MOCKINGBIRD

( L'OISEAU MOQUEUR

ou L'OISEAU D'AMÉRIQUE dans une précédente édition)

C'est Le Jeu de la dame adapté en mini-série par Netflix il y a quatre ans qui m'a fait découvrir l'auteur, Walter Tevis. En cours de lecture, je n'ai pas résisté à la curiosité de ses autres oeuvres et j'ai ainsi repéré Mockingbird, un roman dystopique qui a été nommé pour les prix Locus et Nebula du meilleur roman en 1981. Plutôt bon signe.

Publié en Folio SF il y a près de 20 ans sous le titre L'Oiseau d'Amérique, Gallmeister (qui a du nez^^) (et on ne va pas s'en plaindre) l'a réédité en 2021 sous le titre L'Oiseau moqueur.

J'ai trouvé la comparaison de l'angle de présentation des deux éditions assez amusante. Juste un court extrait de chacune.

La première : "Un robot capable de souffrir, un couple qui redécouvre l'amour à travers les mots, est-ce là que réside l'ultime espoir de l'homme ?"

La deuxième : "Livres, films et sentiments sont interdits depuis des générations. [...] Jusqu'au jour où Paul, jeune homme solitaire, apprend à lire grâce à un vieil enregistrement. Désorienté, il contacte le plus sophistiqué des robots jamais conçus : Spofforth, qui dirige le monde depuis l'université de New York. Spofforth se servira-t-il de cette découverte pour aider l'humanité ou la perdre définitivement ?"

J'ai laissé un peu plus de contexte dans ce dernier extrait pour en donner l'idée sans trop m'étendre. Nous plongeons ici en plein 25e siècle dans un monde désenchanté où l'homme a pour mot d'ordre, "Pas de questions, détends-toi" (en anglais, "don't ask - relax", je trouve que ça claque mieux^^). "L'humanité s'éteint doucement, abreuvée de tranquillisants prescrits en masse par les robots qu'elle a elle-même programmés à cette fin." 

Spofforth, notre robot sophistiqué, s'ennuie royalement dans ce monde en déclin au milieu d'une humanité moribonde, et s'il pouvait se suicider, il le ferait volontiers. Aussi quand Paul Bentley le contacte pour lui faire part de sa découverte, son intérêt s'éveille. Il l'encourage alors à poursuivre son apprentissage de la lecture à travers des films muets de siècles passés. Un autre monde, une autre façon de vivre et de penser s'ouvre alors à Paul au fur et à mesure qu'il progresse dans la lecture grâce aux rares livres qu'il finit par réussir à dénicher. Bientôt, il fera la connaissance de Mary Lou, une marginale particulièrement rebelle (la seule vraisemblablement dans cette société) qui refuse ce monde mécanisé et qui voudra apprendre à lire, elle aussi.

J'ai beaucoup aimé l'idée de l'intrigue et les réflexions qu'elle soulève. Ce monde sans livres et sans personne qui ne sache plus lire, c'était juste😱! La mort de la curiosité intellectuelle en quelque sorte. J'étais entre effarée et diablement amusée qu'on puisse un jour se demander, "C'est quoi, un livre ?" ou qu'une personne s'étonne, "Quoi, tu sais... lire ??" 😆 L'auteur a su rendre cette situation terriblement réaliste et si cela m'a quelque peu glacée par moment, j'ai vraiment aimé l'originalité de ce contexte.

Au-delà, ce qui transpire de ce monde, c'est la solitude des êtres. Ils n'ont d'ailleurs pas le droit d'interagir entre eux. Adresser la parole à un inconnu ou le regarder un peu trop longtemps constituerait une violation de la vie privée. Un robot sera toujours là pour vous rappeler à l'ordre. Là encore, ça donne lieu à des situations assez drôles tant elles sont absurdes, mais inquiétantes aussi. Toutes ces lois restrictives ne sont toutefois pas vécues comme contraignantes ni remises en question, les gens aspirant de toute façon à la tranquillité. Souvenez-vous : don't ask - relax.

J'ai bien adhéré à cette intrigue insolite et imaginative qui suscite nombre de réflexions passionnantes, en revanche, le personnage principal, Paul, m'a manqué d'un peu de fantaisie et l'ambiance était un peu trop sérieuse, déprimante même parfois (ben, monde sans livres, quoi 😆, désenchanté, dystopique, traversé d'un spleen puissant). Il y a toutefois plus "d'action" qu'on ne le penserait et des rebondissements assez inattendus qui rendent cette intrigue plus surprenante qu'on ne s'y attendrait et j'ai bien aimé ce vers quoi tendait l'histoire en fin de compte (mais chut) ainsi que son dénouement. J'ai trouvé la fin triste et belle à la fois.

Intègre le Défi lecture 2024 (17/30/100) => catégorie 72 (un livre qui a pour thème la solitude).