jeudi 14 avril 2016

FINIR LA GUERRE


FINIR LA GUERRE

Le titre, la couv', normalement, vraiment pas le genre qui m'attire au premier abord, et même encore moins au second, quand je constate que ça tourne autour de la guerre d'Algérie et des secrets de famille. Piiiile-poil ce qui me rebute dans les récits !
Les thématiques autour de la guerre m'ont lassée depuis des lustres et ne m'ont d'ailleurs jamais vraiment attirée, et de toutes les guerres, celle d'Algérie est l'une de celles qui me parlent encore moins. Et puis les non-dits, les secrets de famille, c'est toujours la même chose, la même ambiance pesante, introspective et dramatique.
Mais voilà, Jérôme, qui a fait un coup de coeur de ce court roman, me l'a suggéré en lecture (faut dire que je lui ai tendu la perche), et quand je l'ai vu sur la table de ma bib' estampillé "Sélection premier roman 2015", je me suis dit qu'il y avait là comme un signe et que ça méritait de passer outre mes a priori.

Les premières pages, je tremble, mes prédictions se confirment, on est en plein dans l'ambiance que j'appréhendais. Le récit s'ouvre sur le suicide inexpliqué du père d'Alex, nimbé d'emblée de mystères. On comprend qu'Alex n'a jamais vraiment su qui était son père, un être secret et taciturne, et que les questionnements le taraudent (c'est toujours quand c'est trop tard, hein... bête, ça). Sans compter que ça ne se passe pas super, niveau communication, avec son propre fils dont il ne sait pas grand chose non plus du coup. Bref, ça ne va pas fort pour Alex.
Alors qu'il s'affaire au rangement des affaires de son père, il tombe par inadvertance (alors là, le hasard quand même) sur une lettre datant de 15 jours avant le suicide. La lire, ne pas la lire ? Bon, finalement il la lit et heureusement pour la suite de notre histoire sinon il n'y en avait pas. Une lettre en provenance d'Algérie l'informant du décès de Skander, un homme que le père d'Alex aurait sauvé par son geste héroïque pendant la guerre de libération et qui lui en a été éternellement reconnaissant jusqu'à se souvenir encore de lui avec émotion sur son lit de mort, quelques 50 ans plus tard.

Son père, un héros ? Ça alors ! Quelle surprise pour Alex qui commence à se dire que, décidément, il avait vraiment mal connu son père. Mais alors, pourquoi ce suicide quasiment à la réception de cette lettre ?
Et c'est là que l'intérêt du livre commence et que  je vais arrêter de faire ma vilaine.:-)

Dans un besoin de comprendre et de renouer avec ce père maintenant disparu, Alex va entreprendre un voyage en Algérie. J'ai été très agréablement surprise et ai beaucoup aimé cette partie du récit, culturellement et agréablement dépaysante. L'auteur nous décrit un pays et des habitants hauts en couleur, tel qu'on le représente trop rarement, sans en masquer la réalité sociale et ses dérives.
De rencontre en rencontre, dans une sorte d'enquête qui n'en est pas vraiment une, Alex, en soulevant les voiles du passé, va découvrir des vérités douloureuses qu'il aurait mieux valu laissées enfouies dans l'Histoire.

Un récit qui suscite beaucoup de réflexions sur l'héroïsme et la lâcheté, à un niveau individuel, et pas uniquement en temps de guerre, sur le jugement que l'on peut porter ou non sur les actes des uns et des autres dans des contextes spécifiques. J'ai trouvé le développement de ce récit très subtil à ce niveau-là parce qu'il n'y a rien d'évident, rien de simple. 

Mon gros bémol, ce sont les quelques facilités d'auteur (dont j'ai donné un aperçu plus haut), et surtout les épisodes avec Kahina, la fille de Skander. Attention SPOILER Alex éprouve bien vite des sentiments à son égard (après l'avoir trouvée laide avec sa blessure au visage en plus). J'ai trouvé ça un peu énorme, la partie feel-good de trop, même si tout reste dans la cohérence d'une certaine pudeur culturelle, où tout ne peut être aussi simple pour Kahina. Ça reste chaste, la réciprocité est en suspens.
Disons que dans l'ensemble, ça ne débordait pas de bons sentiments mais ça en dégorgeait quand même pas mal à mon goût.

Ce qui m'a un peu dérangée aussi, c'est le style, un peu trop lisse, trop travaillé, joliment certes, mais sans véritables nuances. L'impression d'entendre la même voix, la même "poésie" tout le long, dans la narration, les dialogues, les lettres...

C'est une histoire que j'ai trouvée toutefois particulièrement forte dans le désir de croire en l'amitié, la fraternité, la solidarité, en l'autre, au milieu de la bêtise humaine. Et cette guerre extérieure qui se transforme en conflit intérieur. Transposition subtile. Retrouver la paix en soi pour pouvoir la faire avec les autres. Finir la guerre...

L'auteur
Michel Serfati a successivement été ouvrier dans l'industrie, éducateur spécialisé, formateur et cadre dans un établissement pour personnes handicapées dans la région de Strasbourg. Il vit aujourd'hui dans un petit village du sud de l'Alsace. Finir la guerre est son premier roman.

Challenge Jérôme 2/3 héhéhé !

10 commentaires:

  1. Mêmes a priori que toi! Mais moi, je n'ai pas de challenge Jérôme, donc je poursuis mon chemin...

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    1. Haha ! Non mais moi chuis une warrior même si je n'aime pas la guerre.;-)

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  2. Bravo, tu tiens le bon bout ! ;-)
    Cela dit je pense que j'aurais eu les mêmes à priori que toi avec ce roman, mais il faut parfois savoir sortir de sa zone de confort ! ;-)

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    1. Il y a en effet des livres comme ça, où je passerais naturellement mon chemin si je n'écoutais que moi, mais je suis prête à m'y risquer si on me dit que ça vaut vraiment le détour. Et je suis très preneuse de recommandations de lecture de toutes sortes. Bon, celle-là était particulièrement rude et mal barrée car ce roman n'avait rien pour me séduire au départ, mais l'épreuve s'est bien passée.;-)
      Ceci dit, mon vrai challenge Jérôme, c'est de lire sur 2016 (et non 2025) des livres recommandés en 2015.;-) Plus qu'un et le défi est relevé !:-)

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  3. Mouais, beaucoup de bémols tout de même pour un court roman ! Je passe !

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    1. Ils ne pèsent pas si lourds sur l'ensemble qui présente tout de même beaucoup d'intérêts, notamment au niveau des thématiques explorées, mais ça m'a quand même interpellée.

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  4. Tu sais à quel point j'ai adoré ce roman et à quel point je suis ravi que tu m'aies fait confiance. Je craignais que tu passes à coté, cela n'a pas été le cas et c'est tant mieux.

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    1. Je n'ai pas eu le même coup de coeur que toi mais j'ai apprécié cette lecture que je n'aurais certainement pas faite sans ce "challenge".:-) L'auteur a réussi à explorer en quelques pages, de façon concise et efficace, des thématiques universelles en choisissant un contexte très particulier, ce n'était pas évident. Merci pour ce choix que tu savais risqué pour nous deux, haha !

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  5. Parfois on se pousse et on a de belles surprises !

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    1. Ou on nous pousse.;-) Et c'est pas plus mal!:-)

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