vendredi 1 avril 2016

POÉSIE DU GÉRONDIF


POÉSIE DU GÉRONDIF
.
Je ne sais plus chez qui j'avais noté ce titre au départ mais l'enthousiasme du lecteur lambda pour une telle thématique était si improbable et inattendu que ça forçait la curiosité. Les quelques avis dithyrambiques que j'avais repérés par la suite étaient tellement intrigants qu'ils m'ont fait l'effet de l'attrait de l'edelweiss au sommet de la montagne.
Il faut dire que le sujet, entre grammaire et linguistique, me parlait déjà à la base. C'était, en quelque sorte, la gourde d'eau pour l'escalade.
La montagne m'a paru toutefois infranchissable quand j'ai feuilleté le livre. Répulsion et découragement face à la mise en page et surtout à l'excès de notes de bas de page qui prennent plus de place sur une page que le texte.

Dès les premiers mots pourtant, toutes mes craintes se sont envolées !
C'est tout un poème ce livre, jusqu'à la dernière note de bas de page !
Facétieux et doté d'un sacré sens de l'humour et de l'auto dérision, on adore l'auteur dès les premières lignes ! Et puis c'est un passionné. J'aime les passionnés. Ils ont un côté foufou qui m'enchante complètement !

Franchement, il est pas dingo là :

"La lecture d'une grammaire peut constituer un véritable roman policier. Qui diantre est le coupable, l'accusatif ou le génitif ? Parfois le suspense monte, insoutenable, sur plusieurs chapitres : l'accord du verbe avec le complément d'objet direct se fera-t-il jusque dans les subordonnées ? À l'issue d'une haletante démonstration dont la conclusion est que "toutes les voyelles brèves du khalkha sont en réalité des schwas épenthétiques" (les garces !), le lecteur convenablement excité éprouvera une volupté proche de celle du tchékiste démasquant un nid de saboteurs hitléro-trotkystes dans une usine biélorusse en 1937."

Comment résister à un auteur qui écrit ce genre de choses ?

Du sommet de cette montagne, ce ne sont pas les edelweiss qu'il m'a été donné de voir, mais la richesse de la perception de notre monde à travers ses langues. Ce livre, c'est un voyage aussi bien linguistique que culturel donc, éminemment passionnant, instructif et captivant ! Et complètement accessible ! Il ne se prétend pas un manuel professionnel. On pourrait le voir simplement comme une déclaration d'amour d'un amateur et passionné des langues, qui tente de nous faire, si non partager, comprendre cette passion, sans toutefois essayer non plus de convertir quiconque à sa religion. 

Un passage éclairé sur la traduction :

"On voit par là que toute traduction parfaite est impossible, parce que traduire impose des changements structurels et qu'à changer de langue on change de vision du monde : c'est pourquoi la diversité des langues est l'une des richesses fondamentales de l'humanité, et leur étude, l'un des plus grands plaisirs intellectuels et poétiques qui puisse se concevoir."

À ce sujet, je le rejoins, en repensant à ma passion pour la linguistique pendant mes études, et encore aujourd'hui, car je suis toujours aussi fascinée et attirée par l'apprentissage des langues (quoique l'italien, que-pouick en 2 jours... mais bon, temps et discipline... c'est ce qui me fait défaut en ce moment...).

J'ai adoré aussi, côté délires de l'auteur, ceux autour des éditions de Gruyter-Mouton dont Jean-Pierre Minaudier ne cessera de faire des éloges tout le long de son ouvrage, et auxquels il exprimera sa reconnaissance éternelle des manières les plus exubérantes qu'il soit. Savoureux, truculent ! Sans parler de ses projets en fin de livre. Décapant !

Quant aux notes de bas de page contre lesquelles je m'insurgeais au départ, voilà ce que me répond ce petit fripon : "Par ailleurs, ce livre se veut une défense et illustration de la note de bas de page, un genre littéraire trop décrié."

Un auteur qui me plaît décidément beaucoup et dont je lirai volontiers d'autres ouvrages.

J'ai beaucoup aimé l'originalité de la mise en page au final. 131 citations des grammaires de l'auteur qui "montent la garde autour de ce livre", une citation par page en marge.
Mais quel grand fou !

C'est aux éditions Le Tripode, et je crois que je vais me pencher davantage sur leur sélection éditoriale aussi !

L'auteur
Diplômé de l'École normale supérieure et historien de formation, Jean-Pierre Minaudier s'est découvert sur le tard un amour pour les langues rares. Depuis, il enseigne le basque et l'estonien (qu'il traduit aussi, on lui doit notamment la version française de L'Homme qui savait la langue des serpents, d'Andrus Kivirähk) et jongle compulsivement avec les centaines d'autres idiomes qui nichent dans sa bibliothèque.

16 commentaires:

  1. Aaaaaaaaaaaaaah bonheur total! (Que le ciel florentin te soit bleu, que les pizzas te soient moelleuses)
    J'ai chez moi le catalogue du Tripode (mâtin quel éditeur), tu sais que Kiviräkh c'est eux, et récemment j'ai eu un SP de chez eux (qu'ils continuent, ces braves gens!)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ahahahaha ! Tu as fait ma journée quand je t'ai lue ce matin.^^ Cette parenthèse (la première), excellent ! Rictus de la hyène hilare dans le métro. Véridique !
      Sinon, oui, j'avais bien remarqué que Kivirähk, c'était chez Le Tripode. C'est ce qui m'a confirmé dans l'idée qu'ils ont un catalogue qui me correspond totalement ! Ah, des SP tripodiens, tu es une priviligiée !;-) Mais bon, mes bib' sont assez bien achalandées, alors ça va.:-)

      Supprimer
    2. C'était le but! Contente que tu aies vu l'allusion

      Supprimer
    3. Je ne pouvais pas la louper.;-)

      Supprimer
  2. J'ai hésité, je l'ai feuilleté au salon du livre ...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je comprends l'hésitation, je l'ai vécue, mais mon intérêt pour le sujet m'a heureusement motivée à surmonter mes craintes. Sans regret ! J'ai vraiment adoré ce livre et surtout découvert un auteur qui vaut vraiment le détour !

      Supprimer
  3. J'en ai beaucoup entendu parler. Peut-être trop décalé pour moi, je ne sais pas...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Décalé ? Non, pas du tout. Je qualifierai plutôt cet ouvrage d'érudit mais accessible. L'auteur est juste d'un naturel facétieux donc il s'amuse beaucoup dans son ouvrage, de lui-même en premier lieu, mais le sujet est traité avec beaucoup de sérieux. Si tu aimes Fabcaro, tu sauras apprécier les délires de Minaudier.;-)

      Supprimer
  4. Ah mais c'est dingue ça....!! Ça fait envie !!

    RépondreSupprimer
  5. Je ne sais pas trop qu'en penser...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Haha! C'est un ouvrage qui peut laisser dubitatif à première vue comme ça mais quelle pépite ! Je ne peux que recommander !

      Supprimer
  6. En tout cas, j'adore ce titre.

    RépondreSupprimer
  7. Merci pour cette critique qui me fait découvrir un titre et un auteur dont je n'avais jamais entendu parler. Cela m'intrigue beaucoup et me fait très envie !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Alors laisse-toi tenter ! Ça vaut vraiment le détour !:-)

      Supprimer

Merci pour votre petit mot. Les commentaires sont modérés par défaut, mais j'y réponds toujours.