lundi 27 novembre 2017

CE QUE TIENT TA MAIN DROITE T'APPARTIENT


CE QUE TIENT TA MAIN DROITE T'APPARTIENT

J'avais tellement aimé le précédent roman de Pascal Manoukian, Les Échoués, que c'est quasi les yeux fermés que je me suis lancée dans celui-ci, complètement confiante dans son talent de conteur et convaincue que mon plaisir de lecture serait au moins équivalent.
Je n'avais donc aucune idée de la thématique et ce fut là ma première douleur. J'ignorais que l'auteur allait nous amener au coeur même de Daech. Ah si j'avais su... C'est un des sujets qui me fatigue et me crispe à la seule mention à la télé ou autres médias. Il y a eu une période où les reportages remontant les filières de Daech s'enchaînaient, exposant la facilité des recrutements des candidats au suicide sur Internet, celle de leurs allers-retours Europe/Syrie via la Turquie sans véritable contrôle aux frontières, les aspirations et la bêtise de ces âmes perdues, leur formation sur place, et au bout du deuxième reportage, j'en avais eu ma dose. Tellement glauques et déprimants comme états de fait...

Et là, je me retrouvais embarquée de nouveau très précisément dans ce type de reportage maquillé en roman sous la plume de Manoukian. C'était mal parti donc, mais comme j'avais déjà entamé le quart du livre, je me devais de poursuivre. Ceci dit, par moment, j'avais vraiment eu envie de lâcher l'affaire...

... parce qu'il n'y avait pas que la thématique qui était en cause. Deuxième douleur, le style de l'auteur que j'avais beaucoup aimé dans Les Échoués m'a un peu irritée ici, et même beaucoup au fur et à mesure de ma lecture. En fait, les quelques bémols que j'avais soulignés pour ce roman (un trop plein de bons sentiments par moment, les heureux hasards, les facilités d'auteur, le mélo, pour résumer) m'ont semblé décuplés ici, à en être écoeurant. Il y avait un excès de doucereux aussi, assez pénible à traverser, les visages sont doux, le regard est doux, les peaux sont douces, même le ventre, dans "la moite douceur de ton ventre" quand un des personnages pense à l'enfant dans le ventre de sa femme...

Pour resituer rapidement le contexte, Karim perd sa femme Charlotte, enceinte de leur premier enfant, dans un attentat-suicide en plein Paris. Désespéré, il n'a plus en tête que remonter les filières de Daech pour mettre fin à ces absurdités qui brisent des vies. Pour cela, il se fait passer lui-même pour un candidat au suicide, se fait recruter via Facebook et part à l'assaut des cerveaux de Daech en Syrie.

Rien que là, on voit que c'est hautement improbable et chargé comme intrigue, même si l'ambition est louable, celle d'analyser le pourquoi du comment de toute cette barbarie et d'exposer l'organisation de Daech. Le problème, c'est que j'avais déjà vu des reportages à ce sujet, je n'avais pas envie de revivre tout cela, ni n'en attendais de véritables révélations.
J'ai trouvé bien vu, ceci dit, l'analogie que l'auteur fait avec la téléréalité. Les candidats au suicide dont on lessive vite fait bien fait le cerveau s'engagent dans une sorte de jeu sordide et débile pour paumés qui cherchent reconnaissance, gloire, et place dans la société. Pascal Manoukian expose très bien tous ces aspects.

Ce qui m'a beaucoup gênée aussi, c'est que je trouvais qu'il abusait un peu des paroles pleines de sagesse, le genre qui enfoncent des portes ouvertes, et qu'il était un peu trop dans les codes du conte, sans parler des effets tire-larmes ou tire-joie. Tout était too much, pour faire bref. Ça avait bien pris pour moi avec le premier roman, mais là...
Et puis, par moment aussi, je trouvais que le récit sonnait aussi faux, superficiel, maladroit et inadéquat dans le ton que la traduction des paroles d'une chanson anglaise. Je prends l'exemple suivant puisque c'est quasi l'hymne qu'il a choisi pour son roman : 

"Ce soir, je me sens vivant. Je vais mettre le monde à l'envers. Je flotte tout autour en extase. Ne m'arrêtez pas tout de suite. Laissez-moi m'amuser."
Franchement, essayez de chanter ces paroles sur l'air du fameux "Don't Stop Me Now" de Queen, vous comprendrez tout de suite ce que je veux dire.

Mon avis Goodreads :
2/5. Très partagée. Davantage un 2,5 qu'un 2 mais je ne voulais pas mettre 3 étoiles. Cela n'aurait pas reflété mon (dé)plaisir de lecture.

LC avec Ingannmic.

20 commentaires:

  1. Je vous rejoins tout à fait. J'avais acheté ce livre encensé sur d'autres blogs et je l'ai trouvé, comme vous, très décevant. C'est en effet truffé de phrases "doucereuses". Le scénario n'est pas crédible.
    Je dédicaçais samedi et j'en ai profité pour feuilleter quelques récents prix littéraire. Cela n'a été qu'un survol, c'est vrai, mais je suis tombé, dans pas mal de cas, sur des paragraphes assez creux et même sur des mots à mon sens inappropriés...
    Autant dire que votre critique aujourd'hui me fait du bien : il y a donc encore des gens qui résistent à l'emballement médiatique et exigent mieux de la littérature qu'un ramassis de choses faciles.
    Merci !
    Jean-François Mézil

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    1. Bon, je ne détiens pas non plus la palme du meilleur goût ou du raffinement en matière de goût mais il est vrai qu'avec tous les livres qui nous sont passés entre les mains, on devient forcément plus exigeant pour les suivants, surtout quand on a connu de vrais grands moments de lectures. Mes avis restent toutefois très subjectifs et personnels. Quand je n'ai pas apprécié un livre ou que je n'y ai pas trouvé mon compte, je conçois que d'autres puissent le trouver au contraire formidable. Question de goûts...

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  2. Je n'ai lu ni le premier ni celui-ci, en fait je préfère les documents aux trucs 'romancés', et de plus j'évite certains thèmes. Je sais, pas bien, l'autruche , tout ça, pourtant je réussis tout de même à me tenir au courant.
    Je viens de terminer hier soir Les passeurs de livres de Daraya, oui, la Syrie, mais là c'est du document.

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    1. Je préfère aussi les documents ou témoignages pour ces thèmes-là. Encore que, franchement, après en avoir vu/lu/entendu un ou deux, je trouve que c'est largement suffisant. Je parle très précisément de ces histoires de recrutement et de formation sur place, et de tous ces actes barbares face auxquels on se sent terriblement démunis.
      Ton livre me semble encore différent. Thématique Syrie mais abordée sous une autre perspective. Je guetterai ton billet mais mon bouclier anti-PAL est très solide en ce moment.;-)

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  3. J'ai l'impression que tu es encore plus sévère que moi, mais c'est peut-être parce Les échoués m'avait déjà bien agacée et que du coup, je partais avec moins d'attentes et d'espoirs !! Trop d'incohérences, de raccourcis, et puis on a l'impression de lire le manuel du bine et du mal pour les Nuls...
    J'ai fait deux tentatives avec cet auteur, on ne m'y reprendra pas...

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    1. Oui, je partais surtout confiante dans la lecture de ce nouveau roman vu que j'avais vraiment apprécié Les échoués, mais l'auteur m'a tellement déçue ici que je me suis demandée comment j'ai pu être aussi enthousiaste pour son premier roman. Bon, la thématique était autre, j'ai aimé ce voyage multiculturel, j'ai peut-être été aveuglée par la fraîcheur de ce premier roman. Tu me trouves sévère mais si je n'avais pas lu et aimé Les échoués, je pense que j'aurais été encore plus dure, haha ! La comparaison avec Coelho m'a même effleuré l'esprit mais ça fait tellement longtemps que j'ai lu son Alchimiste que je n'étais pas très sûre de mes impressions. Bref, moi non plus, on ne m'y reprendra plus...

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  4. Les échoués est dans ma PAL. J'espère que ça me plaira quand même ;-) Il me semble que tu n'es pas le premier avis négatif que je lis sur ce second roman... C'est un tournant un eu casse-gueule pour un auteur, non ?

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    1. L'auteur est journaliste grand reporter. Il a couvert plusieurs grands conflits il y a plusieurs années. Ça me semble assez cohérent qu'il continue de s'intéresser à ces sujets d'actualité un peu brûlants qui font l'actualité en les explorant à travers ses romans, même si effectivement, ce sont des sujets casse-gueule. J'ai bien adhéré au premier, et beaucoup moins au deuxième. Je ne retenterai pas une troisième fois. Force m'est de constater que son style en est arrivé à m'agacer...
      Curieuse de ton avis sur Les échoués. Je n'ose plus m'avancer à confirmer que tu seras charmée par ce roman toi aussi.^^

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  5. on est pareil. J'ai adoré Les Echoués qui pourrait même être un des livres qui a changé ma vie comme dirait Busnel... mais ce thème-là me file la gerbe, désolée - mais pour moi ce n'est pas un thème de roman. Je suis contente d'avoir lu ton avis parce que j'hésitais encore un peu ... plus maintenant:) !!

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    1. Ah oui, effectivement, si ce thème te file la gerbe, passe ton chemin et reste sur le bon souvenir des Échoués.;-) C'est ce que j'aurais dû faire.

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  6. Oui, je comprends très bien ce que tu veux dire !!!
    Ne jamais traduire littéralement les chansons anglophones, cela nous parait ensuite tellement niais !
    Bref, pour cette raison et toutes les autres que tu as citées, ce ne saisirait jamais ce livre, ni de ma main gauche, ni de ma main droite ! Ahah, elle est bonne celle là ! Cela faisait longtemps que je n'avais autant été en forme sur un commentaire !!!

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    1. Ahaha, la très grande forme même, l'inspiration au sommet !^^
      Oui, voilà, tu as bien saisi ce que je voulais dire. Niais, décalé, ça colle pas, quoi.

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  7. C'est un sujet vraiment très à la mode en littérature et ailleurs ! La seconde guerre mondiale aussi a l'air de "reprendre du poil de la bête". J'en ai un peu marre de tout ça !
    Comme quoi un auteur qu'on a apprécié peut aussi nous décevoir.
    Bonne semaine.

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    1. Voilà, des fois on en a un peu notre dose parce qu'on nous matraque un peu avec tout ça aussi. Et puis, oui, des fois ça fait effet de mode. Un autre sujet brûlant survient, et hop, c'est comme si les précédents n'existaient plus. Et puis quand on a fait le tour, on revient au sujet brûlant délaissé... Et tout ça, ça ne nous fait pas du bien au moral. Même s'il ne faut pas oublier, même s'il ne sert à rien à de faire l'autruche, on n'est pas obligé de s'infliger ça tous les jours non plus.
      Bref, et sinon oui, belle conclusion.^^ Mais là je suis tellement déçue que je n'y reviendrai pas. Bonne semaine.:-)

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  8. Je suis comme toi par rapport à ce sujet de plus en plus traité en littérature. Et je suis comme toi par rapport au premier roman de l'auteur que j'avais adoré.
    Mais contrairement à toi je savais de quoi celui-ci parlait et je l'avais donc rayé d'emblée de ma LAL. J'ai bien fait in dirait :)

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    1. Le pire, c'est que je pense que j'ai dû voir le sujet au moment des premiers billets, mais comme j'étais restée sur ma bonne impression du premier roman, la thématique était secondaire. Ne m'importait que la confirmation que le suivant était aussi bon ou non.
      Enfin bon, au moins maintenant, je ne tressauterai plus d'envie au prochain Manoukian. C'est déjà ça en moins pour la PAL.;-)

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  9. ha ba bravo maintenant j'ai la chanson de Queen dans la tête!! c'est dommage moi je l'ai beaucoup aimé ce roman, c'est d'ailleurs avec celui-ci que j'ai commencé. J'avais trouvé les propos assez percutants, mais peut-être aussi parce que je n'ai pas regardé de reportages sur le sujet, trop dur, trop flippant aussi. Du coup j'ai été touchée par ce roman, même si je reconnais que tout s'y passe un peu trop facilement.

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    1. Ton com' tombe bien ! Je recherchais justement les billets des blogueurs conquis par ce roman et je ne me souvenais plus de ceux qui l'avaient lu. Je viens de relire ton billet et je vois que tu as eu le même enthousiasme que moi pour le premier. Oui, peut-être que quand on "découvre" le sujet, on est gagné par une impression de fraîcheur à travers le style de l'auteur et sa façon de raconter les événements qui touche le lecteur d'une certaine manière. Mais les facilités d'auteur, au bout d'un moment...

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  10. Oh la la un peu trop too much pour moi aussi ! ^^
    Je n’ai pas de mal avec les romans un peu dur et les histoires sombres, mais je ressens bien à te lire que le style est lourd, mal analysé, pénible, pleurnichard et ça ça ne me plait pas du tout.
    On est quel jour aujourd'hui? Oui Oui! Ça s'en vient!!!! (chapeau pointu et serpentin ^^)
    SMACKKKKKKKKK

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    1. C'était davantage un peu trop léger dans le traitement que lourd, c'est ce qui m'a vraiment dérangée. Et puis, le côté "tout le monde a un bon fond", "tout le monde aspire au bonheur à la base", on voit du doux partout, même dans la folie, la bêtise et l'horreur, c'est vraiment pénible, oui.
      Chapeau pointu et serpentin, ouiiiiiiiiii !!^^ Haha !
      Big smaaaaacks !

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