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dimanche 28 mai 2023

L'HOMME QUI N'AIMAIT PLUS LES CHATS

 
L'HOMME QUI N'AIMAIT PLUS LES CHATS

J'avoue, le titre a attiré mon oeil en librairie et ce récit aux accents dystopiques, qui a du moins quelques échos de 1984 cité en exergue, a vite fait d'atterrir dans ma PAL.

L'histoire se déroule sur une petite île qu'on pourrait presque penser bretonne, une île où tout le monde se connaît et où chacun vaque tranquillement à ses occupations. Une petite communauté paisible, à l'image des chats qui y ont aussi élu domicile. Les habitants y ont en quelque sorte pris refuge, loin du tumulte du continent, pour pouvoir être eux-mêmes tout en vivant ensemble en communauté. Sur cette île, il y a plein de chats. 
D'emblée, j'ai adoré leur description qui ouvre le récit :

"Imagine une île avec des chats.
Des domestiqués, des pantouflards et des errants, qui se baladent un peu chez l'un, un peu chez l'autre, pas faciles à apprivoiser, mais qui aiment bien se laisser caresser de temps en temps. Et puis aussi, des qui viennent toujours quand on les appelle, des qui s'échappent la nuit pour funambuler sur les toits, d'autres qui rentrent au contraire pour se blottir contre soi.
[...] J'aime leur indépendance, leur indifférence aussi. À l'époque, j'aimais surtout l'idée qu'ils venaient à moi quand ils le voulaient, d'égal à égal, pas par fidélité, habitude, ou parce qu'ils ne savaient pas où aller."

C'était décrit avec une telle justesse que j'ai tout de suite adoré la plume de l'auteure, Isabelle Aupy, et sa façon de narrer les événements (ou alors j'avais trop souffert avec dos Santos, aussi tout ce que je lisais derrière me paraissait extraordinairement savoureux) (oui, j'en rajoute une couche).
Traité sous la forme de la transmission orale à travers le témoignage d'un vieil homme, j'ai été sensible à la qualité de ce texte. Le vieil homme parle avec ses mots, rien d'ampoulé, c'est brut, ça sort comme ça vient. Il peine parfois pour trouver le bon mot, mais ça sonne authentique. C'est précis et simple en même temps. Un régal de fraîcheur !

Un jour, les chats disparaissent mystérieusement de l'île. 

"Je l'ai cherché le rouquin. Je voulais l'appeler, mais je ne connaissais pas son nom. Son nom pour moi, c'était le bruit des volets que je ferme : le claquement du bois et le grincement des gonds rouillés. Et tous les soirs, il s'amenait.
J'ai demandé à la voisine. Elle ne trouvait plus ses pique-assiettes.
[...] Trois jours qu'elle les sifflait, comme ça, pour voir. Le même problème que moi. Leurs noms à eux, c'étaient les odeurs de poulet, de poisson et de boeuf."

L'administration du continent débarque alors et ramène des chiens sur l'île, en remplacement des chats. Sauf que voilà ! Ces chiens, ils les appellent des chats et tout le monde doit se plier à cette appellation. Il est aussi hautement recommandé, avant que cela ne soit tout à fait obligatoire, que chacun en ait un. On ne sait alors s'il faut en rire (j'avoue, j'ai pouffé au début, je trouvais la situation cocasse et tellement absurde), ou s'en inquiéter (hélas, l'heure est plutôt à l'inquiétude). Très vite, la petite communauté se retrouve sous l'emprise d'un pouvoir arbitraire que certains acceptent sans broncher tandis que d'autres se rebellent.

Sous ses airs naïfs, ce roman court alerte sur les dangers de ces dictatures sournoises qui s'appliquent à contrôler et asservir les gens, non par la force, mais en créant le manque et le (faux) besoin (société de consommation, bonjour !). La manipulation des esprits passe par la manipulation du langage pour aboutir à la pensée unique, tout le monde dans le même moule et sur les mêmes rails. 
Ce livre est un hymne à la liberté, la liberté d'être soi, et prône le vivre ensemble avec nos différences.
Et pour ne rien gâcher, toute une galerie de personnages hauts en couleur et diablement attachants animent ce petit bijou de texte.

J'ai adoré !

Très belle découverte aussi des éditions du Panseur, une "jeune maison d'édition indépendante qui publie des voix singulières entre littérature blanche et imaginaire. Des histoires pour rendre "conte" du réel..." C'est tout à fait ça !

Et les remerciements en dernière page, excellent !
"Ce texte fut rédigé en quelques jours dans le tramway bordelais, par textos directement envoyés au Panseur.
Chaque message fut compilé dans un format plus conventionnel, ce qui permit de corriger les facéties du correcteur automatique ainsi que les fautes d'orthographe dues aux bousculades des autres usagers de transports en commun.
[...]

Extrait
"[...] il nous avait ramené un costume neuf et une femme de l'administration. Jolie tenue elle aussi, pas pratique sous la pluie, mais qui faisait rougir de honte les nôtres de femmes avec leur gros pull et leurs godillots, avec leurs cheveux empêtrés par le vent et leur parfum de sel. Cette femme-là, elle sentait les fleurs qu'on ne cueille pas dans les champs."

Intègre le Défi lecture 2023 (18/30/100) => catégorie 18 (titre contenant au moins 40 points au Scrabble => 47 points ici)

L'auteure
Isabelle Aupy, née en 1983, est kinésithérapeute à Bordeaux. Son premier roman, L'homme qui n'aimait plus les chats, a reçu le prix "Coup de foudre" aux Vendanges littéraires de Rivesaltes.

20 commentaires:

  1. Yes, il est à la bibli!!!
    Je trépigne.
    Mais on sait ce qui est arrivé à ces chats? Sinon, des iles avec des chats, tu as la Grèce...

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    1. Oui, c'est vrai, les chats aiment la mer visiblement, haha ! Mais là, il y avait plein d'éléments qui m'évoquaient clairement la Bretagne. Je visualisais même Groix.^^ Hâte de découvrir ton avis !

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    2. Pareil je visualisais Groix ou Ouessant. Ton billet est parfait, pas étonnant que j'aie craqué fissa.

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    3. Ah, je n'ai pas encore visité Ouessant, mais Groix s'est imposé tout de suite dans ma tête.^^

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  2. Oh oui vraiment tout un recit que j'ai adore....cela se lit bien et vite....et toute une parabole...;)

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    1. Oui, une vraie bulle de fraîcheur ce récit qui, sous ses airs de ne pas y toucher, secoue et donne quand même à réfléchir sur bien des sujets.

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  3. Tiens, j'ai noté le nom de l'autrice il y a quelques jours seulement...

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  4. L'asservissement par la manipulation du langage .. voilà qui m'intéresse. Une autrice qui a l'air un peu obsédée par les chats non ? (son premier roman ...)

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    1. Elle a l'air de bien les connaître en tout cas.^^ Oui, le conditionnement des esprits par la manipulation des mots, c'est finalement quelque chose qu'on connaît très bien aussi. J'ai trouvé qu'ici c'était très subtilement démontré.

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  5. J'ai vu qu'il était en poche, et je le note !

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    1. Oui, c'est une excellente nouvelle. Paru chez un petit éditeur (de qualité), il n'a pas eu la visibilité qu'il méritait, mais en folio, il sera mieux exposé (quoique je ne suis pas fan de la couverture...).

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  6. Il faut absolument que je le lise !

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    1. Et il est paru en poche récemment, comme le soulignait Kathel.:)

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  7. PHILIPPE30 mai, 2023

    Moi, le titre n'aurait pas attirer mon attention, mais ton avis me pousserait bien à le lire...

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    1. Très curieuse de ton avis si tu le lis.:)

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  8. Tu sais me parler ! Je note ! Et j'aime toujours les chats !!!

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    1. Je suis sûre que tu apprécieras.:) En revanche, on ne voit pas beaucoup de chats vu qu'ils disparaissent rapidement. Bon, sauf si on accepte d'appeler un chien un chat.^^

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  9. Le titre avait titillé ma curiosité mais je n'ai pas encore pris le temps de découvrir ce livre qui a l'air plein d'intelligence. Sous couvert de cette situation étrange, l'autrice semble dénoncer un danger encore bien présent dans nos sociétés...

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    1. Oui, c'est un sujet un peu rebattu mais il n'est pas inutile de resonner l'alarme et l'auteure a su le traiter avec originalité, sous les abords d'une petite fable toute simple mais au développement très subtil.

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