APRÈS LA FAIM DU MONDE
Un récit post-apérolyptique
Repéré par hasard au détour d'une librairie, c'est le titre qui m'a interpellée. Un récit qui évoque la nourriture, c'est forcément pour moi.^^ Le jeu de mots du sous-titre laissait aussi imaginer une sorte de parodie du genre post-apo, ou du post-apo quelque peu expérimental et particulièrement inventif (autour du thème de la nourriture, rappelons-le^^).
J'étais encore plus curieuse de cet ouvrage lorsque j'ai réalisé que l'autrice, Ketty Steward, n'était non pas américaine ou anglaise, mais bien française, et plus précisément martiniquaise. Une femme, française, antillaise, qui écrit de la SF qui semble sortir des sentiers battus, catégorie OLNI même (😅), ça fait beaucoup d'étiquettes que l'autrice n'approuvera probablement pas que je lui accole, mais c'est tellement rare dans le milieu de la SF que ça force l'attention, qu'on le veuille ou non.
Un bref coup d'oeil à la quatrième de couv pour m'assurer tout de même que c'était bien susceptible de me plaire :
"Après la faim du monde, la France est devenue le Foodistan. Les anciennes divisions sociales ont disparu, désormais remplacées par des régimes alimentaires : panivores, capacivores, pastavores... Chacun de ces régimes façonne ses propres mythes, sa propre langue, ses propres coutumes, ses propres recettes. [...]"
Je me suis arrêtée là dans ma lecture du résumé, le livre étant assez court pour que je préfère découvrir la suite en le lisant.
Verdict : Parodie ? Pas vraiment. Je parlerais plutôt de croisement entre la SF et l'Oulipo (enfin, c'est mon ressenti), une rencontre savamment orchestrée par l'autrice et particulièrement réussie, où on sent qu'elle s'est bien amusée dans sa composition. Plaisir partagé à la lecture.
Ça peut toutefois être un peu ardu à lire par moment parce qu'il faut se déconditionner de notre schéma de pensées et d'expressions de l'Ancien Monde (le nôtre) pour s'adapter à la langue plus "gourmande" du nouveau, post-apoca post-apérolyptique donc. Pour faire court, celui-ci est survenu après la crise cerise sanitaire du début des années 2020 av. F. (avant la Faim).
Quelques exemples : on ne parle plus de "couches de la société", mais de "couches de la satiété", on lit des phrases du type, "La Grande Faim a été l'occasion de repanser les principes de production alimentaire [...]", en réfrénant son envie de hurler à la coquille, et les salutations dans ce nouveau monde se font ainsi :
"Bonjour. Je suis Julienne Meunier. Comment mangez-vous ?
- Bien, je vous remercie. À l'ancienne, mais sans abattre personne. Et vous ?"
Mon avis Goodreads
Surprenant ! La langue "gourmande" déployée par l'autrice est particulièrement originale et ne peut que susciter l'admiration pour autant d'inventivité. Au niveau de l'intrigue, je suis restée un peu sur ma "faim" (c'est le cas de le dire^^), mais je n'aurais pas dû m'attendre à ce qu'il y en ait une (de fin), façon classique du moins. C'est un assemblage de tant de choses, entre micro-nouvelles, extraits de textes classiques divers, recettes, que l'autrice a tissées entre elles en y greffant un semblant de fil conducteur, mais l'essentiel est ailleurs. C'est plutôt l'exploration d'un monde qui aurait pu s'arrêter d'être et d'un autre qui aurait pu être, le tout basé sur l'industrie alimentaire et notre rapport à la nourriture, tout en jouant avec la langue et les idées, et en égratignant les travers de notre société actuelle. Tout un programme.^^
Publié aux éditions Argyll que je découvre ici.
En fouinant un peu dans sa bibliographie, j'ai découvert que Ketty Steward avait publié Le Futur au pluriel : réparer la science-fiction, un essai qui m'intéresse fortement, mais qui est épuisé et semble introuvable, même d'occasion. 😭 En faisant des recherches, je suis tout de même tombée sur ce podcast qui en parle, avec, en bonus, une interview de l'autrice. Je vais devoir m'en contenter, je pense, mais je me réjouis de son existence.
L'autrice
Ketty Steward, née en 1976 en Martinique, est une écrivaine française. Poétesse, romancière, nouvelliste, ses textes appartiennent aux genres réaliste, fantastique et de science-fiction.
Je crois que je me lasserais rapidement de ces jeux de mots...
RépondreSupprimerC'est vrai que ça demande une certaine souplesse d'esprit 😆, mais on n'a pas de distorsion des mots toutes les deux lignes non plus, ça reste tout à fait lisible et c'est assez court pour qu'on ne finisse pas par se lasser.;)
SupprimerElle coche toutes les cases, dis donc (tes labels). Ma bibli ne propose qu'une nouvelle dans un recueil..;
RépondreSupprimerOui, elle a écrit pas mal de nouvelles. Elle a une bibliographie assez conséquente d'ailleurs, de ce fait. Je m'étonne de ne la découvrir que maintenant.
SupprimerSuper intriguant ! Moi qui ne lis jamais de SF et qui me suis lassée du genre post apocalyptique, me voilà ferrée par les quelques échantillons que tu donnes de cette langue !
RépondreSupprimerC'est une expérience de lecture, plus qu'une lecture de roman SF/post-apo, et elle peut dérouter, mais si les quelques extraits t'ont ferrée, il y a de bonnes chances que tu l'apprécies.:)
SupprimerOriginal, dis donc...
RépondreSupprimerC'est le mot.:)
SupprimerIntéressant mais inconnu dans mes bibliothèques. C'est récent ?
RépondreSupprimer(la question Comment mangez-vous ? m'amuse, elle renvoie directement à Comment allez-vous ? qui veut dire... exactement le contraire...)
C'est paru fin 2024 et c'est une petite maison d'édition relativement jeune. C'est peut-être un peu tôt pour les biblis en effet.
SupprimerAaah dans la manière de l'autrice de jouer avec la langue, il y a de belles trouvailles, mais aussi quelques facilités, il faut l'admettre.:)
J'imagine qu'on peut saluer l'originalité de ce texte mais ça ne me donne envie de le lire pour autant. J'ai peut-être tort de ne pas vouloir sortir de ma zone de confort.
RépondreSupprimerOh ben non, il faut lire ce qu'on a envie de lire. Moi, ce livre m'a appelée et j'ai su qu'il était fait pour moi, pour les multiples raisons évoquées plus haut, mais je conçois que l'appel ne soit pas entendu de tous.;)
SupprimerMa bibliothèque ne connaît pas non plus. Je ne sais pas si j'aurais accroché à un tel roman, mais ça ne m'aurait pas déplu d'essayer.
RépondreSupprimerComme je le disais plus haut en commentaire, c'est une expérience de lecture. On y adhère ou pas. J'avoue que j'aurais été curieuse de savoir dans quel camp tu te serais située.:)
SupprimerOui je dirais pourquoi pas...a voir en tout cas....;)
RépondreSupprimerC'est la bonne attitude.:)
SupprimerEn lisant ton avis, je me suis dit que ça devait être bien original et inventif. Une lecture à tenter !
RépondreSupprimerOriginal et inventif, ça l'est sans problème. À tenter en effet si tu en as l'occasion.
SupprimerC'est très intrigant ! J'adore les jeux de mots mais je ne sais pas si j'arriverai à m'immerger dans un roman qui applique de manière aussi poussée le concept... Je pencherai peut-être plutôt pour un emprunt :)
RépondreSupprimerÇa a le mérite d'être assez jusqu'au boutiste en effet, mais c'est assez équilibré pour qu'on ne sature pas. Je pense que ce qui dérouterait les lecteurs, ce n'est pas tant la langue, qui reste très lisible et fluide, mais plutôt la structure, à mi-chemin entre le roman et le recueil de nouvelles, recettes et autres textes.
SupprimerOriginal en effet mais inconnu de mes deux médiathèques...J'aime en principe les jeux de mots mais je me demande moi aussi si je ne vais m'en lasser. A voir donc, je le note tout de même
RépondreSupprimerC'est plus une transposition de concepts qui permet un jeu de miroir avec notre société actuelle, que des jeux de mots à tout-va, juste pour le plaisir d'en faire, mais je comprends ton inquiétude.;)
SupprimerJ'adore l'idée d'un roman post-aperolyptique 😃, mais comme d'autres ici, les jeux de mots risqueraient de me lasser assez vite, et sans doute plus encore la structure hybride. Mais c'est toujours très enrichissant de découvrir des auteurs par les billets comme le tien, même si on ne lit pas le roman concerné !
RépondreSupprimerOui, j'ai l'impression d'être plus aventurière que la plupart ici. 😆 Mais je n'ai pas résisté à la curiosité d'un récit post-apérolyptique.^^ Et ma foi, j'en suis ressortie sans tournis ni gueule de bois.;)
SupprimerJ'aimerais au moins y jeter un coup d'oeil, j'adore le principe mais je ne suis pas sûre de tenir sur la durée...
RépondreSupprimerUne durée de 100 pages, je dis ça je dis rien.;)
SupprimerAlors là, je passe tout de suite...
RépondreSupprimerPhilippe ? 😆
SupprimerAh ben moi, ça m'ouvre l'appétit littéraire et me donne envie de me mettre à table ! Bref, bien tentée !
RépondreSupprimerTu m'as l'air dans une bonne disposition d'esprit pour apprécier ce livre en effet.^^ En tout cas, tu sauras apprécier les métaphores filées, c'est certain !;)
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