( THE ISLAND OF SEA WOMEN )
traduit de l'anglais (États-Unis) par Samuel Sfez
C'est le premier roman de Lisa See que je lis, une autrice dont j'avais déjà repéré les romans historiques, autour de la Chine principalement, mais qui ne m'avaient jamais vraiment attirée car estampillés bestsellers avec des titres un peu caricaturaux et doucereux, genre Fleur de Neige, Le Pavillon des Pivoines, La Mémoire du thé...
L'Île des femmes de la mer, un de ses plus récents, a toutefois capté mon attention chez Audrey, déjà parce que c'était éligible au book trip en mer^^, mais en plus, ça avait trait à la Corée du Sud (ce qui est toujours assez irrésistible pour moi), et plus particulièrement à l'île de Jeju et à ses mythiques haenyeo, ces extraordinaires plongeuses en apnée dont je ne savais en réalité pas grand-chose, mais c'était justement l'occasion d'en apprendre davantage.^^
Ça commence gentiment comme un récit de [extrait de la 4e de couv] "plongée et de pêche sous-marine qui rythment le quotidien des femmes sur l'île de Jeju dans les années 1930. Dans cette société matrifocale, les haenyeo travaillent (dur) pour subvenir aux besoins de leur famille pendant que les hommes s'occupent des enfants." Absolument passionnant cette immersion dans la vie de ces "gardiennes et superviseuses de la mer" qui protègent leurs champs sous-marins dans le respect des traditions et des saisonnalités ! Puis l'intrigue se recentre sur le destin de deux filles de cette communauté, Mi-Ja et Young-sook, dont l'amitié profonde depuis l'enfance va être durement éprouvée par la guerre.
C'est alors tout un pan de l'Histoire de la Corée du Sud, et de l'île de Jeju en particulier, qui se déploie devant nous, depuis les années 1930 alors que la Corée était colonisée par les Japonais, en passant par la Seconde Guerre mondiale et plus longuement sur cette période charnière que fut "l'Incident du 3 avril (1948)" (officiellement terminé sept ans tard - des années de massacre, entre 30.000 et 60.000 victimes), jusqu'en 2008 où s'ouvre ce récit et où l'on retrouve Young-sook, 85 ans, une des dernières haenyeo à Jeju.
Une femme coréenne venue tout droit des États-Unis avec sa fille vient la retrouver sur la plage et lui pose des questions sur sa grand-mère, Mi-Ja. Young-sook prétend n'avoir jamais connu cette femme... On remonte alors dans le temps jusqu'en 1938 et c'est dans une alternance entre passé et présent que se dessine l'histoire tragique de Jeju et de ces deux femmes autrefois soeurs de coeur.
Bien sûr, tout le long du roman, on se demande quel terrible événement a pu se produire pour briser cette amitié qui semblait à toute épreuve. Puis quand il survient (un dilemme du niveau du choix de Sophie), on se sent prendre parti pour l'une, mais ce n'est qu'au fur et mesure que l'intrigue se développe et que l'on se rapproche de la fin que s'expliquent les choix de l'autre, et là, on ne sait plus quel parti prendre...
J'ai trouvé la fin très forte, la façon dont l'autrice l'a habilement amenée, ainsi que son dénouement. Je ne l'ai pas vue venir et les dernières pages étaient vraiment très émouvantes.
C'est un roman historique de bonne facture, à l'écriture assez classique, sans éclat particulier, mais agréable à la lecture, avec une intrigue solide et plutôt bien rythmée. Un roman à la force tranquille, sans vaine agitation ni forte tension, mais captivant malgré tout, avec des personnages convaincants. J'ai beaucoup aimé le traitement des thématiques autour de l'amitié, de la rancune et du pardon, qui traversaient ce roman tout le long, et les réflexions suscitées.
J'ai aussi beaucoup apprécié la précision des faits, qu'ils aient trait aux haenyeo ou à l'histoire de Jeju, en particulier cet "Incident du 3 avril". L'autrice a fait beaucoup de recherches et d'entretiens en amont, son roman est clairement documenté et donc très instructif.
J'ai été complètement subjuguée par ces haenyeo, leur vie quotidienne et leur organisation. J'ai découvert une communauté (en voie de disparition, cela dit) qui m'a tellement fascinée que je suis même allée regarder des vidéos sur youtube, notamment pour entendre le sumbisori, ce fameux son qu'elles émettent quand elles émergent de l'eau et qui ressemble à un sifflement de dauphin (cf les premières secondes de la vidéo ci-dessous).
Une très belle surprise donc que ce roman historique de Lisa See dont je n'espérais pas tant.
Extrait
"On disait autrefois que les dons de la mer étaient comme l'amour d'une mère, infinis, mais certaines parties de la mer deviennent blanches, là où le corail, les algues et les crustacés ont péri. Cela est dû au changement climatique, à la surpêche et à la négligence humaine. Désormais, les haenyeo plongent pour récolter du polystyrène, des filtres de cigarettes, des emballages de bonbons et des morceaux de plastique."
L'autrice
Lisa See est une écrivaine américaine. Elle est née en 1955 d'une mère américaine, l'autrice Carolyn See, et d'un père américain d'origine chinoise, l'anthropologue Richard See. Son arrière-grand-père parternel a immigré à Los Angeles lorsqu'il a quitté son village chinois au début du siècle dernier pour devenir le parrain du Chinatown.
Autrice de plus de dix romans historiques, l'Organisation des Femmes Chinoises Américaines l'a nommée en 2001 Femme de l'Année.
Oh mais ça m'a l'air bien, surtout si on échappe au super romanesque appuyé... Je viens juste de terminer un bouquin (non fiction) avec beaucoup sur la mer et sous la mer, parfait aussi pour le Book trip. Je te fais confiance pour les calculs, au fait, cette année pas de pression (mais j'en ai en réserve!!!)
RépondreSupprimerJe crois que j'ai vu sur Goodreads le livre dont tu parles.^^ Ça a l'air très bien, en effet. Ah oui, cette année, c'est traversée vraiment tranquille (pas que côté maritime d'ailleurs) et ça me convient très bien ainsi.:)
SupprimerL'été est tranquille sur les blogs... Avec les séries, je limite les billets, mais j'en ai encore sous le coude; et puis la LC du 6.
SupprimerDu 5 août plutôt.;) Les séries, finalement j'en lis sans m'en rendre compte que ça en est.^^
SupprimerOups j'avais mis 5 et là pourquoi 6? Merci!
SupprimerSi tu avais noté la bonne date, tout va bien !:)
SupprimerLa vidéo est "non disponible"... le sujet me tente, mais je crains l'ennui si le style est plat.. à noter dans les "pourquoi pas, une fois que ma pile se sera bien résorbée"...
RépondreSupprimerAh non, le style n'est pas plat, loin de là. C'est très bien écrit, juste sans qu'on ne puisse rien en dire de vraiment plus.;) On ne s'ennuie pas une seconde en tout cas.
SupprimerQuant à la vidéo, elle n'est juste pas visionnable sur le blog directement, mais on peut la lire en cliquant sur le lien qui renvoie vers Youtube.
Voici un titre qui doit être passionnant entre la relation entre les femmes et les choix difficiles qui ont été faits. Je suis impressionnée par ces femmes plongeuses en apnée!
RépondreSupprimerOui, ces femmes sont vraiment impressionnantes et le roman ne manque en effet pas d'intérêt.
SupprimerOK, vu, il ne faut pas se laisser effrayer par le "Vidéo non disponible"...
RépondreSupprimerJ'en ai profité pour apprendre l'intrigue du Choix de Sophie, titre que je connaissais uniquement de nom!
Quant aux plongeuses, il me semblait que les plus connues étaient japonaises (On ne vit que deux fois), j'ignorais ces coréennes... Merci pour cette chronique.
(s) ta d loi du cine, "squatter" chez dasola
Pour Le Choix de Sophie, tu t'es contenté du résumé qui ne révèle pas ledit choix, j'espère.^^
SupprimerJ'avais aussi entendu parler des ama japonaises (pareil, par l'intermédiaire de livres), et les haenyeo sont en effet leurs homologues coréennes.
Pas sûre d'avoir envie de le lire, mais ton billet m'apprend bien des choses, en tout cas !
RépondreSupprimerTant mieux, je ne l'aurai pas écrit pour rien.^^
SupprimerPas certaine d'avoir le temps de le lire mais je le note car ce que tu en dis est fort intéressant je trouve. Ces femmes sont fantastiques et cette tradition de pêche est tout à fait passionnante. Un récit donc si je comprend bien à la fois historique et social...Comme toi je ne sais pas grand chose de ses plongeuses en apnée ! Merci de nous donner envie.
RépondreSupprimerAvec plaisir ! :) Oui, si le sujet t'intéresse, c'est une belle entrée en matière et c'est aussi une bonne occasion d'en apprendre davantage sur l'histoire de la Corée du Sud.
SupprimerIl me semble avoir déjà rencontré cette auteure. Je pourrais tenter...
RépondreSupprimerMais oui, laisse-toi donc tenter par ces sirènes de Jeju.:)
SupprimerC'est une communauté que j'ai découverte en recevant ce roman et que je suis curieuse de découvrir à travers ce dernier, d'autant que tu as l'air plutôt satisfaite de ta lecture. Quant à finir un roman sur une note positive, c'est toujours un grand plus.
RépondreSupprimerOui, cette fin a vraiment élevé mon appréciation d'un cran et a donné encore plus de corps à cette histoire, même si j'étais déjà très satisfaite tout le long. N'hésite pas à sortir ce roman de ta PAL !;)
SupprimerOui, il a l'air intéressant. Je cherche un roman pour participer au book trip mais pour le moment je ne sais pas ce que je vais choisir.
RépondreSupprimerIl y a le temps encore. Très curieuse de ce que tu vas nous trouver.:)
SupprimerAïe aïe aïe, ça me donne terriblement envie ! D'autant que j'avais adoré Fleur de neige qui, malgré son titre, était loin d'être niais (du moins dans mes souvenirs) !
RépondreSupprimerAh mais je suis tout à fait partante pour lire Fleur de neige et ses autres titres maintenant ! :)
SupprimerEh bien, j'en apprendrais sans doute beaucoup ! ça a tout pour me plaire. Ma bibli n'a que La mémoire du thé, pourquoi pas, allez !
RépondreSupprimerMais oui, pourquoi pas ?^^
SupprimerRien que la couverture, j'aurais fui ! On dirait le pire des éditions genre documentaires de vulgarisation pour les nuls ... Ceci dit, me voilà fort curieuse de connaître cette histoire de plongeuses qui font garder les gosses aux hommes !
RépondreSupprimerJ'ai été fort intriguée par cette société matrifocale moi aussi.^^ J'avais l'impression de lire un de ces fantasmes de romans féministes, mais non, cette communauté existe bel et bien et est bien organisée ainsi. Le petit hic, en revanche, c'est que les études sont du domaine des hommes (à l'époque du moins). Tu m'auras fait rire avec la couverture, mais ça vaut vraiment le coup de passer outre pour découvrir ces haenyeo.;)
Supprimerj'avais lu une BD il y a plusieurs années sur des plongeuses, mais japonaises celles-là, "Ama, le souffle des femmes", que, après recherche, je n'ai d'ailleurs pas chroniqué sur le blog. Pourtant j'avais beaucoup aimé.
RépondreSupprimerJe suis comme toi,je fuis Lisa See, mais ce que tu en dis est intéressant, surtout l'aspect historique/Corée du sud; C'est donc noté!
C'est l'aspect historique/Corée du Sud qui m'a convaincue de tenter l'aventure avec Lisa See et franchement, je ne le regrette pas. Je connaissais aussi les plongeuses japonaises. Je n'ai pas lu la BD (encore) mais je la visualise bien. Elle avait été chroniquée par Cristie l'année dernière.
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