dimanche 7 janvier 2018

PARCE QUE JE DÉTESTE LA CORÉE


PARCE QUE JE DÉTESTE LA CORÉE

traduit du coréen par Lim Yeong-hee et Mélanie Basnel

Un de ces rares témoignages d'un Nord-Coréen qui aurait échappé à la censure, décrivant l'enfer quotidien dans son pays ? Que nenni ! C'est de la Corée du sud qu'il s'agit ici, que je visualisais, à l'instar du Japon, comme un de ces pays asiatiques effervescents, doté d'un brin de folie, alliant à merveille modernité et traditions, et avec peut-être un peu moins de contraintes sociales que le Japon. Un pays où l'on n'a pas l'air trop malheureux en somme. Ou alors serait-ce qu'il ne serait bon qu'à visiter et y séjourner en tant que touriste ?
J'étais d'autant plus intriguée par ce cri du coeur du titre que l'auteur est coréen et qu'il a choisi, pour l'émettre, une jeune Coréenne dont il fait le personnage principal de son livre.

Kyena, 27 ans, a un boulot, un petit ami, une famille, des amis, la santé, bref, a priori tout pour être comblée. Mais visiblement, sa vie ne la satisfait pas puisqu'elle décide de tout quitter pour émigrer en Australie alors qu'elle ne parle même pas l'anglais. Malheureusement, là-bas, la réalité ne sera pas aussi teintée de rose qu'elle le pensait car entre les petits boulots, la coloc, et, l'horreur absolue, les puces de lit, tout ne se déroulera pas exactement comme prévu. 

J'ai bien aimé l'idée de cette jeune femme coréenne désenchantée qui, pour échapper au moule trop étroit de l'ordre social coréen et en quête d'une vie épanouissante, qui ait du sens, décide d'aller tenter sa chance ailleurs, pour finalement être confrontée à des épreuves, sources de déconvenues, qui lui feront réaliser que la vie n'est pas si simple ni parfaite ailleurs mais qu'il vaut le coup de se battre pour atteindre ses idéaux. Cette jeune Coréenne pourrait finalement être n'importe quelle jeune femme moderne et indépendante dans le monde qui souhaite se débarrasser du carcan d'une société qui vous impose, dans son fonctionnement, un mode de vie qui ne correspond pas à vos aspirations.

J'ai beaucoup aimé cette idée d'une rébellion contre un ordre, un système, à la poursuite d'un idéal de vie, qui demande plus de courage qu'il n'y paraît. C'était d'autant plus intéressant que l'auteur offre un aperçu culturellement très instructif de la société coréenne actuelle, où la réussite sociale passe par la réussite professionnelle, une société terriblement élitiste qui laisse les moins compétitifs sur le bord du chemin. Mais ces derniers peuvent-ils être plus heureux ailleurs où ils ne sont finalement que des étrangers sans qualification ? Et quand bien même ils finiraient par tout à fait s'établir, pourraient-ils réellement se sentir intégrés dans ce nouveau pays ?

Un roman plein de punch qui ne manque pas de souligner les travers de la société coréenne et de susciter des réflexions intéressantes sur le sens de la vie et la définition du bonheur en général.
J'imaginais toutefois une comédie plus enlevée, avec des moments désopilants, notamment lors des déboires de notre héroïne, et si la narratrice, dans son franc-parler plein de fraîcheur et de couleurs, ne manque pas de pêche, d'humour et de cynisme dans sa façon de relayer les événements et ses états d'âmes, ou que certaines situations prêtent à sourire, il y a tout de même quelque chose d'assez triste dans cet état de faits (l'insatisfaction d'une vie dont on n'aurait a priori pas à se plaindre, la quête du bonheur selon ses termes vs les désillusions), ce qui teinte ce roman de quelques notes mélancoliques. On est davantage dans une comédie légère et dramatique que purement délirante.

Quelques extraits parmi d'autres qui m'ont beaucoup amusée :
Quand je travaillais en Corée, je pleurais tous les jours. C'était plus à cause du trajet qu'à cause du boulot en lui-même. Est-ce que tu as déjà pris le matin la ligne 2 du métro d'Ahyeon à Yeoksam en changeant à Sindorim ? On y apprend et on ressent jusque dans sa chair que la dignité humaine n'est qu'un élément décoratif face à la question de survie. De Sindorim à Sadang, mon corps était tellement coincé et écrasé que j'avais même mal aux clavicules. À chaque fois que je prenais cette ligne 2, je me disais : Quel crime ai-je donc commis dans une vie antérieure pour mériter ça ? Est-ce que j'ai vendu ma patrie ? Monté une escroquerie à l'assurance ? En regardant les gens autour de moi, je me demandais aussi : Et eux ? Quel a été leur crime ?"

"- Pourquoi détestes-tu autant la Corée ? C'est un pays sympa, tu sais. Si on se rapporte au PIB par habitant, la Corée est dans les vingt premiers, presque au même niveau qu'Israël ou que l'Italie.
À force de préparer des examens pour devenir journaliste, il avait accumulé quantité de connaissances inutiles de ce genre."

"Après une pareille mésaventure, tu te demandes sans doute si j'ai ressenti une certaine nostalgie de la Corée. Eh bien, pour être honnête, pas vraiment. Ce n'est pas parce qu'on s'est fait gronder par la maîtresse que nos parents nous manquent plus que d'habitude."

L'auteur
Né en 1975 à Séoul, Chang Kang-myoung a été chroniqueur pendant onze ans pour un grand quotidien avant de se lancer dans la fiction. De sa carrière de journaliste, il a gardé une écriture factuelle qu'il met au service des sujets d'actualité qui agitent la société coréenne. La perspicacité et la finesse d'analyse de son approche ont fait le succès de ses romans.

20 commentaires:

  1. Tu te rends compte que tes deux billets de suite comportent 'hate' et 'déteste'?
    Bon, la Corée... Pas trop envie d'y vivre (j'ai vu les photos prises par mon neveu, ça a l'ait bien pour un peu de tourisme)

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    1. Nooooon, je ne m'en suis pas rendue compte !!! Tu as l'oeil, dis donc ! J'allais dire, voilà qui commence "bien" l'année, mais en fait, ce sont deux livres lus en 2017 (toujours mes retards de billets...), donc ça va.^^ Quelle coïncidence amusante tout de même !
      La Corée me fascine un poil moins que le Japon mais ça me dirait bien d'y faire un petit séjour quand même. De toute façon, en tant que touriste, toute destination paraît presque toujours idyllique. Vivre sur place, c'est forcément différent.

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  2. Intéressant, comme souvent chez cet éditeur !

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    1. Oui, c'est vrai que cet éditeur propose toujours des livres très intéressants (et tentants) côté littératures d'Asie.

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  3. J'avais déjà été tentée en lisant le billet de Luocine... Pourquoi pas ?

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    1. Aaah d'autres avis sur la blogo ? Je file voir ça !

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  4. Tu me tentes bien. Mon copain aimerait aller visiter la Corée du Sud, moi de prime abord ça ne me tentait pas mais j'ai vu des photos et finalement ça a l'air pas mal, espérions que e livre ne me dissuade pas vu qu'elle déteste la Corée :p

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    1. Haha, je pense qu'en tant que touristes, on ne vit pas les mêmes tribulations, les mêmes contraintes, on ne vit pas les choses de la même façon que les habitants du pays que l'on visite. On est de passage, donc ça change beaucoup de choses.

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  5. D'après ce que tu en dis, ce livre me parait plus universel que spécifiquement coréen...

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    1. Oui, ça reste la vieille histoire de poursuivre ses rêves, vivre selon ses aspirations, s'émanciper du diktat social, chercher un équilibre de vie, mais dans le contexte sud-coréen (ce qui apporte tout de même une lumière spécifique sur le thème).^^

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  6. Comme la Corée ne m'intéresse pas, je passe tout de suite...
    Bonne semaine.

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    1. Ah oui, toi quand ça ne t'intéresse pas, c'est radical.^^
      Bonne semaine.

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  7. Il est dans ma pal celui-là. D'après ce que tu en dis on pourrait s'entendre lui et moi.

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    1. Je l'avais repéré dans ta PAL en effet.:-) Je l'avais déjà lu sinon je t'aurais proposé une LC. Curieuse de ton avis !

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  8. Ma fille vivant en Corée, j'ai bien sûr fait l'acquisition de ce roman, qui attend bien au chaud des temps plus tranquilles...

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    1. Ah oui, ça y est ? Elle s'est vraiment installée là-bas ? Elle doit vivre une expérience sacrément dépaysante ! Peut-être lui rendras-tu visite avant d'avoir eu le temps de lire le livre.;-)

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  9. Il pourrait me plaire ! J'aime ce que tu en dis !

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    1. C'est un roman assez universel dans le fond, je pense que chacun peut s'identifier à cette jeune femme tout en appréciant le contexte sud-coréen.

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  10. Je l'avais déjà repéré. Je le lirai, c'est sûr ! :)

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