TROIS ÉTAGES
traduit de l'hébreu par Jean-Luc Allouche
Je m'aventure assez rarement dans les rayons de la littérature israélienne car je crains toujours de ne pas vraiment m'identifier, que les considérations et la vie des personnages soient trop éloignées de la mienne pour que je m'y retrouve. J'appréhende aussi une histoire chargée de traumatismes, et puis la guerre, les conflits toujours, ombre planante pouvant surgir à tout moment au tournant d'une page. Et je ne sais pourquoi, j'imagine aussi une littérature très... littéraire, intellectuelle, sérieuse, qu'on lit plus pour s'élever que se détendre.
Alors pourquoi m'embarquer ici ?
J'aimais beaucoup le concept de ce roman articulé autour de la vie de voisins d'immeuble pour "esquisser le portrait d'une société meurtrie par les affaires politiques et traversée par une profonde crise identitaire". Ça me semblait assez accessible pour mon intellect timoré quand il s'agit d'Israël, et potentiellement amusant, du moins divertissant, cette incursion dans l'intimité des foyers.
"Connaît-on jamais nos voisins ? Dans cet immeuble de Tel-Aviv, rien n'est moins sûr.", clame la quatrième de couv.
Dès les premières pages, j'ai été rassurée par le ton et l'écriture de l'auteur, Eshkol Nevo, dont le style résolument moderne, direct, sans fioriture, spontané, brut, met à l'aise tout de suite, comme si l'on était le confident privilégié des personnages. Et pour cause, ce que j'ai beaucoup aimé, c'est que les trois personnages (un par étage) sur lesquels se focalise le récit, s'adressent, pour raconter leurs problèmes, doutes du moment, à un confident silencieux, invisible pour le lecteur : le premier à un ami écrivain, la deuxième écrit une lettre, et la troisième laisse des messages sur répondeur, donnant ainsi l'impression que le lecteur est l'interlocuteur direct.
J'ai beaucoup aimé chaque histoire, chacune étant chargée d'un suspense tel qu'on est pendu aux lèvres des narrateurs à chaque fois. La première en particulier était sacrément prenante, une histoire assez démente quand j'y repense, j'ai adoré la fin, mais la deuxième n'en était pas moins inquiétante, et la troisième était plus posée mais non moins émouvante. Chaque histoire est très différente mais aucune ne laisse indifférent ou indemne.
Mon tout petit bémol, c'est que finalement, c'est plus comme un recueil de nouvelles qu'un roman à part entière, même si de très légers rappels lient les récits entre eux, et si chaque "chute" n'est absolument pas décevante ni frustrante, on reste quand même un peu sur notre faim quant à l'issue de chaque histoire. J'avais espéré, par exemple, un développement ou une suite, d'un récit à l'autre, me permettant d'être vraiment fixée sur certains éléments restés en suspens dans le récit précédent, mais en fait, ça reste en suspens jusqu'au bout.
Ceci dit, avec le recul, c'est réaliste finalement. Ce sont des tranches de vie qu'on a partagées furtivement, comme si on était passé là par hasard et que notre oreille a entendu quelque chose qui ne nous était pas destiné, qui ne nous regardait pas et dont on ne peut exiger d'en savoir plus vraiment. Cette part de mystère n'est finalement pas désagréable et laisse aussi libre cours à notre imagination.
J'ai vraiment beaucoup aimé le concept de ce récit sur trois étages, autour de trois personnages variés, ainsi que le style narratif, vivace, oral, moderne. Vraiment une très belle surprise côté littérature israélienne ! Un auteur vers lequel je reviendrai.
C'est mon deuxième auteur israélien après Etgar Keret (vers qui il faudrait que je revienne aussi, tiens !) dont l'humour m'avait par ailleurs très agréablement surprise et conquise. Je crois qu'il faut que je creuse davantage de ce côté de la littérature !
L'auteur
Né en 1971, Eshkol Nevo vit et travaille près de Tel Aviv. Il est l'auteur d'un recueil de nouvelles, d'un essai et de cinq romans. Son oeuvre a largement été saluée par la critique, notamment Quatre maisons et un exil récompensé par plusieurs prix littéraires.
J'aime bien la couverture et l'histoire est tentante. Ça ne me dérange pas que ce soit plus des nouvelles.
RépondreSupprimerSi tu es habituellement à l'aise avec les nouvelles, ça pourrait bien te plaire alors, oui.
SupprimerAuteur noté, et ce titre aussi. On aurait (presque) pu faire un LC, mais j'ai emprunté du lourd ces temps ci (voir mon blog ^_^), et on verra plus tard, c'est noté déjà sur un bout de papier...
RépondreSupprimerComme Israelien, tu as Dror Mishani, c'est du polar. J'ai un billet prêt depuis longtemps... il st temps!
Je note ton auteur, ça me ferait une première incursion dans le polar israélien. En plus il est dans ma bibli numérique !:)
SupprimerL'idée de l'immeuble, ça fait penser au roman d'Al-aswany, L'immeuble Yacoubian (que je n'ai pas lu). C'est marrant cet a priori que tu as à propos de la littérature israélienne...;)
RépondreSupprimerOui, je ne saurais l'expliquer, certains a priori ont la dent dure, quoique là, c'est bon, j'ai eu la preuve par deux fois que la littérature israélienne pouvait être savoureuse, je vais donc continuer d'explorer par là sans crainte.:)
SupprimerJ'ai lu L'immeuble Yacoubian il y a un moment, j'avais adoré ! Mais c'est quand même très différent de ces Trois étages dans l'esprit.
J'adore ces histoires d'immeuble....cela permet d'entrer dans une certaine classe de la population d'un pays....je l'avais deja note celui-ci....il faut que je trouve le temps de le lire...;)
RépondreSupprimerTu sais qu'on peut lancer un challenge israélien ? Ahaha !
SupprimerMais oui, sinon c'est vraiment une excellente idée de passer par les histoires d'immeuble pour explorer un pan de la société d'un pays.
Pucha....euh....non pour le challenge israelien....lol...je ne suis plus lala....haha
SupprimerAhaha, j'avoue, voyons voir déjà comment ça se passe pour le mexicain.^^
SupprimerEt tous les autres...l'indien est de retour...et je continue le coreen...lol...donc cela en fait deja pas mal....lol
SupprimerEn effet !^^ Bon, ces deux rayons, j'explore déjà ponctuellement, et même régulièrement côté coréen, donc j'ai moins de lacunes mais oui, ça laisse moins de place pour le reste.;)
SupprimerJ'ai beaucoup aimé Tre piani de Nanni Moretti, tiré de ce roman. Il a vraiment lié les trois histoires entre elles, c'est sympa. Du coup, je ne pense pas lire celui-ci, mais j'ai noté un autre titre de l'auteur pour le découvrir.
RépondreSupprimerJe viens de regarder la bande-annonce de Tre piani mais ça a l'air assee différent tout de même. Il semble y avoir un fil conducteur, une intrigue commune qui, comme tu dis, lie les histoires entre elles. Ça change pas mal la perspective. Mais je comprends que tu préfères quand même découvrir un autre titre de l'auteur du coup.
SupprimerJe ne vais pas si loin pour trouver des auteurs !
RépondreSupprimerPas trop intéressé...
Bonne soirée;
Tu n'as pas besoin d'aller plus loin que ta librairie ou ta bibliothèque en réalité.;) Mais si tu n'es pas intéressé, c'est une autre histoire.^^
SupprimerAh tu donnes bien envie ! Comme toi, je ne suis pas attirée à priori par cette littérature pour la même raison que toi. Et ma seule expérience c'est révélée bien désastreuse pour moi, avec L'AMOUR SOUDAIN, d'Aharon APPELFELD !
RépondreSupprimerUn titre que je ne note pas donc, mais a priori, un titre pareil, je ne m'y serais pas précipitée d'emblée.^^
SupprimerJe te conseille Benny Barbash, publié chez Zulma, ça devrait te plaire. Et je note ce roman.
RépondreSupprimerMais oui, tu as raison, je visualise très bien la couverture de son roman, My first Sony, que j'avais noté à une époque car il me semblait justement que je pourrais y trouver mon compte. Merci pour le rappel !
Supprimerje note cette belle surprise israélienne !
RépondreSupprimerJ'espère que tu apprécieras au moins autant que moi.:)
SupprimerBonjour A_girl_from_earth, pour rebondir sur le com de Kathel, j'ai aussi vu Tre Pian de Nanni Moretti : je te le conseille. Je lirai peut-être le roman un jour. Sinon, comme auteur israélien, je te conseille Yehoshua Avraham B : j'ai lu trois de ses romans dont La fiancée libérée (vraiment très bien). Bonne après-midi.
RépondreSupprimerBonsoir Dasola, merci pour cette recommandation ! Je suis très preneuse d'idées de très bonnes lectures côté littérature israélienne.:) Et merci pour le rappel sur Tre Piani, je l'avais noté aussi dans ma liste de films à voir !
Supprimer