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AUTEURS ET THÈMES PAR PAYS

jeudi 1 février 2024

TOUT LE MONDE N'A PAS LA CHANCE D'AIMER LA CARPE FARCIE


... ou la cuisine ashkénaze, une cuisine que l'autrice, Élise Goldberg, assume d'emblée comme peu sexy (oignons à gogo, genoux de veau, cou farci - là je me suis dit, tiens il y a une coquille, il manque le "h", mais non, c'est bien du cou (de poulet) farci). En réalité, c'est une cuisine authentique, conviviale, familiale, transmise de génération en génération, qui a du corps, du coeur, voire une âme.

Rien que le titre m'aurait attirée dans ses filets, thème cuisine oblige, mais Aifelle, chez qui je l'ai repéré, me l'a rendu encore plus incontournable en le décrivant comme un "récit où se côtoient l'humour, la légèreté, la tendresse, mais aussi la mélancolie et le drame. Lorsque l'on est issue de branches maternelle et paternelle juives de Pologne, les tragédies ne manquent pas."
Je me réjouissais de cette lecture qui avait tout pour me séduire : cuisine ashkénaze, langue yiddish, plongée dans une culture où j'avais beaucoup à apprendre, témoignages d'un drame historique à travers l'histoire familiale.

Au début pourtant, j'ai été un peu déroutée. Je ne m'attendais pas à la forme narrative, fragmentée en une succession de paragraphes séparés par un *, qui passent d'une idée à une autre, comme une suite de pensées, de souvenirs et de réflexions qui viennent comme ils viennent. Des paragraphes plus ou moins courts qui semblent inviter à picorer plus qu'à lire d'une traite. Là je me suis dit, ouhlala, je ne vais pas aimer ça, moi. J'aurais préféré une forme plus classique. Mais la cuisine ashkénaze n'est pas classique et l'histoire de sa communauté encore moins.
Assez vite (heureusement), je me suis faite à cette forme qui n'est pas si incohérente, car on ne passe pas vraiment du coq à l'âne. Les idées sont liées, même si parfois par d'infimes liens, et reflètent finalement le fonctionnement de la mémoire, collective et individuelle, dans son processus de reconstitution d'une identité culturelle.
J'ai apprécié le style de l'autrice qui a le sens de la formule et un grand sens de la dérision. Ses petits paragraphes, d'une ligne ou à peine plus, fusent comme des flèches et vont droit dans le mille. Non, en réalité, cette forme narrative s'est révélée finalement très efficace et judicieuse.
Je me suis un peu perdue dans les liens familiaux, grands-parents maternels et paternels, frères et soeurs de ces derniers, qui était où et qui a subi quoi, mais tout a fini par se mettre en place. 

Une très jolie surprise que ce premier "roman" à la forme déroutante, qui tient davantage du récit familial un poil labyrinthique, aux détours improbables (mais que vient faire l'inspecteur Columbo dans l'histoire ? 😄), agrémenté d'anecdotes, de blagues juives et de souvenirs reconstitués, le tout sur fond de plats typiques ashkénazes dont la fameuse carpe farcie (sans oublier les cornichombres^^).
C'est un très bel hommage de l'autrice à sa famille, ses origines, sa culture, rendu avec tendresse et dérision, et aussi une certaine fêlure qui transparaît entre les lignes.

Cet ouvrage est qualifié de roman, mais ça touche quand même à l'histoire familiale en mode récit, témoignages rapportés, anecdotes et réflexions personnelles. J'ai validé "roman" quand j'ai vu que le groupe Facebook des éplucheurs de boulbès n'existait pas (oui, je suis allée vérifier 😄). Il a tout de même été inspiré de groupes existants autour d'amateurs de cuisine ashkénaze.

Quelques extraits :
"Il disait souvent : il faut manger pour vivre et non pas vivre pour manger. Sa silhouette et ses habitudes tenaient un autre discours."

"Et n'allait pas imaginer que la finesse du goût compense la carence de couleurs. De complexité, de savant équilibre dans les saveurs, vous ne trouverez pas : l'absence de couleurs annonce bien la couleur."

Et pour finir, je vous partage cet instant absolument magique en compagnie de Mamie Goldè, la Maïté des Ashkénazes, dont la scène est fabuleusement retranscrite dans ce livre. L'autrice conclut par "C'est comme si maladresse et ratage faisait partie de la recette." 😂 
Trop drôle et touchant à la fois !


Intègre le Défi lecture 2024 (1/30/100) => catégorie 43 (auteur ayant publié son premier livre en 2023).
Petite fierté personnelle : cette lecture est ma première de l'année. Je suis donc à jour des mes billets de lecture 2023. 🥳

L'autrice
Élise Goldberg est née en 1973 et vit aux Lilas, près de Paris. Elle travaille dans l'édition et anime des ateliers d'écriture. Son premier roman, Tout le monde n'a pas la chance d'aimer la carpe farcie, publié en 2023, a été lauréat du prix Les Inrockuptibles du premier roman.

24 commentaires:

  1. C'est vrai qu'au début la narration peut être déroutante, mais ça ne m'a pas vraiment frappée. J'ai adoré le ton et le côté "foutoir" des deux familles. J'espère que l'autrice va continuer dans cette veine là.

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    1. Je l'espère aussi ! Je reviendrai très volontiers à elle en tout cas.

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  2. Je l'ai eu en mains à la bibli, un jour je le lirai, mais il fait partie des bouquins à emprunter pour deux semaines maximum. Comme celui de Yan Lespoux dont je n'ai d'ailleurs fait qu'une bouchée, d'ailleurs, alors tout est possible.

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    1. Ah ben oui, pour toi, c'est clairement possible.;) Tu dévores des pavés en un rien de temps, alors 160 pages, en deux semaines, c'est laaaarge.^^

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  3. J'en avais entendu parler dans une émission littéraire de France Inter et bien sûr j'ai lu le billet d'Aifelle. La forme labyrinthique ne me gêne pas trop. C'est un livre qui pourrait me plaire mais il y a tellement de tentations que je ne suis pas certaine de le lire.

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    1. J'étais tombée sur un podcast de France Inter sur ce livre aussi par la suite, on a dû écouter la même émission.:) Pour moi ce livre vaut vraiment le détour, mais on est dans le même bateau côté tentations, alors je te comprends.;)

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  4. Noté chez Aifelle, je pense que je pourrais aimer, mais je vais tout de même plutôt voir en médiathèque.

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    1. Si ce n'est pas déjà dans ma PAL, c'est bibli obligatoire aussi de mon côté en ce moment.;)

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  5. Et bin je te dirais pourquoi pas.....cela me rappelle un autre livre....mais lala je le cherche...pour t'en parler...ou pas...;)

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    1. J'ai trouve....c'est pas la cuisine ashkénaze mais cuisine tartare....j'avais bien aime: "cuisine tartare et descendance" de Alina Bronsky et vraiment il ressemble un peu a celui-ci...dans le style, la forme....https://www.actes-sud.fr/node/33443

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    2. Aaah mais figure-toi que je l'ai lu (moi dès qu'il est question de cuisine, je suis un peu foutue...^^) et j'en garde un très bon souvenir en effet : https://lecture-sans-frontieres.blogspot.com/2013/02/cuisine-tatare-et-descendance.html.
      C'est tout de même très différent sur le fond et la forme, mais les deux sont un régal.:)

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    3. Oh oui une sacre bonne femme...on lui pardonne tout meme...car pas une vie evidente a la fin....
      je viens de lire ta critique de 2013...

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    4. Oui, 2013... Ça commence à remonter, haha ! C'était il y a déjà dix ans, mais je garde encore un souvenir vif de cette lecture, comme si c'était il y a trois-quatre ans plutôt...

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    5. Je l'ai lu durant la pandemie....et toujours dans mes souvenirs...oui inoubliable...;)

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  6. Je l'avais repéré chez Aifelle, mais un peu oublié.

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    1. C'est l'avantage (ou l'inconvénient^^) des blogs. Un petit coup de rappel...;)

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  7. Merci pour ton avis car seule, je ne me serais pas tournée vers ce livre ! ET cela aurait été dommage appréciant quand les auteurs ont le sens de la formule.

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    1. Alors ce livre pourrait vraiment te plaire.;) N'hésite pas si tu le croises sur ton chemin. Je serais très curieuse de ton avis.

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  8. si je le croise un jour, pourquoi pas quand j'aurais repris un rythme normal

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    1. Tous ces livres qu'on aimerait caser à l'occasion...:)

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  9. Repéré aussi, sans doute aussi chez Aifelle, mais j'avoue que ce que tu dis sur la forme narrative me refroidie un peu... Je crains d'être trop déroutée !!!

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    1. Au début je l'ai été, mais je n'avais pas été prévenue aussi.^^ Après on s'y fait très vite, il y a tout de même un fil conducteur.

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  10. Encore une auteure que je ne connais pas et je ne suis pas vraiment intéressé...

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