JE SUIS FILLE DE RAGE

JE SUIS FILLE DE RAGE

Ce titre ! Qui laisse imaginer aventures, héroïne (un peu énervée 😅), grande histoire romanesque... Forcément, il m'a interpelée ! Associé à la thématique de la guerre de Sécession, il ne m'en a pas fallu plus pour céder à la tentation, même si c'était mâtiné d'un peu de fantasy. J'étais curieuse de cet aspect d'ailleurs. Comment l'auteur, Jean-Laurent Del Socorro (ce nom, aussi !^^) comptait le concilier avec cette guerre ?

Bon, en fin de compte, c'est très léger : juste la Mort personnifiée qui rôde autour de Lincoln à chaque fois qu'il doit prendre une décision difficile, un soldat qui se prend pour un Sorcier, et une frontière minime entre faits historiques et imaginaire, mais rien de très franchement fantasy-iste au-delà.

Ce roman retrace le déroulé de la guerre de Sécession du point de vue militaire et politique, à travers les regards de Lincoln et de ses généraux d'une part, des militaires sudistes d'autre part et de quelques personnages fictifs, dont cette fameuse fille de rage (!). C'est donc un pur récit de guerre vue du front ou du bureau présidentiel, qui ne nous épargne rien des champs de bataille. Il n'y a pas d'aventures, d'histoires personnelles, d'intrigues romanesques, on est loin d'Autant en emporte le vent, quoi.^^

J'ai été d'emblée séduite par la mise en scène soignée et l'originalité de la structure narrative, l'auteur en explicitant les codes en début de roman.

C'est un récit choral qui se déploie harmonieusement, l'écriture est travaillée, mais sans nuances réelles dans les voix, ce que j'ai trouvé un peu dommage. Les intervenants et les points de vue sont assez variés pour que ce ne soit pas complètement monotone (il y a même des soldates et des observateurs européens) mais ça reste quand même assez monochrome. Et il y a deux-trois voix de Noirs dans le lot, mais c'est tout, ce qui m'a aussi un peu laissée sur ma faim.

L'originalité de ce roman tient dans son alternance entre lettres et articles historiques, et faits historiques romancés, (très) légèrement teintés de fantasy (et de fantaisie - je fais référence là à un délire très particulier autour de l'apparition de Rhett et Scarlett dont je ne me suis pas encore bien remise 😆). Au début, j'ai eu du mal à trouver mes repères et à comprendre où l'auteur nous amenait, puis j'ai fini par me laisser porter sans plus trop me poser de questions.

J'ai trouvé la portée de ce livre intéressante avec ces documents historiques à l'appui (lettres, grands titres de journaux de l'époque), comme s'ils validaient ce qui était relaté de façon romancée. Ceci dit, cette retranscription romancée de ces documents donnait aussi une impression de redite par moment, sans véritable valeur ajoutée. 

En tout cas, j'ai trouvé ce roman très instructif d'un point de vue purement historique, car je dois admettre que je n'avais finalement pas de connaissances réelles sur cette guerre civile, juste des connaissances de surface, assez réductrices, vite résumées, disons. Ici, j'en ai appris un peu plus sur les "véritables" enjeux de cette guerre, sur Lincoln, controversé sur sa position sur les Noirs, et sur le fait que la guerre de Sécession n'était pas au départ une guerre pour l'abolition de l'esclavage, mais pour préserver l'Union. La question des Noirs reste assez périphérique finalement, ambigüe, pas assumée réellement. 

Ce roman rend compte également de la réalité d'une guerre civile particulièrement sanglante, très longue, plus longue que prévu, avec des pertes humaines colossales.

Des extraits :

(la Mort qui parle)

"L'humanité restera à jamais un mystère pour moi. Vous trouverez toujours le temps pour vous tuer. Jamais pour vivre."

"Dormir avec les chevaux qui puent le crottin et la sueur, pas de problème, mais partager un banc avec une Noire, Dieu les en préserve ! Ils ont beau être tous de bons chrétiens, il ne faut pas pousser non plus."

Lu dans le cadre de

👽 Défi imaginaire 7/42 => catégorie 21 (un récit choral)

L'auteur

Jean-Laurent Del Socorro, né en 1977, est un écrivain français oeuvrant dans les littératures de l'imaginaire. Il est principalement connu pour ses romans de fantasy historique.