lundi 29 janvier 2018

CHERCHE MARI DÉSESPÉRÉMENT


CHERCHE MARI DÉSESPÉRÉMENT

traduit de l'arabe (Égypte) par Marie Charton


Un livre qui n'a pas manqué attiser ma curiosité quand j'ai vu que l'auteure était égyptienne. Oui, parce que, bien que le thème soit croustillant, ç'aurait été sous la plume d'une Française ou d'une Américaine, je ne me serais pas forcément arrêtée sur ce titre qui fait écho à des problèmes sociaux certes très contemporains, surtout dans les grandes villes, mais qui ont nourri tant de romans chick-littiens qu'on en est un peu blasé. Quoique... Il m'arrive bien de temps à autre de regarder "L'amour est dans le pré" quand je tombe dessus par hasard.^^ Mais quand il s'agit d'autres cultures, ce sujet m'interpelle toujours.
Oui, tiens, comment ça se passe ailleurs ? J''avais déjà eu un premier aperçu de la réalité égyptienne à travers Amours : voyage dans l'intimité des Égyptiens de Marion Touboul, mais le point de vue était celui d'une journaliste française. Avec Cherche mari désespérément, j'avais le témoignage d'une Égyptienne pur jus et, cerise sur le gâteau, le titre promettait d'emblée humour et dérision. Une aubaine, en somme !

L'auteure, Ghada Abdel Aal, a d'abord raconté ses expériences de rencontres et de propositions de mariage sur un blog avant de se voir publier. Bien qu'elle fasse part des difficultés des Égyptiennes d'aujourd'hui à trouver chaussure à leur pied et de la tragédie de la situation, elle le fait avec un humour tellement désopilant que j'ai été secouée plus d'une fois par des hahaha dignes de la hyène hilare. Son ton m'a fait penser à ces humoristes qui prennent plaisir à amuser la galerie lors d'un one-man-show et qui n'hésitent pas à exagérer les faits pour les rendre encore plus drôles.
Son entrée en matière commence d'ailleurs ainsi :
"Allez, restez avec moi, que je vous parle des énergumènes qui se sont présentés chez mes parents : vous verrez ce qu'on doit encaisser..."

En dehors de l'aspect comique, c'est un témoignage culturellement très intéressant et instructif qui dépoussière un peu l'image que l'on pourrait avoir de ces femmes dont les aspirations ont bien évolué au cours des dernières décennies.
Ce qui m'a marquée, c'est que, hormis le fait qu'une Égyptienne célibataire se sente vieille fille dès l'âge de 23 ans, à l'inverse de la plupart des Occidentales qui s'alarment plus vers les 30 ans, j'ai trouvé qu'il y avait, au final, beaucoup de similitudes avec les problématiques du monde occidental (sur ce sujet de trouver l'âme-soeur), à tel point qu'on s'identifie assez facilement avec le personnage de Bride, l'auteure mise en scène dans ce livre.
La pression sociale sur les femmes reste forte dans les deux cas mais ces dernières ont développé une certaine exigence due au fait qu'elles ont étudié, travaillé, parfois vécu "seules" plusieurs années, et sont plus indépendantes, ce qui fait qu'il n'est pas question d'accepter le premier homme venu. En clair, si elles ont besoin des hommes, elles ne dépendent plus d'eux, comme c'était encore le cas il y a quelques décennies.

"Le hic, à mon avis, n'est pas tant un problème d'argent qu'un problème de personnalité, de comportement et d'éducation. Il s'agit pour moi de trouver un homme sur lequel pouvoir compter."

Certes, les traditions perdurent en défaveur de la femme égyptienne, dont le rôle reste cantonné à celui de bonne épouse et mère de famille, et si l'on trouve normal qu'un homme fricote ici ou là avant de se marier, il est mal vu pour la femme de faire de même. Par ailleurs, la demande en mariage chez les parents est toujours de rigueur. Pas de mariage forcé mais la pression sociale est telle qu'on n'est pas loin de finir par céder.

Pour mieux vous rendre compte du style et des sujets abordés, place aux extraits !

"Et pourquoi y a-t-il plus de filles que de garçon ? C'est simple: parce que les femmes font des enfants tant qu'elles n'ont pas eu un garçon ! Beaucoup de familles se composent de quatre filles et un garçon, cinq filles et un garçon, six filles et un garçon, etc. Une épouse se retrouve à enfanter encore et encore parce qu'il faut absolument que son mari ait un garçon. Et qu'est-ce qu'ils font avec leurs fils ? Allez savoir... Mais au final, il deviendra un bon à rien."

"La société pourrie dans laquelle on vit - celle qui évalue une fille en fonction du mariage, qui estime qu'une fille qui se marie tôt est géniale et qu'une fille qui tarde à le faire a sûrement quelque chose qui cloche, et qui d'un autre côté laisse à l'homme le droit de faire sa sélection, de poser des conditions, d'aller voir à droite et à gauche (on dira qu'il sait y faire, qu'il a de l'expérience) et qui, même s'il a la quarantaine bien sonnée, a le droit d'épouser dès qu'il le veut une gamine d'à peine 18 ans... - eh bien, cette société-là est tout simplement cruelle et injuste !"

"Certaines, par exemple, diront :"[...] Je veux me marier pour me barrer de chez mes parents et être enfin libre." (C'est de la bêtise, mais que voulez-vous y faire ?!) [...]
Mes raisons à moi n'ont rien à voir avec celles-là.
[...] Bref, voici 15, 16 moments où j'aurais vraiment besoin d'un mari :
1 - Quand la bouteille de gaz est finie et qu'il faut la remplacer (y a pas photo : ça, c'est au mari de s'en charger...)."

"Pour un événement de ce genre, on demande pas grand-chose à un homme. Qu'attend-on de lui ? Qu'il prenne un bain, demande à sa mère de lui laver sa chemise et son pantalon, puis à sa soeur de les lui repasser. En gros, il va mettre à contribution chacun des membres de sa famille pour faire bonne impression. Mais dans la maison de la jeune fille - et là, c'est de moi qu'il s'agit - c'est le branle-bas de combat ! On lessive les murs, on récure le sol [...], et après tous ces efforts ridicules, la nana doit encore se préparer et se maquiller parce que, ELLE, il faut qu'elle soit éblouissante !"

"Bon. Et pourquoi la femme égyptienne est-elle tyrannique ? Aaah ! Enfin, voilà la question que j'attendais. La femme égyptienne, pour être franche, ne peut pas faire autrement que d'être tyrannique. Je vois des gens secouer la tête, des gens auxquels ces paroles déplaisent. Bon, honnêtement, qu'attend-on de cette pauvre Égyptienne ? Quand elle accepte la demande en mariage d'un homme, c'est pour avoir un mur contre lequel s'appuyer. Mais avec le temps, il s'avère que c'est à elle d'être non seulement le mur, mais aussi le plafond et le sol !"

"Voilà à quoi tu es réduite. Tu vas épouser un type qui porte des sandales ! Ça suffit, Bride ! Tu ne vas pas faire ta fine bouche... À ce stade, je suis prête à épouser n'importe quel être vivant pluricellulaire tant qu'il peut me sortir de la vitrine des célibataires. On s'en fiche des sandales, on les changera..."

"Le type n'est pas vraiment laid. Disons que ça passe. [...] Ses oreilles sont fâchées l'une avec l'autre. [...] Enfin, c'est quand même une créature de Dieu... Mais quels culs-de-bouteille ! Et ses lunettes sont tellement grosses qu'en plus de sa vue, elles doivent corriger aussi ses sourcils et ses joues. Mais bon, c'est un homme... Vous en trouvez, vous, des hommes pas trop mal de nos jours ?"

Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elle n'a pas la langue dans sa poche et qu'elle ne se gêne absolument pas pour dire ses quatre vérités sur la société égyptienne et les hommes, tout en ne manquant pas d'autodérision. J'ai trouvé ça assez jubilatoire.:-)

À noter que ce livre est paru initialement sous le titre La Ronde des prétendants.

L'auteure

Ghada Abdel Aaal est née en 1978 en Égypte où elle travaille comme pharmacienne. Cherche mari désespérément est son premier roman - déjà traduit en plusieurs langues.

24 commentaires:

  1. Tiens cela me rappelle un livre lu récemment (no billet), Mariage à l'indienne, où une indienne de famille aisée, éduquée, bonnes études, DOIT se marier, et sa famille le veut! On a une vision de la société indienne, c'est la jeune qui raconte (plus de 30 ans, l'horreur ^_^). Un peu pareil, on sent le vécu, intéressant en dehors de l'histoire. de plus, elle va vivre aux USA.
    Tu parles de Amours, oui, on a déjà une idée, mais là c'est "au coeur du sujet, quoi" Les passages sont très bien!
    Quoi? Tu regardes L'amour est dans le pré? Méfie toi tu finiras dans une ferme au fin fond du Berry, avec limaces rouges...
    Et sache que je sais changer une bouteille de gaz (en râlant bien et en faisant gaffe à mon dos)

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    1. Mais oui ! Je parlais des Françaises et Américaines mais côté Inde, ça peut être assez folklo aussi. Il y avait aussi un film, Mariage à la grecque, que je n'ai pas vu mais dont j'imagine bien l'agitation familiale.^^ Bref, c'est un thème qui marche bien et qui est au coeur de toutes les sociétés. Et le ton est toujours à la comédie quand c'est retranscrit en livre ou en film.
      Hahaha la ferme au fin fond du Berry au milieu d'un champ de limaces !^^ J'imagine la scène. Bon, je regarde sans regarder, hein !;-)
      Quant à moi, j'arrive à changer mes ampoules seule, c'est déjà ça (et comme c'est pas tous les quatre matins, ça va^^).

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  2. Il n'y a pas trop d'hommes pour pas assez de filles comme en Chine ? Les extraits sont savoureux, c'est un point de vue bien trouvé (c'est génial, il n'y a que chez toi qu'on trouve ces lectures)

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    1. J'ai eu du pot le jour où je l'ai vu en librairie. C'est le genre de livres exposé parmi d'autres une ou deux semaines, et vite remplacé par d'autres nouveautés. J'étais bien ennuyée d'ailleurs car je ne l'ai pas acheté tout de suite, pensant le trouver à la bib', et quand je suis retournée en librairie, le livre n'étant plus exposé, j'ai dû me résoudre à le demander à un libraire. Il y a des titres comme ça moins faciles à demander que d'autres.^^

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  3. Avec un titre comme ça, tu vas attirer les importuns ! (enfin, tu n'y es pour rien...) Le mariage est une grande affaire, quel que soit le pays où on habite, et c'est toujours intéressant de lire la manière dont ça se passe ailleurs.

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    1. Voilà, c'est toujours intéressant de voir comment ça se passe dans les autres cultures, entre traditions et évolution des moeurs. Et puis quand c'est raconté avec humour, c'est encore mieux.^^
      Oui, il ne manquerait plus qu'on croit que je fais passer un message, haha !

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  4. J'espère que tu le trouveras...!!!
    Tu regardes parfois "L'amour est dans le pré" ! Et tu oses l'avouer, comme ça, platement? Je rigole, ma femme regarde aussi !
    Bonne semaine et bonne chasse !

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    1. Hahaha ! Bon, je ne regarde pas cette émission avec avidité ni assiduité mais c'est un bruit de fond divertissant.;-)
      Bonne semaine !

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  5. Un témoignage drôle, percutant et sans langue de bois, voila qui me tente énormément !

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    1. Je ne sais pas trop si ça parlerait vraiment aux hommes en fait. C'est un peu le genre de propos qu'on tiendrait entre filles en réalité, et qui pourraient ne faire rire que nous, ou qui n'auraient de véritable résonance que pour nous.;-) Enfin, je me trompe peut-être.^^ Une chose est sûre. Ça m'étonnerait que ça fasse rire l'homme égyptien, ou que ça l'intéresse même.:-)

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  6. Tu m'interpelles, je trouve ça aussi intéressant de lire sur les moeurs d'autres pays, d'autant que l'Egypte n'est pas non plus connu pour sa grande équité entre les sexes donc ça peut être intéressant à lire.

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    1. Ah ça, il y a encore du chemin à faire, c'est sûr (mais chez nous aussi en réalité) mais les hommes égyptiens vont bientôt avoir du souci à se faire si les femmes sont toutes du même acabit que l'auteure.^^ Malgré son cri du titre et son désir de vraiment trouver quelqu'un sur qui compter, il est très clair qu'elle préfère être seule que mal accompagnée au final.

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  7. Punaise ! ça me déprime ces livres qui parlent de la condition des femmes, qui, décidément, n'est pas mirobolante où que l'on aille dans le monde :-(
    Je suis justement en train de lire une perle "Un fils en or" qui évoque aussi cette thématique, mais en Inde où il y a du boulot à faire de ce côté-là, entre ceux qui brûlent leur épouse et les autres...
    De la littérature qui tient les filles réveillées ;-) Enfin, ce qu'il y a de bien avec le livre que tu présentes, c'est qu'il est drôle, c'est toujours ça !

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    1. Oui, c'est un peu le cas de figure "il vaut mieux en rire qu'en pleurer" mais on sent une certaine exaspération aussi. Bon, il faut dire qu'il y a de quoi !
      Ce que j'ai toujours trouvé terrible et incompréhensible, c'est que beaucoup de femmes de par le monde (l'Inde est en effet un bon exemple) trouvent leur situation et leur condition injustes et aberrantes mais elles perpétuent quand même les traditions. Enfin, les choses changent petit à petit mais il y a du chemin...

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  8. Intéressant en effet, et cette jeune égyptienne a l'air bien moderne et ouverte ! Et puis le titre m'interpelle ;-) (moi qui n'en veux plus, de mari !!)

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    1. Ahaha ! Tu me fais penser à une cousine qui nous disait il y a quelques années, "ne vous mariez jamais, c'est la pire erreur que vous puissiez faire !" Bon, elle s'est remariée depuis.;-)
      Oui, ça m'a beaucoup surprise de découvrir autant de modernité et d'ouverture d'esprit chez cette Egyptienne. Je les pensais plus tradi dans leur conception du mariage et des relations de couple. J'ai beaucoup à apprendre moi aussi.:-)

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  9. tout à fait ce que j'aime ! si en plus c'est jubilatoire, je prends!!!

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    1. Exactement ce que je me suis dis en voyant ce livre en librairie.;-)

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  10. Bonjour A_girl, un livre qui pourrait me tenter. C'est avec ce genre de livre que l'on se dit qu'en France, qu'on n'est pas trop à plaindre, nous les femmes même s'il faut être toujours vigilantes et ne rien laisser passer. Bon dimanche.

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    1. Bonjour Dasola, il y a clairement plus mal loties que nous mais ce n'est effectivement pas une raison pour baisser la garde.;-)
      Bon dimanche.

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  11. Et ben tiens, je vais le chercher sur Goodreads.

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  12. Ca semble bien sympa et intéressant ! Avec bien sûr, comme tu le dis, le moyen de se retrouver dans pas mal de réflexions !

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    1. Oui, voilà, c'est aussi l'intérêt et la surprise de ce livre.

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