BOOK TRIPS

AUTEURS ET THÈMES PAR PAYS

vendredi 3 mai 2024

RU


Ça faisait un moment que je voulais découvrir la plume de Kim Thúy, autrice québécoise d'origine vietnamienne, et Ru est un de ses livres que j'ai souvent vu commenté avec le plus d'enthousiasme, encore récemment chez Fabienne.
Je ne m'attendais toutefois pas à ce que ce soit un récit autobiographique. Ce n'est pas ce que je préfère habituellement, même si, quel meilleur point de vue que l'expérience personnelle d'un auteur pour raconter son pays d'origine, son exil, son identité double, des thématiques qui, pour le coup, me parlaient.
Est-ce que cela a nui à ma lecture ? Du tout.

Au début, c'est assez chronologique. On suit bien, l'écriture est agréable, assez savoureuse même, l'autrice ne tergiverse pas, la tragédie de son histoire s'égrène dès les premières lignes : sa naissance à Saigon pendant l'offensive du Têt, l'arrivée du communisme dans le Sud-Vietnam, la fuite avec d'autres boat people alors qu'elle n'a que 10 ans, l'internement dans un camp de réfugiés en Malaisie puis son arrivée au Québec avec les premières difficultés d'adaptation entre le froid, la langue, le mode de vie... Le tout est restitué avec juste ce qu'il faut de recul et de distance et, encore mieux, de touches d'humour bienvenues.

Une fois adulte, le récit s'éparpille en bribes et en fragments surgissant au fil de sa cohérence émotive, mélangeant les temporalités, naviguant (book trip en mer ? 😆) entre le passé et le présent, nous ramenant dans son enfance dorée à Saigon, nous propulsant au Vietnam des années plus tard alors qu'elle y retourne, nous réancrant subitement au Québec. C'était un peu déstabilisant par moment cette impression de récit décousu. On croit embarquer sur une période de la vie de l'autrice et on bifurque sur une autre période, sans trop de transition, mais cela reflète bien la difficulté de la nécessaire reconstruction de son histoire et par extension, de sa propre personne.

L'image la plus juste de ce récit est fournie par l'autrice elle-même :
"J'aime le cuir rouge du divan d'un bar sur lequel j'ose me mettre à nu auprès d'amis, et parfois d'inconnus, à leur insu. Je leur raconte des bribes de mon passé comme si elles étaient des historiettes, des numéros d'humoriste ou des contes cocasses de pays lointain aux décors exotiques, aux sons insolites, aux personnages parodiques."

J'ai beaucoup aimé les chapitres courts, qui défilent comme des instantanés et se concluent souvent sur une chute délicieuse, voire sur la parfaite conclusion. C'est un récit rythmé, plein de vie, empreint d'ironie et dérision, qui essaime plein d'observations très intéressantes et des remarques très pertinentes tout le long. Il y a également de nombreuses anecdotes truculentes, comme ces soutiens-gorge qu'un inspecteur communiste (qui n'en avait jamais vu) a pris pour des filtres à café dans la maison de ses parents à Saigon. 😆

C'est un récit plein de fraîcheur qui m'a tout de même un peu perdue par moment avec cette narration par bribes, mélangeant les temporalités, mais au final, ça reste une belle expérience de lecture d'un texte qui fait davantage appel à la mémoire des émotions qu'à celle des faits.

Extrait
"Un des vendeurs a donné en prime un chandail rouge à gros col roulé à mon père. Il l'a porté fièrement chaque jour de notre premier printemps au Québec. Aujourd'hui, son grand sourire sur la photo réussit à faire oublier la coupe cintrée de ce chandail pour femme. Il est préférable de ne pas tout savoir, parfois."

Lu dans le cadre des

Intègre le Défi lecture 2024 (14/30/100) => catégorie 15 (titre qui n'est pas écrit à l'horizontal sur la couverture).

L'autrice
Kim Thúy, née en 1968 à Saigon, quitte le Vietnam avec d'autres boat people à l'âge de dix ans. Installée à Montréal, elle exerce différents métiers - couturière, interprète, avocate, restauratrice - avant de se consacrer à l'écriture. En 2010, Ru devient un best-seller en France et au Québec.

28 commentaires:

  1. Je lis peu de récit autobiographique mais celui-semble intéressant autant sur le fond que la forme. Le ton semble également des plus entraînants !

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    1. Oui, et entre le Vietnam et le Québec, c'est plutôt agréablement dépaysant.:)

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  2. Je l'ai lu il y a longtemps, merci pour ton rappel.

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    1. J'aurais dû le lire aussi vers la même époque, je pense. Il n'est jamais trop tard finalement.:)

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  3. Je l'ai lu il y a un certain temps et j'avais beaucoup aimé.

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  4. J'ai lu ce roman il y a longtemps. Je me souviens de l'avoir beaucoup apprécié mais c'est à peu près tout. Je ne me rappelle plus trop de l'intrigue. Je pense en tout cas que je lirai un autre roman avec plaisir de Kim Thúy.

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    1. Oui, ce récit par bribes et fragments ne laisse pas vraiment la place à une intrigue dont on retiendrait une ligne directrice. D'ailleurs, j'avoue qu'en rédigeant mon billet (quelques semaines après ma lecture), j'ai dû relire le résumé pour que les grandes lignes me reviennent en mémoire.^^

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  5. C'est peut-être un récit autobiographique mais ça a l'air d'avoir un forme un peu particulière, décousue... J'avais lu "Vi" de la même autrice (elle aime les titres courts !).
    Merci pour cette nouvelle participation !

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    1. Vi, Man, Ru, Em... C'est clair qu'elle aime les titres courts.^^ Oui, la forme est assez intéressante finalement et malgré cet effet de récit décousu, elle ne nuit pas au fond.

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  6. Je l'ai lu il y a un sacré moment, et ce titre ne m'avait pas convaincue, mais pour sa défense, je venais de découvrir une autrice vietnamienne magistrale avec Terre des oublis, Duong Thu Huong. je ne sais pas si tu connais ?

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    1. Oui, je l'ai lu, il n'y a pas si longtemps d'ailleurs, mais j'en garde le souvenir d'une lecture assez mitigée. J'avais apprécié l'écriture, mais l'intrigue était peut-être trop tragique pour une lecture de Noël.^^

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  7. Lu en 2010, je ne m'en souviens plus très bien, mais j'avais eu un vrai coup de coeur... et je n'ai pas relu l'autrice depuis... vous avez dit Bizarre ?

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    1. J'en ai quelques-uns comme ça, des auteurs dont j'avais plus qu'apprécié un livre et que je n'ai pourtant pas relus par la suite. Oui, c'est bizarre.^^

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  8. Oh oui c'est une auteure que je veux lire....la tu me donnes encore plus envie....il faudrait un temps a rallonge pour tout lire...pucha....

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    1. Ce livre-ci est vraiment très court. À peine 200 pages, de mémoire.^^

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  9. Comme je le disais à Fabienne, j'ai déjà lu un roman de Kim Thuy mais je ne sais plus duquel il s'agissait. Vu ce que tu dis de celui-ci, ça s'explique par la forme adoptée. J'en ai donc un souvenir très, très flou mais agréable ;-D Et vos billets donnent envie de s'y replonger.

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    1. Pour beaucoup de livres (surtout si lus il y a un moment), il ne me reste que des impressions très globales, voire de plus en plus floues à mesure que le temps passe. Heureusement, les billets sont des mémos de lecture formidables.^^

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  10. PHILIPPE05 mai, 2024

    Je commence à me méfier des (auto)biographies car, plusieurs fois, j'ai trouvé que l'histoire n'intéressait que les proches de l'auteur. Celui-ci a quand même l'air intéressant...

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    1. Je ne suis pas très autobiographie non plus, davantage parce que souvent, c'est trop intime ou personnel pour m'atteindre, mais quand ça sert une sorte de devoir de mémoire comme ici, il y a en effet un intérêt en tant que lecteur.

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  11. J'étais persuadé de l'avoir lu, mais en fait non. Je le (re)note.

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  12. Ton dernier paragraphe me fait dire que je préfère passer, trop peur d'être un peu trop perdue, pas assez tenu par un fil chronologique.

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    1. C'est en effet un récit non linéaire qui pourrait dérouter, mais comme à la base ça se rapproche davantage de mémoires que de romans à intrigue classique (début-milieu-fin), ça reste très cohérent.

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  13. Si toi, tu es perdue, mes difficultés de concentration du moment ne vont pas m'aider... Je passe.

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    1. Bon, je n'étais pas complètement larguée non plus^^, mais c'est vrai que si on veut bien suivre et comprendre son histoire, sa trajectoire, ça demande parfois un peu plus d'attention que pour un récit linéaire.:)

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  14. Il est vrai que cette narration non linéaire qui revient par bribes parfois vraiment très courtes sur son passé et son présent peut être déstabilisant. Je pense d'ailleurs que ce qu'il me restera de ce récit ne seront pas les faits en tant que tels mais les émotions parfois très fortes que j'ai ressenties à sa lecture.

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    1. Oui, c'est ça, plus que les faits, ce sont les émotions et nos ressentis qui nous restent, mais c'est peut-être encore plus fort.

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