CHRONIQUES DE LA FRUITIÈRE

VOYAGE AU PAYS DU COMTÉ

Repéré chez Loo il y a quelques années, je me suis empressée de noter cet album. Tout comme elle, c'est le genre de bande dessinée à laquelle je ne résiste jamais. Le sujet tel qu'évoqué dans le titre avait vraiment tout pour me séduire. Dès qu'on me cause nourriture, gastronomie et gourmandises, je suis toute ouïe / tout oeil.

L'auteur, Fred Bernard, est missionné par son éditeur pour traverser le Jura, l'Ain et le Doubs à la rencontre des acteurs de la filière Comté : éleveurs de vaches, producteurs de lait, fromagers dans leur fruitière (du latin "fructus", le travail des hommes - rien à voir avec les fruits^^), affineurs, crémiers... Et bien sûr, au programme, visite de caves et dégustation de Comté.

"Le Comté, c'est pas de la saloperie industrielle. C'est un fromage artisanal, fabriqué à la main, en fruitière, affiné en cave..."

Au fil d'entretiens, de témoignages, d'observations personnelles et d'anecdotes historiques, Fred Bernard nous plonge dans les coulisses de ce fromage emblématique du massif du Jura. C'est un monde de passionnés, de gens investis, dévoués, solidaires, de gens qui aiment et croient en ce qu'ils font et qui en sont fiers, des gens "attachés à défendre leur filière au sein d'une mondialisation galopante". Leur métier nécessite un véritable savoir-faire et demande beaucoup de travail. C'est presque comme le monde du vin. D'ailleurs, l'un va rarement sans l'autre. Et surtout, le plus important, c'est le principe coopératif de la filière du Comté, l'interdépendance et la solidarité entre chaque corps de métier. Sans les uns, les autres ne peuvent rien faire. Cela est martelé tout le long.

J'ai découvert des métiers, comme ramasseur de lait. J'ai aussi appris qu'en Franche-Comté, le fromager n'est pas celui qui vend le fromage, mais celui qui le fait. Celui qui le vend est le crémier.

C'est un album très instructif, indéniablement, mais je m'attendais toutefois à plus d'humain, à être davantage touchée par les histoires des gens interviewés. On passe en fait très vite d'un personnage à l'autre et l'aspect technique de la production du Comté finit par prendre le dessus. De plus, globalement, l'histoire de ces hommes et femmes se ressemblent : reprise de l'exploitation familiale après des études ailleurs par attachement à leur région et par affinité avec le Comté, épanouissement dans leur choix de vie...

Ça reste toutefois franchement intéressant et j'ai beaucoup appris sur le Comté, en amont et en aval, en commençant par les vaches, en passant par son histoire collective et solidaire, ses techniques d'affinage, ses critères d'appellation et en terminant par le conditionnement du Comté dans les petits sachets. Le comble si ça n'avait pas été le cas en lisant cet album ceci dit, haha ! J'ai même appris à distinguer le Comté d'hiver et d'été. J'ai beaucoup aimé aussi les chapitres sur la dégustation du Comté, un univers aussi riche, divers, raffiné et complexe que celui du vin. Il existe même "la roue des arômes du Comté" !

Le scénario, en revanche, m'a paru un peu brouillon par moment, du fait de l'écriture manuscrite déjà, pas indéchiffrable mais pas toujours confortable, et puis surtout, c'est très bavard à ne plus savoir parfois dans quel sens ni quel ordre lire la page.

Côté dessin, je n'étais pas très fan du trait non plus, assez enfantin, mais le style est bien sûr très assumé. J'ai apprécié toutefois la gamme de couleurs, douces, franches et lumineuses, du plus bel effet pour les paysages, la campagne et la nature. 

Pas l'extase graphique donc, mais ça colle plutôt bien au style du récit et à son sujet : du simple, du vrai, de l'authentique, du pas de chichis, des vraies valeurs.

Paroles d'un crémier :

"Aujourd'hui, j'adore conseiller mes clients. Quand on les connaît bien, on peut modifier leurs habitudes en les emmenant vers d'autres fromages. On est vraiment dans l'humain. Je me dis que c'est un métier d'avenir car aucune machine ne peut faire notre boulot."

Intègre les lectures autour du

L'auteur

Fred Bernard est né en Bourgogne en 1969. Passionné par la nature, il serait sans doute devenu vétérinaire ou explorateur s'il n'avait pas été reçu au concours des Beaux-Arts de Beaune. En 1996, il publie ses premiers albums jeunesse et en 2001, il se lance dans la bande dessinée. Infatigable conteur et curieux, il adore essayer tous les types d'écrits et joue de ses modèles pour mieux les réinventer.