UN ADMIRABLE IDIOT
traduit de l'anglais par Nicole Tisserand
Un roman japonais relatant le séjour d'un jeune Français au Japon à la fin des années 50, c'était assez pour m'appâter. Je trouvais ce roman d'autant plus intéressant que, si j'ai lu pas mal de récits mettant en scène des gaijin (étrangers) au Japon à notre époque, je n'avais pas souvenir d'avoir lu quoi que ce soit dans le genre pendant cette période du milieu du 20è siècle.
Notre étranger est en plus Français et s'appelle Gaston... Bonaparte ! Voilà qui était prometteur ! Le titre laissait par ailleurs entendre que nous n'aurions pas affaire à un étranger ordinaire. Je pressentais quelques situations cocasses et un moment de lecture jubilatoire aux côtés de notre Gaston en prise avec l'apprentissage du japonais et le choc des cultures, surtout à cette époque.
Làs (copyright Keisha) ! Si le début était plutôt encourageant, j'ai assez vite déchanté pour finir par presque totalement m'ennuyer tout le long de l'intrigue qui ne manquait pourtant pas d'actions ni de rebondissements. L'auteur, Shusaku Endo, ne manquait pas d'idées ni d'ambition non plus. Si, malgré quelques épisodes cocasses, son histoire ne prenait clairement pas le chemin du désopilant et du tordant, je ne trouvais ni incongru ni inintéressant son ambition de visiblement faire de ce récit une sorte de fable où le personnage principal, loin du héros classique, serait plutôt un simple d'esprit dont le pouvoir serait de transformer et de changer le coeur des êtres les plus endurcis à force de les côtoyer.
J'ai trouvé tout de même ça un peu too much et manichéen qu'il en fasse une figure quasi christique, un agneau au milieu des loups, un être d'une générosité de coeur peu courante, qui, dans ce monde dominé par la haine et l'hostilité, choisit de croire encore à l'homme et de lui faire confiance en dépit de toute prudence et au péril de sa vie. Mais bon, soit. Pourquoi pas ?
Ce qui m'a surtout ennuyée, c'est que notre Gaston est un personnage plat et sans relief à en mourir. Il regarde toujours les gens d'un air nostalgique et implorant qui finit par énerver à la longue. D'ailleurs, il m'a tellement franchement agacée au bout d'un moment avec ses yeux suppliants que je me suis retrouvée dans un des personnages qui lui avoue le fond de sa pensée :
" - Te haïr ? Ce n'est pas le mot. Je te déteste du fond du coeur, répondit-il avec un sourire forcé. "Quand je te vois, avec ta tête d'abruti, j'ai envie de vomir." "
Mais la meilleure description de ce personnage, dont la référence m'a beaucoup amusée, est la suivante :
"Il avait un visage empreint de niaiserie, où l'on guettait en vain la moindre trace d'intelligence. Cherchait-on à quel acteur étranger il pouvait bien ressembler ? C'est la tête de pomme de terre de Fernandel, ce comique français à l'allure vaguement mexicaine, qui s'imposait irrésistiblement."
Un des rares intérêts que j'ai trouvé à ce récit est la description du Japon de l'époque, en particulier Tokyo, dont nous sommes amenés à visiter les bas-fonds, les quartiers dangereux et mal famés, presque insalubres, où la prostitution se terre.
"Tokyo est une ville sale, non ? On en se préoccupe pas de l'esthétique urbaine, ici, comme on le fait à Paris. Osako, à son habitude, critiquait son pays natal."
Au final, j'ai trouvé l'histoire un peu simpliste dans son traitement et dans son ensemble même si je pense avoir compris un peu où l'auteur voulait en venir : l'amour est plus fort que tout, ou quelque chose comme ça...
À noter que Shusaku Endo est l'auteur de Silence, apparemment un de ses plus grands succès, et récemment adapté par Scorsese. Je me souviens de la sortie de ce film. J'étais très tentée d'aller le voir, Japon oblige, et un peu Scorsese aussi (j'ignorais tout du roman et de l'auteur à ce moment-là), mais finalement la perspective de voir quelques séances de tortures m'a refroidie. Aucun regret de ne pas l'avoir vu maintenant que j'ai goûté à l'univers de cet auteur.
Autre petit aparté, très étonnant que ce roman japonais ait été traduit de l'anglais (Wonderful Fool) pour la version française !
L'auteur
Shusaku Endo, né à Tokyo en 1923 et mort en 1996, est un écrivain japonais connu pour avoir écrit avec le point de vue de sa foi catholique. Après des études en littérature française à l'université de Tokyo, il part étudier à Lyon de 1950 à 1953 puis interrompt ses études après être tombé gravement malade de la tuberculose. Il retourne alors au Japon et tente sa chance comme écrivain.
Du même auteur j’ai son « Silence » chez moi sur ma table de chevet et je l’ai justement offert y’a pas si longtemps. Je suis plutôt fan de littérature japonaise. Mais celui-ci au final j’ai plus ou moins envie de le découvrir. Tu t’es ennuyée, tu l’as trouvé too much, le personnage principal est sans relief, il y a donc peu de chances que je me jette dessus. Et comme j’ai l’impression que nous avons des ressentis plutôt similaires. Je retiens quand même que la description du Japon est intéressante, mais vaut-elle à elle seule la peine d’aborder ce roman?
RépondreSupprimerBisous (un dodo avant le weekend) :-)
Yaouhhhhhhhhhhhh
Bon, disons que je ne regrette pas vraiment d'avoir lu ce roman, même si je me suis ennuyée de l'intrigue et des personnages, parce qu'il dresse quand même un portrait intéressant de la société et du Japon de l'époque, et ces aspects-là m'intéressent toujours, au-delà de l'histoire. Par contre, je ne pense pas lire autre chose de l'auteur (mais sait-on jamais avec moi...), je n'accroche pas à son style et j'adhère très peu à son univers.
SupprimerCeci dit, "Silence" m'intéresse quand même parce que là, c'est ancré encore dans une autre époque, avec des thématiques susceptibles de me parler, mais le souvenir de mon agacement avec "Un admirable idiot" est trop brûlant pour que je m'y risque de suite.:-)
Bisous (je sens que je vais apprécier ma journée de demain^^).
Pour aller plus loin, un avis sur le roman
RépondreSupprimerhttps://deslivresetdesfilms.com/2016/06/27/silence-de-shusaku-endo/
(et je suis comme toi, pas envie de voir le film)
Ce film était prometteur quand même, mais j'ai lu trop d'avis négatifs, ça m'a refroidi ça aussi. En revanche, le roman vaut certainement davantage le détour, mais bon, je digère encore mon admirable idiot...
SupprimerJe ne suis pour ma part pas fan du tout de littérature japonaise mais "Silence" me tente beaucoup, justement parce qu'il y est question de culture européenne au Japon. Surtout, il raconte l'échec du christianisme en terre japonaise, et du coup je crois, en te lisant, que l'auteur devait être, si ce n'est chrétien, au moins intéressé par cette religion. Et comme toutes ces bondieuseries m'intéressent, je pourrais apprécier cet auteur plus que toi...
RépondreSupprimerOui, très jeune, il a reçu une éducation catholique de sa mère qui s'est convertie au catholicisme, puis il a étudié à Lyon le roman catholique français. Toute son oeuvre transpire a priori de sa foi catholique si j'en crois sa bio.
Supprimer"Silence" me tentait bien aussi, j'aurais peut-être dû commencer par celui-là pour aborder cet auteur. Cette période au Japon m'intéresse grandement aussi puisque le choc des civilisations et des cultures doit y transparaître de façon encore plus flagrante. Mais bon, pour l'instant, mon expérience d'Un admirable idiot ne me motive pas trop à poursuivre avec cet auteur. Je serais très curieuse de ton avis si tu le lis, cela dit.
Un gros raté on dirait. Retourne plutôt lire Chiisakobé :p
RépondreSupprimerHaha, oui, j'ai hâte d'avoir le fin mot de l'histoire !
Supprimerroh zut, pourtant le titre, l'auteur japonais, le thème, ça avait tout pour me plaire... Bon, ça fait toujours un de moins!
RépondreSupprimerEnfin, ce roman a quand même récolté pas mal d'avis très enthousiastes (vu sur Goodreads).:-) Ça se trouve, tu saurais apprécier.
SupprimerEh bien voilà ! Tu vois qu'il y avait moyen !
RépondreSupprimerJe pensais que c'était une contrainte assez simple. J'ai lu 9 bouquins qui répondaient à ce critère et j'en ai encore dans ma PAL.
Allez, tu feras mieux la prochaine fois.
Merci pour ta participation et rendez-vous dimanche pour la prochaine contrainte.
Mais j'ai cru que c'était une contrainte super simple moi aussi ! Je n'en revenais pas de ne rien trouver (de tentant, s'entend) dans mes PAL et LAL, et même en fouinant à la bib' ! Ça se trouve, pour la prochaine contrainte, comme par hasard, je ne tomberai que sur des titres commençant par "un" ou "des", haha !
SupprimerVivement dimanche !
Pas chanceuse avec les lectures ces temps-ci on dirait. En tout cas, tu m'as fait rire avec ce billet mais JAMAIS je ne lirais ce livre lol.
RépondreSupprimerNon, je n'ai pas trop eu la main heureuse sur ces dernières lectures mais ça va, ce n'était pas non plus un désastre, juste de petites déceptions de ne pas être transcendée.:-) Et puis ça permet d'apprécier encore plus les moments où je tombe sur des lectures plus savoureuses.:-)
SupprimerHé bien, ça ne donne pas envie du tout !
RépondreSupprimerC'est clair que c'est très loin d'être ton créneau.:-)
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