QUINZINZINZILI
Un roman au titre improbable que je me souviens avoir aperçu sur les tables de la Fnac au rayon SF il y a bien 10 ans, et que je m'étais promise de lire un jour parce que auteur de SF français, parce que SF des années 30, parce qu'a priori classique du genre... Curiosité en tout cas. Mes LAL notées sur des bouts de papier à l'époque et glissées dans des sacs perdus de vue depuis belle lurette me l'ont fait oublier. Jusqu'au challenge de Philippe où j'ai fouillé désespérément dans ma mémoire et retrouvé, avec l'aide de Google, ce titre SF d'un auteur français avec un Z dedans. La recherche fut rude et la pêche miraculeuse, j'avais failli abandonner. À ce stade, c'était comme aller en librairie et demander ce fameux livre à la couverture bleue dont on n'a ni le titre ni l'auteur.
L'image que j'avais de ce court roman était celle d'une contre-utopie plantée dans un décor post-apocalyptique où l'on errait dans le néant aux côtés de survivants constitués principalement d'enfants. J'avoue avoir eu un peu peur de m'y ennuyer et de sortir de là déprimée. Qu'est-ce que je ne ferais pas pour quelques points pour un challenge, hahaha !
Je me suis donc lancée quasi en apnée, et là, belle surprise !
Ce qui m'a plu d'emblée et même beaucoup amusée, c'est l'humour du désespoir et le cynisme qui caractérisent le narrateur tout le long de son récit. Tout ce qui s'y déroule est tragique, noir, malheureux, et en même temps, profondément drôle. Je dois dire qu'il m'aura vraiment fait rire avec ses "peuh !", ses "bah !" et ses "ahahaha" façon rire jaune et désabusé.
Pour résumer brièvement, à la suite d'une catastrophe planétaire, notre narrateur se retrouve dernier survivant avec une douzaine d'enfants dans une grotte à laquelle ils doivent la vie. Passés les premiers chocs de la réalisation de leur solitude, la nécessité de survivre prend le pas et, petit à petit, de manière naturelle et inconsciente, se réorganise une société nouvelle.
J'ai adoré me retrouver témoin de la naissance de cette nouvelle humanité composée d'enfants, ou "caricature d'humanité", comme les décrit cyniquement le narrateur, et j'ai adoré la manière dont il en rendait compte.
L'auteur, Régis Messac, fait preuve ici de beaucoup d'imagination mais également d'un grand sens de l'observation sur nos civilisations et d'une lucidité remarquable qui ancrent son récit dans un réalisme bluffant. J'ai trouvé l'évolution de cette nouvelle société complètement plausible, logique et crédible.
Au-delà de l'organisation de notre communauté d'enfants pour subvenir à leurs besoins, on assiste à la naissance d'une nouvelle langue pour communiquer, plus simple, qui va droit à l'essentiel, mais également à celle de toute une série de rites, de nouvelles superstitions, qui aboutissent inéluctablement à un semblant de religion, dans un semblant de civilisation qui les distingue à peine des animaux... Et puis survient le premier meurtre...
Alors que l'humanité semble avoir une chance de se refaire et de ne pas répéter les mêmes errances, ça repart en vrille, comme une malédiction. On comprendra l'humour du désespoir de notre narrateur qui, lui, se pose en observateur extérieur, prenant à peine part à toute cette agitation humaine qu'il considère absurde et vaine.
J'ai adoré ce récit ! Je l'ai trouvé d'une rare intelligence et d'une grande clairvoyance.
Quant à Quinzinzinzili, c'est le nom de leur dieu. "Un dieu bizarre et enfantin, à la fois le père Fouettard et le Père-Noël (pas très différent de celui qu'on connaît en fait...). La genèse de ce nom est particulièrement intéressante mais il faut lire ce livre pour en savoir plus.;-)
Quelques extraits pour une idée de l'ambiance du récit :
Quelques extraits pour une idée de l'ambiance du récit :
"Quelle immense rigolade !
[...] Cette Ilayne que je trouve affreuse, odieuse, hideuse, cette Ilayne qui n'est pas belle, est en train de créer sous mes yeux, devant moi et malgré moi, un nouvel idéal de la beauté. Ses fesses molles, ses tétines basses et son ventre en chaudron seront désormais les modèles de la beauté future. Je prévois que, dans l'avenir, des poètes inspirés et des amants élégiaques rêveront sans fin aux vastes dimensions de ses pieds plats et à la rougeur éclatante de son visage."
"Vraiment, c'est trop farce, ça aussi. Je finirais presque par me résigner à vivre dans ce monde, simplement à cause de sa bouffonnerie : c'est la seule chose qui la rachète un peu, et c'est du moins une qualité constante."
"Et voilà ! Le geste de se fourrer les doigts dans le nez est devenu maintenant un geste rituel, propitiatoire et pieux. Il est accompli tous les matins par toute la tribu [...] devant un verre à dents à bordure dorée [...]. C'est l'office du matin !
Ha, ha, ha ! Quinzinzinzili !"
"Quand je songe à l'avenir, je vois un nouveau calvaire collectif, une nouvelle ascension pénible et douloureuse vers un paradis illusoire, une longue suite de crimes, d'horreurs et de souffrances.
[...] Quelle farce ! Une nouvelle société va naître, aussi ridicule, plus ridicule, peut-être, que l'autre, pleine d'une bêtise infinie [...]."
L'auteur
Formidable précurseur, Régis Messac, né en 1893, est le premier Français à s'être intéressé de près au "roman de détection", appellation d'époque du polar. Auteur prolifique sur une courte période, habile à manier l'anticipation et la chronique sociale, il s'était très tôt rebellé contre un système qui le marginalisera. Blessé à la guerre, il est un pacifiste convaincu. Gagné par un pessimisme acide, il imagine des contre-utopies : Quinzinzinzili (1935), La Cité des Asphyxiés (1937) ou le posthume Valcrétin indiquent que rien de l'avenir "messacien" n'est souriant. Arrêté par les Allemands en 1943, déporté "Nacht und Nebel", il disparaît en Allemagne en 1945.
avec 48 points (pas très cher mais bon, 3 Z dans un même mot, j'ai droit à un bonus, non ? ^^)
Ils auraient dû ajouter "zinzin" au bout du titre ! Ça t'aurait valu plus de points !
RépondreSupprimerDis, on l'a écrit exprès pour mon challenge, ce titre?
Bonne semaine.
:-D Normalement, je ne comptais pas les titres en deçà de 78 points vu mon premier score, même s'ils comptaient des X, Y, etc, mais celui-là était trop beau avec ses 3 Z pour que je ne l'intègre pas au challenge.;-) Bonne semaine.
SupprimerHier matin je n'arrivais pas à trouver les commentaires?Bon, l'auteur est inconnu, mais cela date un peu, merci d'avoir mis un peu de biographie. Un type intéressant.
RépondreSupprimer(mauvaise manip' de paramétrage en publiant le billet cette nuit-là, je devais être endormie déjà ;-))
SupprimerOui, auteur qui gagne à être connu, quel dommage qu'il soit dans l'ombre, ou oublié.
Le titre ne rend pas vraiment service à ce texte qui a pourtant l'air de grande qualité, c'est quand même dommage (disons qu'il n'est pas du tout incitatif ce titre, ni représentatif du contenu :) )
RépondreSupprimerTrès vrai ! Choix très risqué de la part de l'auteur, ou de l'éditeur. En même temps, il a eu le mérite de m'intriguer à l'époque jusqu'à me marquer car je m'en suis quand même souvenue aujourd'hui.:-)
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