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AUTEURS ET THÈMES PAR PAYS

samedi 11 mai 2024

CÉLESTE - TOMES 1 ET 2

 
Tome 1 - BIEN SÛR, MONSIEUR PROUST

Quel destin étrange et fascinant que celui de Céleste Albaret ! Cette jeune provinciale débarquée à Paris en 1913 du fin fond de la Lozère, sans aucun savoir-faire, est en effet devenue, dans des circonstances fortuites, la domestique de Marcel Proust, tissant avec lui, au fil des années, une relation privilégiée attestant d'un véritable attachement mutuel.

N'étant pas spécialement fan de Proust même si j'ai réussi à lire le tome 1 de la Recherche sans réelle souffrance et même avec un plaisir certain par moment, je ne connaissais Céleste que de nom (et de loin) et il ne me serait pas venu l'envie d'en savoir plus à son sujet si Chloé Cruchaudet, dont j'apprécie énormément le travail graphique depuis Mauvais genre, n'en avait pas réalisé une bande dessinée.

Conçue en deux tomes et grâce à de multiples sources recueillant les souvenirs et les propos de Céleste Albaret, Chloé Cruchaudet y dresse le portrait de celle qui fut la servante dévouée de Proust jusqu'à sa mort, en 1922, révélant leur lien et nous laissant goûter à l'atmosphère d'une époque et voir aussi bien le Marcel derrière Proust que l'écrivain en plein processus créatif.

Le tome 1 démarre en 1956 alors que Céleste et Odilon, son mari, reçoivent à leur domicile des antiquaires spécialisés dans la vente d'objets ayant appartenu à de grands noms. La vue de la fameuse cafetière proustienne déclenche le récit des événements qui ont conduit à la rencontre entre Céleste et Marcel Proust. Par l'entremise de son mari, chauffeur de taxi dont Proust est un client régulier, ce dernier l'emploie dans un premier temps comme courrière, puis la guerre ayant mobilisé son majordome, elle devient sa domestique, les après-midis d'abord, puis à temps plein, son rôle étant essentiellement d'assurer sa tranquillité et son café.

J'ai eu beaucoup de mal avec le personnage de Proust dans ce tome, avec ses manies et ses exigences d'enfant gâté et souffreteux, un pur assisté qui ne supporte aucun bruit ni aucune odeur et qui passe son temps au lit (certes à travailler et certes, invalidé par son asthme), à tel point que cela a affecté mon plaisir de lecture.

"Ici, on ne déplace pas un grain de poussière sans ma permission. Mon asthme, comprenez-vous. J'ai la phrase longue, mais le souffle court. Ha ! Ha !"

Par ailleurs, sa relation avec Céleste en était encore à ses débuts et sans force particulière ni événement majeur pour que j'en sois touchée d'une quelconque manière. Au fil des pages, on voit pourtant les liens se tisser entre eux et Céleste avait bien du mérite à être aussi dévouée, mais je ne lui trouvais pas une personnalité marquante, ni attachante. J'ai bien aimé toutefois le côté "choc des cultures" entre "le gratin et les prolos", alors que Céleste découvre la bonne société et doit apprendre à adapter son comportement et sa façon de parler. Il y avait des scènes amusantes, instructives aussi sur l'époque (comme le téléphonage^^) et j'ai trouvé ça intéressant de voir l'oeuvre de Proust prendre forme au fil des mois et des années.

J'ai lu ce tome sans déplaisir, mais un peu dans l'attente de quelque chose, et j'avais le sentiment d'être assez extérieure à ce qui se déroulait. 
Cette première partie se termine sur une brouille (une histoire de mouchoir...) entre Proust et Céleste qui décide de le quitter.


Tome 2 - IL EST TEMPS, MONSIEUR PROUST

Bien sûr, déjà à ce moment-là, Proust ne peut survivre sans Céleste. Il la supplie donc de revenir, ce qu'elle fait en posant ses conditions. Elle devient gouvernante et exige que sa soeur, Marie, la rejoigne pour l'aider dans ses tâches. C'est à partir de là que j'ai commencé à respecter Céleste et surtout à la trouver intéressante.^^ 

"Ce n'est pas le luxe en soi qui me manquait, mais plutôt une forme de délicatesse, une certaine classe, pas seulement dans les manières..."

Cette seconde partie m'a paru aussi beaucoup plus intéressante d'un coup et m'a franchement enthousiasmée. Céleste s'affirme, son caractère se révèle davantage et elle en a. Proust est toujours cet enfant terrible, mais aussi un enfant génial, "son petit Shéhérazade ingrat". Elle a compris le personnage et ses besoins, et même s'il l'agace parfois, souvent même, elle ne peut s'empêcher de l'admirer et de ressentir une véritable affection pour lui. 

"J'en étais sûre, tu t'es fait proustifier. Je l'ai fréquenté l'animal. Il t'emberlificote dans ses mots. C'est comme si on était englué dans du miel. On s'en rend même pas compte. On le sert, nuit et jour, on est épuisé, mais ses mots vous anesthésient le cerveau."

Leurs liens se resserrent au fil des épreuves. Leur drôle de couple parvient à un certain équilibre où chacun y trouve son compte. Plus qu'une gouvernante, elle devient sa confidente, son amie et aussi une grande source d'inspiration avec sa soeur.

J'ai vraiment beaucoup aimé ce tome qui m'a semblé avoir plus de caractère que le précédent et avec le recul, les deux tomes ensemble, l'un n'allant pas sans l'autre, ou plutôt, l'ensemble formant un tout. 
Chloé Cruchaudet a vraiment réussi à mettre en scène avec brio cette relation évolutive qui a fini par m'émouvoir véritablement et j'ai encore une fois été séduite par le graphisme et ses couleurs qui servent la narration avec un réel sens de l'à-propos. Le tout ne manque pas d'humour, ce qui ne gâche rien.

Quelques moments marquants :
Les pages relatives au Goncourt (j'ai beaucoup aimé ces pages et bien ri des critiques littéraires) :
"... 7 à 800 pages, sur rien, pour rien, avec rien.
Pas une idée, un sentiment, pas une sensation ; des velléités ; une incroyable et terrifiante masturbation intellectuelle."

Conversation entre les deux soeurs :
"- À mon avis, la seule chose qui pourra l'apaiser, c'est finir son bazar.
- Comment ça s'appelle déjà ?
- "À la recherche du temps perdu..."
- Pfff... S'il rangeait ses affaires, aussi...
- Hi ! Hi ! T'es bête..."

LC autour de Céleste Albaret avec Claudialucia.

Lu dans le cadre du challenge

24 commentaires:

  1. A découvrir donc pour Céleste plutôt que pour Marcel... tu me donnes envie.

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    1. Pour Marcel, il vaut mieux le découvrir à travers sa Recherche, je crois.^^

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  2. Oh mais oui, j'ai lu le 1 (beaucoup aimé, pas de billet ^_^) et il va falloir trouver le 2. Vraiment excellent!

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    1. J'ai failli ne faire de billet que pour le 1, mais j'ai réussi à mettre la main sur le 2 quelques jours plus tard. J'ai bien fait d'avoir lu les deux tomes à la suite parce que mon avis sur le premier était plutôt mitigé et ça aurait été dommage de s'arrêter là.

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  3. J'ai essayé de me motiver pour lire Proust dans le cadre du challenge organisé par Claudialucia mais je n'y arrive pas. Du coup, je note cette BD qui pourrait me faire entrer dans son univers par une porte dérobée. J'adore l'expression "se faire proustifier" !

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    1. Aaah on ne se fait pas proustifier à la demande.;) On y vient quand on sent que c'est le bon moment, je crois. Sans être exigeant, ça demande quand même une certaine disponibilité d'esprit. Et les BD sont en effet une bonne solution pour ce challenge.^^

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  4. J'ai lu Céleste parlant de Proust, tu as lu Céleste vue par Cruchaudet, la jeune femme devenant personnage dans la BD, deux points de vue différents mais qui se complètent. Effectivement, elle ne manque pas de caractère, Céleste, et elle sait se faire respecter ! Mais elle a été prise d'amour et d'admiration pour son monsieur Proust, aussi, comme elle le dit, elle a été prisonnière mais prisonnière volontaire ! Quant à Marcel Proust , c'était un tyran mais un tyran qui ne manquait pas de charme et de brio et qui la respectait et avait de l'amitié pour elle. C'est vrai que Proust fut un enfant gâté et un adulte assez riche pour se permettre toutes ces précautions et ces manies mais il faut savoir qu'à cette époque, l'asthme ne se soignait pas comme maintenant ! C'est encore une maladie grave mais lui risquait sa peau à chaque crise ! J'ajoute un lien vers ton billet dans mon blog.

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    1. Pour avoir eu des crises d'asthme sans être équipée, c'est vrai que c'est particulièrement inconfortable et handicapant, ça n'aide pas à l'altruisme et ça peut vous achever un homme. C'est fou d'ailleurs de se dire que malgré tout, il a réussi à écrire sa Recherche. Mais bon, son attitude et son ego n'engagent pas vraiment la sympathie non plus. Je trouve que Céleste a eu bien du mérite à lui être restée dévouée jusqu'au bout, mais bon, elle a été "proustifiée", comme elle dit.^^
      La Céleste vue par Cruchaudet me semble être une adaptation BD de ses souvenirs recueillis par Georges Belmont, entre autres sources, mais ton livre doit être plus complet et détaillé, je pense. Plus éclairant aussi sur leur relation.

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  5. Je ne suis pas une grande amie de Marcel et garde un très mauvais souvenir de ma lecture de "A l'ombre des jeunes filles en fleurs" au Lycée mais ce que tu dis de cette BD est tentant. Les deux tomes sont d'ailleurs dispos dans 7 (!) bibliothèques du réseau des BM de ma ville... A suivre?

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    1. Cette BD permet d'approcher Marcel sans trop de heurts.^^ Ça ne te réconciliera peut-être pas avec le personnage ni avec son oeuvre, mais ça l'éclaire un petit peu plus.

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  6. Ces deux tomes me font de l'oeil à la bib depuis un moment... j'attends qu'ils soient dispo et surtout, de ne plus avoir d'autres BD en emprunt au pied de mon lit ! Et me voilà prévenue d'une possible déception pour le 1er tome !

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    1. En réalité, je n'étais pas très étonnée d'être restée sur ma faim à la fin du tome 1 dans la mesure où je savais que cette BD était un diptyque. C'est comme s'arrêter au milieu d'un livre et s'en faire un jugement. J'ai préféré attendre d'avoir lu le tome 2 pour m'en faire une réelle opinion. Et j'ai bien fait.:)

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  7. Proust est un véritable garnement dans ce dyptique (et il l'était sûrement dans la vie), mais il est attachant aussi et il me l'a rendu moins intimidant! Il y a plein de belles trouvailles visuelles, j'ai trouvé.

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    1. Un garnement, c'est le mot ! 😆 Oui, c'est vrai, il y avait plein de belles trouvailles visuelles. J'ai remarqué que chez Chloé Cruchaudet, ses choix graphiques (et de couleurs) étaient rarement gratuits. Ils sont toujours signifiants et complètent à merveille le texte.

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  8. J'ai adoré le premier tome alors je languis !! Très hâte de mettre la main sur ce 2e...

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    1. Le tome 2 devrait te ravir encore davantage !:)

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  9. J'avais beaucoup aimé ces deux tomes : les couleurs, le graphisme...

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    1. Oui, une très belle réussite à ce niveau-là et le scénario n'est pas en reste.

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  10. miriam panigel14 mai, 2024

    Je mettrai le lien dans la récapitulation!

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  11. miriam panigel15 mai, 2024

    Et si tu veux écouter Céleste Albaret en vrai, c'est possible sur les podcast de La Grande Traversée (FranceCulture) "Céleste Albaret chez monsieur Proust il y a 5 épisodes chacun d'un peu plus d'une heure

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    1. Aaah merci pour le tuyau ! Je suis toujours à la recherche de bons podcasts en plus.

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  12. Je viens justement de lire le second tome, j'ai encore beaucoup aimé. Cruchaudet est vraiment talentueuse. Et il faut bien préciser qu'on n'a pas besoin d'aimer Proust pour apprécier cet ouvrage.

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    1. Tu as bien raison. Ce serait terrible s'il fallait avoir lu et aimer Proust pour profiter de cette lecture.^^

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