LES SAISONS
"Quand un monde est inhabitable, on le change, ou on en change."
Alors là, ça m'épate toujours de découvrir de "nouveaux" romans ou auteurs du siècle dernier, a priori incontournables, mais qui sont passés entre les mailles de mon filet. Je n'avais jamais entendu parler de ce titre, ni de l'auteur, Maurice Pons, et pourtant, depuis sa première publication en 1965, "Les Saisons [dixit la quatrième de couv] a acquis au fil des années une réputation de livre culte réunissant autour de lui une véritable confrérie d'initiés. Ce roman, dont l'humour désespéré et le grotesque n'empêchent pas la poésie la plus lumineuse, est un diamant noir de la littérature française."
C'est par Stéphanie que j'en ai eu vent alors qu'elle a glissé sur notre groupe d'échanges de LC : "Ce n'est pas pour enfoncer le couteau dans la plaie béante de vos listes d'envies mais je suis en train de lire un pur OLNI qui me fait rire et me réjouit à chaque page !" Ce à quoi j'ai répondu de suite : "Je noooooooote ! Sans même savoir de quoi ça parle. 😂"
Les avis, assez sévères sur Goodreads, du genre "glauque et dégueulasse" pour résumer, auraient pu m'en détourner, et malgré la confirmation (plus modérée) de Stéphanie, "plutôt vrai, il y a une scène qui m'a presque donné des haut-le-coeur mais les dialogues absurdes qui l'accompagnent sont géniaux, c'est assez dingue comme texte", j'étais convaincue que c'était tout à fait ma came (les goûts et les couleurs...).
Je m'y suis plongée au lendemain des fêtes et j'ai tout de suite fait un rapport dans le groupe : "J'ai commencé Les Saisons de Maurice Pons. C'est tellement barré que je ne m'en remets pas (où sont-ce les suites d'hier soir ?😅)."
Pour le contexte de l'histoire, dès les premières pages, nous entrons de plain-pied aux côtés de Siméon dans une vallée perdue où se succèdent deux saisons, 16 mois de pluie diluvienne et 40 mois de gel mortel ! Outre ce climat cauchemardesque, les usages du pays sont bien particuliers et il faudra beaucoup de détermination à notre aspirant écrivain, considéré comme un paria, pour tenter de trouver sa place au sein de cette communauté de montagnards frustres et peu ragoûtants.
Ah ça oui, ils étaient tellement craaaades et primaires que mon pire cauchemar, au fur et à mesure que j'avançais dans le récit, c'était de me retrouver bloquée dans leur hameau. En m'adressant à une autre lectrice de notre groupe, j'ai écrit : "je ne sais pas quel est ton seuil de résistance au gore mais ce livre est un bon moyen de le savoir. 😅"
Et ce pauvre Siméon ! On aurait dit que l'auteur avait décidé de créer un personnage pour en faire son souffre-douleur. Il prend vraiment cher.
Mais qu'est-ce que je rigolais bien malgré tout ! Ah là, l'hyène hilare était au rendez-vous ! Et l'écriture, mouack, aux petits oignons, un bonheur ! L'avis de Stéphanie : "l'écriture est dingue, il y a des envolées lyriques sublimes. Maurice Pons dit le sale comme personne." Tellement d'accord ! Il m'a un peu évoqué Robert Merle qui sait aussi bien écrire populaire et familier que délicieusement raffiné et soigné.
Mon avis Goodreads :
OLNI en puissance ! Aussi écoeurant que réjouissant que fascinant ! Du burlesque, du grotesque, de l'absurde, du cocasse (hyène hilare le retour !), et des moments de poésie bouleversants (oui, Marilyne, je n'aurais jamais pensé écrire ça un jour) ! J'ai ri, j'ai frémi, j'ai adoré ! Sauf la fin que j'aurais espéré autre mais bon, je salue le jusqu'au-boutisme de l'auteur, et ce récit n'aurait pas été aussi fort sans cette fin.^^
Un roman aux accents d'Andrus Kivirähk, l'auteur de l'excellent L'Homme qui savait la langue des serpents, pour certains délires.
Quelques extraits
"On vous a dit, je crois, que je suis écrivain et, à ce titre, j'ai droit à vos égards, car comme vous tous, je travaille à mains nues. Je façonne mes mots, avec des voyelles et de consonnes que j'accroche les unes aux autres, un peu à la façon du vannier. Mais avec mes petits paniers, mes corbeilles, j'essaie d'attraper la beauté. Cela ne va pas sans souffrance."
"La semaine suivante, il se reprochait l'emploi du mot "leggings". "Ce n'est pas possible, se disait-il : trois "g" dans un seul substantif ! J'ai déjà un "x" dans "Crucifixus" et le i tréma de Eleïson... Quelle munificence ! Moi qui prétends écrire pour les pauvres !"
Intègre le Défi lecture 2023 (1/30/100) => catégorie 81 (un livre dont la fin nous surprend, que l'on n'a pas vu venir).
L'auteur
Maurice Pons est né en 1925 à Strasboug. Après des études de philosophie qu'il finit par abandonner, il publie sa première nouvelle, Métrobate, en 1951. Son recueil Virginales obtient le prix de la Nouvelle en 1955 et François Truffaut en tire le scénario de son film "Les Mistons". Il a également été comédien, journaliste, éditeur d'occasion et a collaboré à la revue Arts. Maurice Pons est mort en 2016 au Moulin d'Andé.
Je me souviens. Je l'avais commencé, et puis avais commis l'erreur d'aller voir la fin, et voilà voilà j'ai lâché l'affaire...
RépondreSupprimerC'était plus un acte délibéré qu'une erreur, non ?^^ Non mais c'est sûr, ce livre ne sera pas du goût de tous.;)
SupprimerComment ne pas noter ce titre. Tes remarques confirment mon point de vue sur ces confréries de lecteurs : lectures majoritairement consensuelles, beaucoup de best sellers et de gens qui lisent tous la même chose. Quand je vois les classements annuels sur Babelio de livres les plus lus ou les plus aimés, je n'ai généralement jamais rien lu des vingt premiers titres. Bon, je ne suis certainement pas objective, je n'ai jamais apprécié le principe Babelio qui fait de l'argent avec le travail bénévole de la communauté.
RépondreSupprimerEt maintenant il y a de grosses bannières de pub d'éditeurs quand on arrive sur la page d'accueil, le truc qui met 5 secondes à disparaître, le temps qu'on met à réagir pour cliquer nous-mêmes sur la petite croix pour les faire disparaître... Le pire pour moi, c'est le constat des meilleures ventes de livres chaque semaine. En ce moment, Captive 2 en tête du top. J'ai du mal à comprendre le phénomène. Bref, heureusement qu'on voit plus de diversité sur les réseaux, il suffit de repérer ceux qui correspondent davantage à nos goûts.:)
SupprimerJe ne connais pas du tout non plus, et ça semble tout à fait particulier... Il faudrait au moins que je tente, même si je ne suis pas sûre que ce soit pour moi !
RépondreSupprimerÉcoute, il me semble que tu as des goûts assez éclectiques pour pouvoir apprécier ce roman, mais il est très difficile pour moi de l'affirmer avec certitude. C'est un peu le genre, ça passe ou ça casse.:)
Supprimeroh la laaa, mais qu'est-ce donc que cela?? J'aimerais quand même y jeter un coup d'oeil malgré tout l' "écoeurant"...
RépondreSupprimerL'écoeurant, le rebutant, le répugnant...:) Oui, je préfère prévenir, même si l'essentiel n'est absolument pas là, et c'est cet essentiel qui rend ce roman magistral (à mon sens). Très curieuse de ton avis si tu te lances !
SupprimerJ'ai beaucoup entendu parler de ce livre, sans jamais trouver le courage de m'y plonger. Pas sûr que tu me fasses changer d'avis. Pour la petite histoire, j'ai souvent (enfin pas tous les 8 jours non plus ..) croisé Maurice Pons au Moulin d'Andé où il vivait depuis plusieurs décennies. Lieu hautement culturel et décontracté ou il se mélangeait au public, accessible et souriant. Il était chez lui. J'aurais pu lui parler si j'avais voulu, mais que lui aurais-je dit ?
RépondreSupprimerIncroyable ! Tu as donc connu Maurice Pons ?! Et tu connaissais ce livre !:) Je crois que c'est le genre de livres qui nous appelle. Si tu n'entends pas cet appel alors que tu en as beaucoup entendu parler, il n'est peut-être pas fait pour toi. Tu es la mieux placée pour le savoir. J'ai une liste de livres renommés comme ça, qui me tiennent éloignée pour diverses raisons, pas toujours claires, et ce n'est pas bien grave.^^
SupprimerBravo d'avoir posté un si bel avis sur ce roman a nul autre pareil, je n'ai jamais eu le courage de trouver les mots justes! ❤
RépondreSupprimerQuelle expérience de lecture ! Merci encore pour cette découverte. Nos échanges ont tout de même permis de garder une trace de ton bel enthousiasme.:)
SupprimerJe ne connais pas du tout, mais tu ne m'as pas du tout envie de lire ce livre. Certains mots m'y font renoncer tout de suite...
RépondreSupprimerC'est marrant, moi, ce livre m'a appelée tout de suite malgré ou peut-être à cause de ces mots, toi, il te fait fuir.^^ C'est ainsi. Il en faut pour tous les goûts.;)
SupprimerFaudrait que je lui redonne une chance, alors? ^_^ Il est à la bibli de r, où je l'avais emprunté. Une sorte de 'classique', on croise ces noms de temps en temps.
RépondreSupprimerBon, là je sors du Dossier M, tome 1, encore 900 pages de Grégoire Bouillier, je vais attendre avant le tome 2(car il y a un tome 2!)
Ah non, si tu as lu la fin, c'est que tu lui as d'emblée ôté toute possibilité d'une seconde chance.;) Tiens, Bouillier, j'ai une LC prévue en mars, mais pour son dernier roman. Je ne pense pas m'aventurer dans ses Dossiers de si tôt, surtout s'il adore autant les digressions que Jaenada.;)
SupprimerLe dernier roman est plus aisé à lire, tu devrais aimer son couple fictif et barré d'enquêteurs, oui, Jaenada. Le dossier M est différent, et personnel.
SupprimerJ'ai revu le Pons, et la fin; ben non, ça pourrait aller, je pourrais le lire... En me préparant quand même.
Comme tu veux pour le Pons, mais quitte à le (re)lire, je te proposerais bien une LC sur un autre roman dont on m'a dit le plus grand bien ("un livre étonnant, une surprise, une détonation inattendue"), c'est Mademoiselle B. (bon, la personne a aussi beaucoup aimé Les Saisons^^). Quant au Grégoire Bouillier, oui, j'ai hâte de découvrir ça !
SupprimerA lire babelio, oui, ça m'a l'air un truc assez intense... Une LC? Mmmh, sais-je dire non? ^_^
SupprimerBon, de toute façon, ce ne serait pas avant juin pour ma part, voire même au deuxième semestre, les Saisons étant encore frais. On a le temps d'y réfléchir.:)
SupprimerJe te mets un lien vers un article de l'an dernier sur le Moulin d'Andé. C'est un lieu que j'aime beaucoup où j'ai vécu de superbes moments. Concerts suivis de repas où tout le monde mange ensemble, artistes et public, dans une ambiance bon enfant et un décor magnifique. Suzanne Lipinska est décédée il y a trois mois, avant ses 95 ans, c'était une femme formidable, toujours souriante, parlant à tout le monde de la même façon, connu ou pas. Tu verras dans l'article le projet de faire éditer un livre de 1000 pages de Maurice Pons sur ses cinquante ans passés au moulin. https://actu.fr/normandie/ande_27015/eure-60-ans-du-moulin-dande-la-releve-est-assuree_51951352.html
RépondreSupprimerMerci pour cet article ! Quel merveilleux projet que ce Moulin ! Une belle réussite ! J'adore ces lieux de vie et d'échanges culturels où tout le monde se côtoie sans chichi. Tu as bien de la chance de pouvoir en profiter.:)
SupprimerJe suis complètement pour ce projet d'édition du livre de 1000 pages de Maurice Pons ! Il le mériterait tellement. On m'a appris récemment qu'il y avait même des librairies qui portaient le nom de son roman, Les Saisons, c'est dire son impact. Et on m'a fait noter un autre de ses livres, Mademoiselle B., qui, paraît-il, est "un livre étonnant, une surprise, une détonation inattendue". J'ai hâte de découvrir cela !^^
Je ne connais pas du tout, à tenter peut-être :)
RépondreSupprimerJe pense que tu pourrais apprécier au vu de tes lectures variées qui reflètent une grande curiosité littéraire.:)
SupprimerMerci :) je l'ai noté, j'aime bien découvrir dès fois des livres qui sortent de l'ordinaire.
RépondreSupprimerBonne journée !
Oui, c'est ce que j'ai cru remarquer.:) J'espère que celui-ci te plaira.
SupprimerBon, pas sûre du totu de m'y frotter, mais sait-on jamais si je le vois en bibli...
RépondreSupprimerassez d'accord avec Sandrine sur Babelio, que j'avais suivi à sa création et qui m'a rapidement agacée. Ils ont "bien bossé" cependant, car Pierre est sur France Culture le vendredi je crois dans le book club ou que sais-je entre midi et deux. ils essaient d'être en mode "participatif" en lisant des chroniques de lecteurs babelio...
J'avoue que je ne suis pas trop ce qui se passe sur Babelio, étant plutôt sur Goodreads, mais j'ai l'impression qu'ils ont bien évolué, oui. Je suppose que les chroniqueurs y trouvent quand même leur compte, sinon ils l'auraient déserté depuis le temps.
SupprimerPour moi babelio est l'endroit où je range mes chroniques, je n'y fais pas grand chose d'autre, ça c'est à l'époque où je craignais pour mon blog.(?)
SupprimerGoodreads c'est pour noter les lectures, et je regarde aussi les avis.
Oui, Babelio et Goodreads avaient un peu la même fonction pour moi au départ. J'ai préféré Goodreads pour les avis plus internationaux et je l'ai trouvé plus pratique aussi pour mon usage.
SupprimerConnais pas non plus ! Mais malgré la hyène hilare, je ne pense pas que le côté gore, bien présent dans ton billet, soit pour moi !
RépondreSupprimerTu es mieux placée que moi pour savoir ce qui te convient ou non. Pour ce roman en particulier, je ne prendrai pas de risques en poussant à la lecture.;)
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