vendredi 15 juillet 2016

CETTE NUIT, JE L'AI VUE


CETTE NUIT, JE L'AI VUE

traduit du slovène par Andrée Lück-Gaye

Il y avait quelque chose d'étrangement envoûtant dans ce titre et cette couverture, je n'ai donc pas résisté longtemps à la découverte de ce roman qui me permettait en plus de rajouter la Slovénie dans mes étagères.

"Cette nuit, je l'ai vue comme si elle était vivante." Le récit s'ouvre d'emblée sur une phrase quelque peu énigmatique - "Qui est-elle ? Est-elle vraiment morte ? Dans quelle circonstances ? Et le narrateur ?" - et en même temps installe une atmosphère un peu fantasmagorique teintée d'une certaine poésie mélancolique, de celle qui charme et touche simplement. J'ai trouvé cette atmosphère très plaisante, agréable, propre à émouvoir, mais sans effusion.

Ce qui m'a un peu chagrinée, c'est le contexte du récit que j'ai découvert sur le tas, la seconde guerre mondiale, et qui a quelque peu refroidi mon enthousiasme de départ. C'est que ça fait un moment que je suis saturée par les récits de guerre, en particulier la seconde. Le fait que le point de vue s'ancre cette fois dans l'ex-Yougoslavie a quelque peu changé la donne, car j'avoue que de ce côté-là du monde, c'est un peu flou pour moi, et j'ai bien senti qu'il me manquait quelques connaissances sur cette région où on parlait à la fois des Serbes, des Slovènes et des Croates, moi qui ne pensais avoir affaire qu'aux Slovènes. Bref, ce fut un peu compliqué pour moi de démêler les enjeux et les relations politiques sur ce territoire à cette époque, mais pas inintéressant.

Ceci dit, l'intérêt principal de ce roman était cette femme, Veronika Zarnik, l'absente omniprésente précisément par son absence, rendue insoutenablement énigmatique par sa disparition avec Leo, son mari, ce soir de janvier 1944. Un couple bourgeois apprécié de leur entourage bien qu'ils soient peu conventionnels pour l'époque. J'ai particulièrement aimé la personnalité de cette femme excentrique, têtue, éprise de liberté et un brin capricieuse, qui ne manque pourtant pas de grandeur d'âme ni de courage.
Une femme dont la personnalité et l'histoire se dévoilent au fur et à mesure des souvenirs de cinq personnages qui l'ont connue : un officier serbe, l'amant improbable, la mère déjà veuve, un médecin allemand, la gouvernante du manoir, un ouvrier partisan. Une touchante évocation mêlant, suivant chacun, amours, regrets, sens du devoir, patriotisme, sentiments de culpabilité et questionnement sur des choix individuels, qui met en lumière des destins de vie bousculés par l'Histoire et restitue ainsi la tragédie de l'époque.

J'ai beaucoup aimé la façon dont le récit a été développé à travers la voix de ces cinq narrateurs qui nous permettent de retracer au fur et à mesure les événements, donnant des airs d'enquête à ce récit, maintenant le mystère et laissant le doute jusqu'à la toute fin sur le sort de cette femme.

J'ai toutefois été personnellement un peu déçue par la fin que j'espérais peut-être attention SPOILER plus clémente, plus happy ending, moins réaliste en somme.

LC Auteur avec Sandrine, Ingannmic.

L'auteur
Drago Jancar est né en 1948 à Maribor, en Slovénie. Opposé au régime communiste et à ses gouvernants, il connaît la prison. Scénariste, puis éditeur, il est considéré comme le plus grand écrivain slovène d'aujourd'hui.

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Slovénie => 15/28

14 commentaires:

  1. Tes réserves touchent du doigt ce qui fait souvent mon point d'achoppement avec ces lectures lointaines, très lointaines, autant dire presque d'un autre monde. J'ai des lacunes concernant le contexte historique de certains pays qui peuvent être préjudiciables à la compréhension globale. Parfois, une ou deux pages Wikipédia pallient mes défaillances, mais pas toujours. D'autant plus que ces auteurs parlent de leur pays, de la situation politique que souvent ils dénoncent ou d'un point historique qu'ils mettent en lumière...

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    1. Haha, je rigole en te lisant, surtout à la mention des pages Wikipédia, parce que moi, c'est tout à fait ça pour ces pays dont nous ne maîtrisons pas la géopolitique ou l'histoire. À un moment dans ma lecture, une petite mise au point s'impose et ça passe par Wiki.:-) Mais bon, ce qui est bien avec ces romans, c'est que justement, ça nous instruit un peu sur ce qui se passe ou s'est passé au loin, de façon plus agréable et accessible que si on devait compter uniquement sur les pages Wiki pour combler nos lacunes.;-)

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  2. Le seul roman dispo à la bibli, mais bon, je ne voulais pas m'y lancer là en vitesse...

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    1. Bon, s'il est à la bib', déjà ça veut dire que quand l'envie t'en prendra, il sera à portée de main.;-)

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  3. Franchement je n'ai pas trouvé que le contexte soit difficile à comprendre au point d'être gênant...pour moi un très bon souvenir de lecture de l'année dernière, découvert grâce à Maryline qui etait dithyrambique :-)
    Dis donc ton spoiler est tombé à la trappe ? ;-)

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    1. Non, pas difficile à comprendre ni forcément gênant, mais j'aime bien connaître très précisément et clairement le contexte historique d'un récit, et pour l'ex-Yougoslavie de l'époque, j'avoue que pour moi, tout ça était un peu flou.;-)
      Pour le spoiler, je l'ai masqué en blanc exprès pour qu'on ne puisse pas le lire au premier coup d'oeil.;-) Pour le voir, il faut sélectionner la ligne.

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  4. Tu ne débordes pas d'enthousiasme mais ça pourrait quand même drôlement m'intéresser.

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    1. Pas un coup de coeur mais la découverte d'un auteur très intéressant. Je pense que ça pourrait bien être ton créneau, oui.:)

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  5. Eh bien, moi, je ne l'ai pas vue !
    Je ne connais pas du tout ce bouquin. L'auteur non plus d'ailleurs. Je suis allé en Slovénie l'année dernière mais je ne l'ai pas rencontré ! Lol.

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    1. Ahahaha ! Hé ben tu auras vu la Slovénie !:-) Bonne semaine.

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  6. Merci pour le lien. Comme Mior, je n'ai pas été gênée par le contexte, bien que totalement ignorante de l'histoire de la Slovénie. J'ai failli moi aussi ouvrir Wikipédia au début, et puis j'ai trouvé que l'on finissait par bien appréhender la situation, une fois que chaque narrateur s'est exprimé. Et puis j'ai beaucoup aimé l'écriture de l'auteur, que tu qualifies justement d'envoutante.

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    1. C'est sûr, on peut toujours se passer d'approfondir ses connaissances sur un contexte historique ou un sujet abordé dans un roman, ce dernier se suffisant souvent à lui-même, mais pour moi, ici, ne connaissant pas vraiment l'histoire personnelle de l'auteur, ni son regard sur l'histoire et la situation de son pays, ça me semblait nécessaire de fouiller plus loin. Ça fait partie de mon processus de lecture en général cette recherche, ce besoin de compléter ce qui me semble flou ou enrichirait ma lecture d'un texte.;-) Surtout quand il s'agit d'un roman et non de la non-fiction, parce que ça me permet d'ancrer le récit dans une réalité historique "fiable", sachant que, dans un roman, elle peut être approximative, simplifiée, voire volontairement revisitée, ou n'être présentée que selon un seul point de vue.
      Oui, une écriture sobre, sans fanfares, mais étrangement envoûtante, ça m'a vraiment marquée ça.:-)

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  7. Très belle couverture en effet. Bon de toutes façons, moi, dès qu'il y a un coco... Si j'ai bien compris, l'histoire n'a cependant rien à voir avec un noble destrier mais ça me semble quand même assez prometteur. Si en plus je peux rafraichir mes connaissances sur l'Ex-Yougoslavie...

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    1. Si si, il y a bien un cheval dans l'histoire.;-) Il est d'ailleurs l'élément déclencheur d'une rencontre improbable mais je n'en dirai pas plus.;-) Je pense que ce roman pourrait te plaire, oui.:-)

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