Après Fawcett, l'explorateur britannique disparu dans la jungle amazonienne en 1925, chouchou Grann s'intéresse aux expéditions polaires et en particulier à Henry Worsley (ci-contre), Britannique lui aussi, qui, en 2015, caresse l'idée farfelue de traverser l'Antarctique (continent plus large que l'Europe, rappelons-le) de part en part en passant par le pôle Sud, à pied, seul et sans assistance (!!!). Ben, mais pourquoi donc ? serait-on en droit de se demander. Bah, parce que ça n'avait jamais été accompli, pardi, quelle question !
Son héros et mentor, l'explorateur polaire Ernest Shackleton, avait justement échoué dans cette entreprise un siècle plus tôt. Parti à bord de l'Endurance en 1914 avec tout un équipage et le projet d'une traversée transantarctique, il est contraint de l'abandonner quand le bateau se retrouve pris au piège des glaces de l'Antarctique, finit par couler, et que la priorité était de sauver les membres de l'équipage.
Worsley se met donc en tête d'accomplir cet exploit qui reste le dernier grand voyage polaire qui puisse être fait en termes d'aventure. À pied, en tractant seul 160 kg de vivres sur la banquise, parfois en montée, sans assistance, avec le risque permanent de tomber dans une crevasse et, dans le froid polaire, de perdre tous ses doigts et orteils même en étant bien équipé. Où est le fun dans l'histoire ? Mystère. Bon, on est aventurier ou on ne l'est pas et Worsley a tout de même de l'expérience derrière lui, déjà grâce à sa formation militaire qui l'a soumis à des entraînements physiques intensifs, mais il a aussi mené à bien une expédition pour atteindre le pôle Sud, en petite équipe de trois personnes cette fois-là. À 55 ans et à la retraite, c'est un peu la dernière occasion pour lui de vivre une telle aventure et de réussir cette traversée.
David Grann consacre quelques pages à Shackleton qui a fortement influencé le destin de Worsley (conseil : ne laissez pas traîner des récits d'explorateurs à portée d'enfants, ça pourrait leur donner des idées 😱). Ça tombait bien car j'ai ainsi pu découvrir un peu cet explorateur polaire dont je ne connaissais pas grand-chose, sa personnalité de meneur d'hommes et ses expéditions, dont celle quelque peu tragique de l'Endurance. Grann ne s'étend pas plus que nécessaire mais c'était assez complet et instructif (avec photos à l'appui, ça, c'était top !) pour que je m'épargne la lecture de L'Odyssée de l'Endurance de Shackleton que j'avais vaguement en projet. Aventures maritimes, oui, mais moins expéditions polaires, j'avoue. Les banquises, de la glace à perte de vue, un froid saisissant, ce sont moins mes éléments.^^
Si, au début du 20e siècle, on ne pouvait atteindre l'Antarctique que par bateau (et difficilement, avec tous les risques que ça implique, naufrages & co), les expéditions polaires au 21e siècle sont plus coolos. Déjà on vous dépose en avion (bien sûr, il faut que le temps s'y prête, il y a de violents blizzards dans le coin), ensuite vous êtes équipés d'un téléphone pour pouvoir maintenir le contact avec le monde, la famille en particulier, mais aussi avec les opérateurs de l'ALE (Antarctic Logistics & Expeditions) qui, sans nouvelle de votre part au bout de deux jours, vous enverront un avion de secours. Mais le grand luxe, c'est de pouvoir écouter votre musique préférée pendant votre trek grâce à vos iPods. Bon, l'aventure n'en reste pas moins dangereuse, juste un poil plus confortable (à peine plus quand même 🥶).
C'est fascinant ces expéditions polaires, surtout ces hommes en mal d'aventures qui s'infligent toutes ces épreuves (au nom de quoi, on se le demande constamment en étant témoin tout le long des souffrances autant physiques que mentales de Worsley), mais j'aime moins Grann dans la veine biographique, comme je m'en suis déjà rendu compte avec La Cité perdue de Z. Enfin, ce n'est pas Grann que j'aime moins^^, c'est l'aspect biographique, quand il se focalise sur la vie et le destin d'un homme. Certes, il en tire toujours des portraits fascinants, mais je préfère quand il enquête sur une affaire historique, comme dans La Note américaine ou Les Naufragés du Wager.
J'ai en tout cas davantage apprécié cette lecture que je ne m'y attendais. Déjà, je ne me suis pas perdue au milieu de la banquise comme je m'étais perdue dans la jungle avec Fawcett.^^
C'est un récit court, qui se lit vite, mais ça reste très consistant et source de nombreuses réflexions hallucinées (et d'énervements pour ma part) (pourquoi, mais pourquoi diantre cette détermination insensée ?! Pourquoi s'être embarqué seul dans cette aventure ? Pourquoi persister alors que la souffrance est telle que le plaisir n'y est clairement plus ?).
J'ai beaucoup aimé l'intégration de nombreuses photos de l'époque de Shackleton et de celle de Worsley (qui les prend d'ailleurs, celles prises de loin en particulier ??? Ils sont seuls ou ils ne sont pas seuls ?) qui permettent de se rendre compte de la folie difficulté de ces expéditions.
La phrase de conclusion, tirée du livre :
"Within defeat there can still be triumph - the triumph of survival itself."
C'est ton chouchou qui te fait cet effet? Tu es particulièrement en forme pour parler du bouquin, et surtout des expéditions polaires.
RépondreSupprimerJ'ai aussi fort aimé les photos. Une idée : certaines photos de loin pourraient avoir été prises lors de l'expédition à trois?
En tout cas, pas envie trainer là-bas... Coolos de nos jours, tu dis? ^_^
Je n'ai pas osé l'insérer dans le book trip, oui oui il y a des morceaux Shackleton, mais? Bref, c'est toi qui décide. Si oui, j'ajoute le logo et 3 points (yes!)
Oui, c'est vrai, j'étais très inspirée sur le coup. L'air polaire m'aura rafraîchi les idées, même si à distance, depuis mon canapé.^^ Pour les photos, je ne sais pas. Il n'y a pas que celles où ils sont 3 qui m'interrogent. Et je ne traînerais pas par là-bas non plus. En plus il n'y a aucune faune, aucune occasion de s'exclamer "ooh, un pingouin !" ou "han, ces magnifiques paysages !" Franchement, c'est une expédition de la loose à notre époque.^^ Mais clairement plus coolos qu'au temps de Shackleton où ils étaient bien moins équipés pour ce type d'aventures.
SupprimerSinon, oui, j'ai confirmé chez toi aussi. Ça intègre bien le book trip en mer - même si "sur le fil", comme je l'ai précisé dans mon billet, car ce n'est pas la thématique principale - en raison des pages sur Shacktelon et ses expéditions en bateau, dont l'Endurance. Pour moi, c'est un parfait ouvrage introductif sur le sujet.
OKOK j'arrive à 69 points... Prochain billet book trip, c'est le top! (ben oui il est prêt... ^_^)
SupprimerJe lis, je blogue avait proposé (pour rigoler) la création d'un grade d'experte es cetacea suite à ma lecture de Moby Dick. Je vais la prendre au mot et le rajouter pour 80 points.^^ Peut-être as-tu encore quelques livres sous le coude pour l'atteindre d'ici novembre, haha ! Ce n'est pas impossible non plus pour moi.;)
SupprimerLà ça va pas être possible, c'est comme le pompon du manège ou la date de la retraite, ça s'éloigne toujours! ^_^ Bon, OK j'ai encore deux lectures prêtes mais pour 80 je m'essouffle. Ou alors la BD, j'ai des idées.
SupprimerAhaha, ça s'éloigne pas cette fois-ci. C'est juste que comme tu as déjà atteint le grade ultime (d'ici un billet si j'ai bien suivi), il n'y avait plus de grade pour célébrer tes points supplémentaires éventuels d'ici novembre. Mais je ne vais pas officialiser l'ajout d'un grade pour 80 points pour l'instant. C'est juste au cas où l'une de nous deux les atteindrait, je ne suis pas à cours de grade.^^
SupprimerEn grande peureuse et frileuse, j'admire le courage de ces personnes capables d'une telle expédition même si comme toi, je me demande pourquoi se lancer dans une aventure aussi dangereuse. J'imagine que l'envie de se dépasser peut pousser à bien des choses... Je ne me serais pas tournée vers ce livre mais comme il est court et ne semble jamais ennuyeux, me voilà dorénavant tentée !
RépondreSupprimerJe peux comprendre l'envie de se dépasser, de vivre des aventures, mais je me dis qu'il y a des limites tout de même. J'ai un peu de mal à "admirer le courage" de ces gens qui le font quand même pour le plaisir et se prouver des choses. Un peu par orgueil, en fait. Ils n'y sont pas contre leur gré, suite à un accident, à devoir lutter pour leur survie dans des conditions extrêmes. Mais bon, ces personnes restent fascinantes malgré tout, probablement parce que, justement, on a du mal à les comprendre.
SupprimerC'est toujours un plaisir de lire tes recensions. J'ai souri à plusieurs reprises grâce à tes remarques sur ce type d'expédition. Comme toi, j'aime moins le Grann des biographies et j'ai préféré La Note américaine ou Les Naufragés du Wager. Mais j'ai quand même passé un très bon moment de lecture.
RépondreSupprimerJe pense que c'était soit l'humour, soit l'énervement qui dominait le ton de mon billet. J'ai opté pour l'humour car je m'étais déjà assez énervée en cours de lecture^^ (le dernier chapitre, quand on le voit persister alors qu'il était clair qu'il fallait lâcher l'affaire, rhaaaa).
SupprimerJe suis très intéressé ! David Grann... Le titre est dans ma chère bibli. Merci.
RépondreSupprimerAvec plaisir ! Très curieuse d'un avis supplémentaire.:)
SupprimerJ'avais été un poil déçue par ce livre par rapport à La note américaine, je dois comme toi préférer les enquêtes moins centrées sur un seul personnage... Et puis toute cette souffrance inutile !
RépondreSupprimerToute cette souffrance inutile, comme tu dis... C'était franchement rageant par moment. Mais bon, c'est le personnage, pas Grann, qui est en cause. C'est sûr qu'on préfère lire des livres comme La note américaine. J'attends d'ailleurs avec impatience le prochain Grann où il déterrerait un fait historique méconnu, un peu scandaleux.^^
SupprimerOh, je le rajoute au Booktrip en mer ?
RépondreSupprimerJ'ai bien aimé le récit, mais comme tu le dis, pourquoi s'infliger ça. Et puis j'ai trouvé ça bien trop court.
Je ne sais pas si j'aurais supporté des pages supplémentaires de souffrance^^, mais il aurait peut-être pu s'étendre un peu sur Shackleton. Quoique, en réalité, je trouve que c'était bien équilibré ainsi.
SupprimerOui, comme je l'ai confirmé à Keisha plus haut, c'est intégré au book trip en mer.:)
J'adore les histoires d'humains en proie à des éléments extrêmes/déchaînés mais plutôt quand ils n'ont pas choisi de s'y exposer. J'ai trop peu d'empathie quand c'est un choix... Il serait intéressant de faire des études psychologiques de ce genre de personnages : j'imagine que leur mépris du danger doit venir de quelque part (pourquoi pas une histoire génétique puisqu'on retrouve 3 descendants d'explorateurs dans une de ces expéditions?). Ou alors, comme en très haute altitude, ils finissent par ne plus avoir toutes leurs capacités mentales s'ils sont trop exposés au froid, au blanc de la neige, etc. et perdent leur faculté de jugement ? Bref, cet aspect là m'intéresserait assez ... les détails de leur expédition, moins.
RépondreSupprimerCe sont en effet des questions qu'on ne peut s'empêcher de se poser en cours de lecture. Il y a quelques pistes dans le récit, mais mes déductions relèvent surtout de la psychologie de comptoir.^^ Le cas de Worsley était quand même très particulier. Il a eu le malheur (enfin, lui ne l'a pas vécu comme ça) de tomber sur des récits sur Shackleton enfant, dans la bibliothèque de son père il me semble, et petit à petit, sa fascination pour cet homme et ses expéditions a viré à l'obsession... Son histoire est assez tragique quand on y pense, mais je te rejoins dans ton peu d'empathie dans ces cas de figure.^^ Ma réponse à Audrey va dans ce sens.
Supprimerah Shackleton est assez connu au Chili, il a ete sauve par un bateau chilien justement....en tout cas cela devrait etre passionnant a lire....bon je ne te dirais pas qu'un certain auteur en parle d'une expedition dans le froid (mais le nord) d'ailleurs c'est un de mes livres favoris et il pourrait rentrer dans ton Booktrip en mer....;)
RépondreSupprimerAhaha, je me demandais justement si tu allais encore me dire que Julo avait (bien évidemment) déjà écrit sur les expéditions polaires.^^ Bon, j'ai eu ma dose de froid avec ce livre et en plus, ça y est, l'été est vraiment fini par ici et on le sent.^^
SupprimerOui Julo est partout partout partout.....et bin alors je ne te le conseille pas car lala tu es dans le froid total....ici c'est le printemps...et il fait froid...yesss
SupprimerVous avez froid aussi au Chili en ce moment ? Bon, au moins ça ne peut aller qu'en se réchauffant.^^ Ici, c'est parti pour quelques mois de froid.:( Oui, une expédition polaire max par an, c'est déjà bien assez.;)
SupprimerOui c'est la mise en place du printemps...froid le matin...chaud l'apres-midi....yeheee....bon courage pour votre hiver...tiens je vais le supporter cette annee...lol
SupprimerAh mais s'il fait chaud l'après-midi, ça va.^^ Bon, ici, ça va encore. Il fait fraichou, ce n'est pas insupportable. Ou ça y est, on s'y est habitués, haha !
SupprimerPour en savoir plus, il existe un film d'époque sur l'expédition de Shackleton.
RépondreSupprimerAh oui ?? J'avais sauvegardé dans mes favoris un podcast sur son expédition à écouter plus tard, mais ton film d'époque m'intéresse encore plus. Je vais essayer de trouver ça, merci !
SupprimerMême si aujourd'hui les expéditions sont plus cools comme tu le relèves avec humour, les conditions de vie en Antarctique restent difficiles et c'est bien vrai qu'à cette époque c'était forcément pire !! Bon je viens de lire les chroniques de tes co-lectrices et ma foi vous me donnez bien envie de découvrir cette expédition !
RépondreSupprimerAh c'est sûr que je n'irais pas m'installer en Antarctique et je ne rêve même pas de voir en vrai ses paysages de glace, même si certaines photos dans le livre sont assez impressionnantes.^^ Je m'en contenterai, haha !
SupprimerMalgré vos avis positifs à toutes, je ne suis toujours pas attirée par ce récit. Suis trop frileuse :-(
RépondreSupprimer'Suis trop frileux ET paresseux, moi...
Supprimer(s) ta d loi du cine, "squatter" chez dasola
@Aifelle, je te comprends. Grann retranscrit tellement bien le froid polaire qu'on le ressent comme si on y était.:)
Supprimer@ta d loi du cine, de son canapé, la traversée n'est pas trop fatiguante.^^
SupprimerBrrrr... je ne crois pas que je lirai ce genre d'aventure... mais j'aime beaucoup ton billet !
RépondreSupprimerMerci.:) J'avoue que si ça n'avait pas été David Grann aux commandes, ce n'est pas dit que je me serais lancée de si tôt dans cette lecture.
SupprimerJ'ai lu récemment un livre de Jean Louis Etienne sur ses périples en Arctique et Antarctique. Impressionnant.
RépondreSupprimerAh oui, les deux pôles carrément ! Il y en a qui n'ont pas froid aux yeux, haha !
SupprimerPeu de pages, et tous les billets que j'ai lus à son sujet ( David se répand comme une trainée de poudre, ou de neige) sur la blogo sont élogieux. Donc pourquoi pas. Il y a environ 25 ou 30 ans, côté expé polaires, j'avais lu Jean Louis Etienne... Si ça te donne des idées !!!
RépondreSupprimerC'est drôle que tu en parles. Je suis justement tombée sur un de ses livres en passant à la librairie aujourd'hui.^^ Et c'est vrai que mon chouchou est bien apprécié sur la blogo.^^
SupprimerJ'adore ton billet et je suis plus qu'intriguée !
RépondreSupprimerMerci !:) Très curieuse de ton avis si tu le lis.
SupprimerChouchou Grann ! Moi aussi il est mon chouchou depuis le Wager ! J'aime bien quand ce sont les autres qui s'imposent des trucs pas possibles dans la glace et la neige surtout si je suis bien au chaud sous la couette !
RépondreSupprimerAhaha ! C'est l'esprit quand on lit ce genre de récit.
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