vendredi 16 octobre 2009

RIDES


RIDES

traduit de l'espagnol (Espagne) par Carole Ratcliff

Une BD qui ne paie pas de mine comme ça, extérieurement, et qui est pourtant d'une grande richesse tout en évoquant avec une extrême simplicité un sujet rarement traité en BD en thème principal: la vieillesse dans nos sociétés.
Un très bel hommage à ces personnes dont on parle assez peu, et pour cause, elles sont reléguées par leur famille dans ces "mouroirs" que sont les maisons de retraite, parfois oubliées là-bas, laissées aux bons soins des autres en se disant que c'est mieux ainsi.

L'auteur, Paco Roca, a compilé là des histoires liées à la vieillesse, inspirées d'anecdotes racontées par son entourage au sujet de leurs proches, et récoltées également en maisons de retraite qu'il visitait longuement pour s'imprégner du mode de vie des personnes âgées et de l'atmosphère des lieux.

Le sujet est extrêmement bien traité, en quelques mots, en quelques images, alternant entre triste et drôle. L'histoire évolue autour d'Ernest qui souffre de la maladie d'Alzheimer et qui doit se résigner à ce nouvel environnement qu'est la maison de retraite, vécu comme une épreuve. Il ne se reconnaît pas dans la déchéance des autres et pourtant devra composer bon gré mal gré avec ses nouveaux compagnons, atteints de sénilité pour la plupart.

Univers terriblement touchant, les personnages sont attachants, drôles malgré eux, les dessins sont d'une grande sobriété mais rendent parfaitement bien ce que peuvent vivre et ressentir ces personnes. Ce que ça doit être terrible de se sentir comme un rebut de la société, désigné vieux et inutile, d'en être conscient, et d'essayer malgré tout de se composer une certaine dignité pour se donner le sentiment d'exister encore.

J'ai vraiment beaucoup aimé cette lecture, malgré le thème qui, je ne pensais pas, me toucherait ainsi. J'ai trouvé cette BD vraiment rafraîchissante, avec assez d'humour, de bonne humeur et de légèreté dans le ton pour divertir le lecteur, sans toutefois masquer la tragique réalité du sort des personnes âgées dans nos sociétés.

À savoir qu'un film d'animation adapté de cette BD par Ignacio Ferrerasfue est prévu pour bientôt.

Un grand merci à Keisha pour cette découverte car franchement, elle n'en aurait pas glissé un mot par ici en en parlant comme d'un incontournable, pas sûr que je me précipitais dessus en le trouvant en librairie ou à la bib'!

12 commentaires:

  1. Globalement d'accord sur cette bd qui est une petite merveille.

    Juste un point, tout de même...
    Une maison de retraite n'est pas forcément un mouroir. Certaines sont mal tenues, avec du personnel incompétent, ou fatigué, ou brimé. Mais d'autres sont aussi des lieux de vie agréable.
    Placer une personne chère en maison de retraite n'est pas un choix facile, mais il n'est pas toujours aisé de fournir l'énorme attention que peut necessiter une personne âgée. Certains décident d'assumer un véritable sacerdoce chez eux, et ne parviennent qu'à se fatiguer ou à s'aigrir.

    Il n'y a pas de bon choix par principe.

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    1. Oui c'est sûr, le choix n'est aisé pour personne, certaines décisions viennent de l'absence de choix d'ailleurs, et tout ce que tu dis est très vrai, mais bon, ça me frappe quand même que quand le sujet est évoqué en général (dans les films, les romans, autour de soi, etc), on a plus l'impression d'un abandon, voire d'une trahison des proches, ressentie par ces personnes âgées.
      Bon sinon, je parle de mouroir surtout dans le sens où l'on n'en sort pas vivant une fois rentré dedans, c'est une terrible évidence (j'ai rajouté des guillemets pour ne pas heurter les sensibilités car j'admets que ça a une connotation péjorative ).

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  2. Une BD à lire, oui... Contente qu'elle t'ait plu, même si tu es sans doute loin de ces préoccupations là.
    Dans ma petite ville il existe deux structures, la maison de retraite, où les gens sont assez valides, mais la moyenne d'âge est élevée (>80 je pense). J'y ai une tante (grand tante?) de 94 ans, qui y est à sa demande (un pépin de santé chez elle l'a rendue prudente), elle est bien dans sa tête, tricote, lit, et quand je lui ai dit qu'elle pourrait s'intéresser à internet, n'a pas dit non... Hélas tous ne sont pas aussi intellectuellement valides, et beaucoup attendent juste que le temps passe. Ce n'est pas une mauvaise maison de retraite, le personnel est bien, il y a des animations, et même possibilité d'aller à la bibliothèque ou au marché de la ville.
    Mais! Il existe aussi l'équivalent du deuxième étage du bouquin, à savoir l'hôpital et son "long séjour". S'y retrouvent des personnes ayant juste des problèmes de santé physique, qui s'intéressent à ce qui se passe, etc... et des personnes moins bien côté tête, et là c'est dur. Alzheimer, etc..., on sait bien que si on y entre, c'est pour le reste de la vie...Ces personnes sont souvent excessivement touchantes, désireuses d'affection, de contact.
    Mon père y a passé 3 ans (ma mère ne pouvait plus le garder à la maison... je respecte sa décision), à un moment de mieux on a espéré le voir revenir, mais non...
    Je cite aussi ce qu'un médecin a dit à une amie dont la mère souffrait d'Alzheimer, et qui voulait la garder à la maison : j'ai une malade, je préfère ne pas en avoir deux. Finalement mon amie a vraiment accompagné sa mère qui était en maison spécialisée, la voyant tous les jours, etc...
    Sujet difficile, magnifiquement traité dans cette BD, et qui sera un jour d'actualité pour chacun de nous. Chacun se demande que ferai-je dans ce cas là, si un proche est malade?

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    1. Ouf, plus vraiment très loin de ces préoccupations dans le sens où j'arrive à un âge où j'ai l'impression que la vie passe à une vitesse effrayante et qu'autour de moi, les aînés de ma famille ou les parents d'amis commencent tous sérieusement à décliner un par un avec les maladies qui attaquent de plus en plus tôt et la fin de la vie active qui est une réalité pour la plupart. C'est quand je les entends que ça fait flipper car ça renvoie forcément à soi, au temps qui passe, et qu'on se dit, ces gens sur qui on s'appuyait plus jeunes, ben maintenant c'est fini, et même c'est à notre tour de les aider dans la mesure de nos possibilités.
      Pas évident ce dernier point, c'est sûr, moralement déjà, car c'est dur de voir les gens qu'on aime péricliter, et encore une fois, ça nous renvoie à nous, et s'en occuper au quotidien, avec nos propres vies à gérer, ça peut vite virer au cauchemar. En ce sens, c'est bien que ces structures existent à partir du moment où tout le monde y trouve son compte sans trop de souffrance, surtout en cas de maladies qui doivent vraiment être suivies cliniquement et qu'on ne peut assumer tout seul.
      Maintenant je connais très peu, voire quasi pas, de gens qui iraient de leur plein gré en maison de retraite aussi l'histoire de ta tante m'épate! La plupart associe cela vraiment à la fin et même à une humiliation.
      J'ai vu le cas de l'amie d'une amie, souffrant d'Alzheimer et d'autres maladies (83 ans), sans famille, du coup c'est mon amie qui devait s'en occuper (elle l'avait toujours considérée comme une deuxième mère). C'était vraiment lourd pour elle, voire insupportable au bout d'un moment, et elle a tout fait pour la mettre en maison spécialisée. C'était un vrai déchirement accompagné de mauvaise conscience mais le poids était tel qu'elle ne pouvait faire autrement. Pour la vieille dame, ça a été comme une trahison qu'elle a très mal vécue mais apparemment elle s'est résignée maintenant, un peu comme Ernest dans la BD d'ailleurs.
      Dur dur tout ça en effet et cette BD fait le tour du sujet de façon admirable, avec pudeur mais sans masquer la réalité, j'ai vraiment apprécié!

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    2. Ah! ces comm quasiment plus longs que le billet... Continuons...
      Ma tante - qui n'est pas vraiment ma tante, mais bon- qui vivait seule dans une maison chauffée au bois et sans eau chaude ni sanitaires (si ça existe, elle vivait comme dans l'ancien temps ...), a eu un pépin de santé, heureusement qu'une voisine est passée la voir le matin, sinon! bref après ça elle apprécie énormément le confort de la maison de retraite où elle est chouchoutée, vraiment.
      Elle est pleine de curiosité (je la blague là dessus), bouquine, regarde la télé, tricote, reçoit moult visites, va voir ses voisines de chambre, bref la même vie ou presque que chez elle. Mais je reconnais que pour beaucoup cela ne se passe pas si bien!
      Tu es plus jeune que moi, et j'espère que tu n'auras pas ces soucis avec des proches avant longtemps. le moment où tout bascule, où on réalise que nos parents s'appuient sur nous. On le fait avec amour, mais ce n'est pas toujours facile.

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    3. ... et à des heures indues les com', mais bon, c'est un sujet qui nous touche donc visiblement et qui fait réagir car tout n'y est pas simple et ce n'est pas évident de se positionner.
      Je suis vraiment ravie de voir que ça peut bien se passer pour certains et qu'ils le vivent bien. C'est vrai aussi qu'entre être seul chez soi et à la merci du temps qui passe, et être entouré pour le mieux en trouvant à s'occuper, la deuxième option est plus intéressante. Après, tout est une question d'état d'esprit aussi, certains se relèvent mieux de leurs épreuves que d'autres et arrivent à positiver et profiter de la vie malgré tout. Ta "tante" semble être de cette trempe, ce qui est plutôt une bonne chose.
      Me concernant, j'ai déjà passé un cap similaire avec ma mère qui n'a pas survécu à sa maladie il y a 5 ans, pas facile comme tu dis avec la patience et la compréhension qui ne sont pas toujours au rendez-vous, mais du coup la question de la retraite ne se pose plus, et pour les autres, il y a toujours un membre de la famille qui se dévoue pour les visites et autres. C'est vrai que dans mon autre culture, les "anciens" ont une place importante dans la famille, la solidarité prime et les maisons de retraite ne sont pas intégrées dans les mentalités.

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  3. Coucou !
    En ce moment, je ne suis pas très BD...
    Bises
    Marie

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    1. Hello!
      Je comprends, c'est un support qui ne parle pas à tous ou à petites doses. A noter tout de même pour le jour où tu voudras te plonger dans l'univers BD!
      Bises

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  4. Dis donc, les commentaires deviennent presque des billets chez toi !
    Le sujet est effectivement précoccupant mais le support n'ai toujours pas dans mes priorités !

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    1. Je vais créer un défi "lire des BD" pour toi, Géraldine! Bon, si jamais un jour l'envie te prend de découvrir les BD, note celle-ci, elle est très accessible et vaut le détour.
      Pour les commentaires, oui, on a fait fort sur ce coup-là! Mais bon, c'est aussi l'intérêt des échanges, pouvoir discuter autour d'un sujet sans limite de temps ou d'espace imparti!

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  5. L'auteur a trouvé le bon équilibre entre humour et sérieux pour que cette BD soit une véritable réussite ! Merci pour l'info ciné.

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    1. Bien d'accord avec ton commentaire, ça résume tout ce qu'il faut savoir en une ligne! J'ai vraiment hâte que cette adaptation voit le jour, elle touchera en plus certainement un public plus large que les lecteurs qui sont assez frileux envers les BD.

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