle devient très vite militante anti-apartheid et voit plusieurs de ses livres interdits par le gouvernement sud-africain. Elle reçoit en 1991 le prix Nobel de littérature pour avoir, "par son oeuvre épique magnifique, été d'une grande utilité à l'humanité'. Elle a publié quelque 200 nouvelles et une quinzaine de romans. Nadine Gordimer est décédée le 13 juillet 2014.
Mais quel billet ma Parole...Bon je n'avais jamais entendu parler de cette auteur (sauf quand elle est morte-, j'ignorais qu'elle avait reçu un Nobel (ouhhhhh), alors, en espérant que la traduction française soit à la hauteur du texte original, je le note. Ce que j'aime dans ce que tu dis, c'est cette description entre gris clair et gris foncé, sans méchants ni gentils absolus là dedans, des produits de l'Histoire finalement.
RépondreSupprimerExactement ! Des produits de l'Histoire, d'un système social, on pourrait presque parler de victimes finalement. Et dans les deux camps, si je puis parler ainsi. C'est ce qui est particulièrement intéressant - et tragique. Nadime Gordimer a très bien su mettre en lumière tout cela. Cette auteure est, je pense, plus connue dans le monde anglophone que francophone, mais d'une manière générale, il faut bien avouer que la littérature sud-africaine n'est pas particulièrement populaire (dans le sens "diffusée), même dans le monde anglophone. Oui, j'espère que la traduction française est à la hauteur. Je serais très curieuse de ton avis sur ce court récit (160 pages ;-) ).
SupprimerOK, quand j'irai à la bibli, je verrai (j'ai complètement zappé le RV, tu l'auras compris)
RépondreSupprimerPfff Keisha, pfff, pfff, déçue je suis ! 160 pages ! Tu aurais pu le glisser entre deux nature writing. En plus, tu aurais pu nous dire si la version française met elle aussi une claque ! Pfff !
SupprimerLe problème c'est que lors de mon passage éclair à la médiathèque j'avais oublié de le glisser dans la liste;.. La bibli à 20 km, où je ne vais pas si souvent.
SupprimerMmmphr ! Tout prétexte est bon, je vois.;-)
SupprimerJje note, c'est assez rare que je lise sur l'Afrique du Sud alors si c'est en plus déjà testé et approuvé pourquoi se priver?
RépondreSupprimerMais c'est claaaiiiir ! Ce récit vaut largement le détour en plus. Et puis 160 pages, franchement, à peine une page glissée dans la PAL ! ;-)
SupprimerMmm! Pourquoi pas alors! :-) Merci pour ce partage! Pour tes à priori aussi. C'est très intéressant.
RépondreSupprimerMerci ! Et tant mieux ! :-) Je guette ton avis alors, si jamais tu te lances dans cette lecture.
SupprimerEt voilà, billet en ligne! Nos impressions sont très très proches. Cette simplicité du récit contre-balancée par la complexité des rapports décrits par l'auteur; un joli numéro d'équilibriste qui m'a complètement convaincue.
RépondreSupprimerJe suis assez d'accord avec toi pour la fin aussi, mais en même temps, je crois qu'une conclusion plus définitive aurait été plus "casse-gueule". Je ne sais pas exactement qu'est-ce qui m'aurait plu...
En tous cas, je suis plus que motivée à continuer ma découverte de cet auteur, que je voyais également comme très académique et un peu ennuyeuse. C'est bien de se tromper ;-)
Oui, "joli numéro d'équilibriste", c'est très exactement ça ! C'est fou comme nous avons été marquées et que nous avons réagi sur les mêmes points sans nous être concertées ! J'ai trouvé ça génial de découvrir que nos impressions se croisent aussi bien. En lisant ton billet, je m'exclamais derrière mon écran "mais c'est ça, c'est très exactement ça !".^^
SupprimerQuant à la fin, tu as raison, pas évident de conclure sur une fin "radicale", mais j'avoue que j'aime bien les fins claires, nettes et précises, avec un point qui ne laisse pas trop de doute (tiens d'ailleurs, où en es-tu du Mur invisible ? ^_^). Mais il n'est pas dit que j'aurais particulièrement apprécié une fin plus définitive sur ce récit...
Très motivée aussi pour poursuivre ma découverte des oeuvres de Gordimer, mais comme je disais chez toi, avant ça, il y a un autre auteur sud-africain que je lirais bien maintenant, c'est André Brink. Très intriguée par "Une saison blanche et sèche". Si une LC te dit... ;-)
Pareil en lisant ton billet, j'avais l'impression que tu étais dans mon esprit ^_^ J'ai réussi à motiver mon homme à le lire et je suis très très curieuse de connaitre ses impressions aussi.
SupprimerD'habitude, je n'aime pas du tout les fins ouvertes et là, je suis même retournée en arrière pour voir si j'avais bien compris. Mais de nouveau, je n'arrive pas à imaginer une fin concluante pour ce livre. Du coup, j'accepte sur ce coup-ci.
Le Mur invisible est sur ma table de nuit. Là, je suis en plein "La fille du train" mais j'espère le lire avant septembre. Hésite pas à me harceler ;-)
Et pour Brink, figure-toi que j'ai lu "Une saison blanche et sèche" lors de mon premier séjour en AdS et il ne m'a pas laisser un souvenir impérissable. Je me demande quelles seraient mes impressions maintenant que je connais mieux le pays. Ou alors je pourrais tenter un autre de ses titres...
Ooh ! Très très curieuse de l'avis de ton homme aussi ! Haha, pour la fin, je suis retournée deux fois en arrière aussi pour voir si je n'avais pas raté quelque chose et si j'avais bien compris aussi. Ça me semblait tellement abrupte la façon dont l'auteure nous a lâchés là, avec sa fin...
SupprimerPour Brink, tu me fais hésiter maintenant... En fait c'est une collègue qui avait beaucoup aimé "Une saison blanche et sèche" qui m'a convaincue de le mettre dans ma LAL. Elle m'en avait parlé à l'époque où je commençais à envisager de lire le Gordimer. Bon, je le lirai quand même, l'auteur m'intrigue assez.
Et pas de souci pour "Le Mur invisible", je ne manquerai pas de revenir à la charge haha !:-)
Comme toi, c'est une auteure qui me semblait inaccessible, mais ton billet me donne très envie d'aller y voir de plus près !
RépondreSupprimerTrès accessible au contraire, très intéressante, très audacieuse, très pertinente, très simple aussi, et très subtile. Une femme qu'on aurait aimé mieux connaître. Ce court roman m'a vraiment donné envie d'explorer davantage son univers !
SupprimerLes prix Nobel ont une réputation qu'ils ne méritent pas, pas tous en tout cas.
RépondreSupprimerMerci les filles d'avoir attisé mon intérêt pour cette auteur que je n'ai jamais lue.
Oui, c'est vrai, il n'y a pas vraiment de fondement pour ces craintes vis-à-vis des prix Nobel en réalité. Bon, c'est juste un peu intimidant. On se dit que ça doit être des romans particulièrement exigeants et qu'il faut être très détendu du cerveau pour pouvoir apprécier ses oeuvres.:-) Erreur ! J'ai trouvé ce récit très accessible, pas ronflant pour un sou, tout en étant d'une richesse exceptionnelle, et particulièrement intéressant. Mais peut-être étais-je très détendue du cerveau quand je m'y suis attelée.;-)
SupprimerEt bien, tu affrontes une sacrée non envie au nom de la culture littéraire ! Mais manifestement, ça paie... au point que ce roman me tente bien. (le sujet surtout)
RépondreSupprimerOh oui, lis-le Géraldine, je suis sûre que tu sauras l'apprécier !
SupprimerQuant à ce que je suis capable de faire au nom de la culture littéraire, oui, c'est dingue, hein !:-) Mais comme tu dis, ça paie ! Vraiment sans regret, une sacrée bonne surprise même ! Comme quoi... :-)
Brink ne me dit rien. Mais "il faut lire schoeman"!
RépondreSupprimerAyé, j'ai lu Ceux de July, ouach, incontournable!!!
Yes ! :-D Hâte hâte hâte de lire ton billet ! Schoeman déjà noté chez toi oui. ;-)
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