KIM JIYOUNG NÉE EN 1982
traduit du coréen par Kyungran Choi et Pierre Bisiou
Une couverture qui ne manque pas attirer l'oeil, même sans le bandeau qui présente ce livre comme (rien moins que) "le roman coréen phénomène vendu à des millions d'exemplaires. En cours de traduction dans plus de 20 pays !"
Un coup d'oeil à la quatrième de couv' et j'étais ferrée : l'auteure, "Cho Nam-joo livre une photographie de la femme coréenne piégée dans une société traditionaliste contre laquelle elle ne parvient pas à lutter. Mais qu'on ne s'y trompe pas : Kim Jiyoung est bien plus que le miroir de la condition féminine en Corée - elle est le miroir de la condition féminine tout court."
Un coup d'oeil à la quatrième de couv' et j'étais ferrée : l'auteure, "Cho Nam-joo livre une photographie de la femme coréenne piégée dans une société traditionaliste contre laquelle elle ne parvient pas à lutter. Mais qu'on ne s'y trompe pas : Kim Jiyoung est bien plus que le miroir de la condition féminine en Corée - elle est le miroir de la condition féminine tout court."
Kim Jiyoung, 35 ans, est une femme assez représentative de sa génération. Mariée, maman d'une petite fille, elle a quitté un emploi qu'elle aimait à la naissance de cette dernière pour l'élever et se consacrer aux tâches ménagères. Mère au foyer ordinaire, rien ne semble révéler une quelconque faille dans son quotidien, et pourtant, brusquement, un jour, elle se met à parler avec la voix d'autres femmes, embarrassant ainsi son entourage. Burn-out ? Dépression ? Comment en est-elle arrivée là ?
Étape par étape, l'auteure, Cho Nam-joo, retrace les grandes périodes de la vie de son personnage de sa naissance à cet instant fatidique. Chacune sera très révélatrice du manque flagrant de considération vis-à-vis des femmes dès leur plus jeune âge (révoltant !) et de leur rôle et place de second plan dans la société sud-coréenne, un sujet a priori sensible en Corée, le roman ayant créé la polémique dès sa parution.
À mi-chemin entre le roman et le récit avec une résonance vaguement autobiographique, j'ai trouvé le ton (hors dialogues) très (trop) factuel, journalistique même parfois, du coup on ne lit pas vraiment ce livre comme un roman, ce qui m'a quelque peu décontenancée par moment. Si le sujet est intéressant, le style presque froid distancie énormément et ne crée pas de véritable empathie.
Malgré tout, on ne peut être que frappé (et révolté) par le côté universel de la condition féminine, même s'il y a quelques particularités coréennes ici qui rendent ce récit culturellement instructif. On a en effet l'impression de grandes avancées sur le terrain de l'égalité des sexes depuis quelques décennies, avec un changement progressif des mentalités, des lois et des attitudes mais en fait le chemin me semble bien long encore...
Quelques extraits :
"- Cela ne m'a pas incommodée, mais ce n'est pas votre travail. J'ai remarqué ça il y a longtemps déjà, chaque fois que nous avons de nouveaux employés, les filles les plus jeunes prennent en charge toutes les tâches ingrates sans même qu'il soit besoin de les solliciter. Les garçons ne font pas cela. Un garçon, même s'il est le benjamin de notre société, même s'il est le dernier à avoir intégré l'équipe, il ne lui viendra pas à l'esprit de prendre en main spontanément ces choses. Comment les filles sont-elles devenues ainsi, cette part de l'humanité qui se charge de tous ces trucs sans qu'on ait besoin de leur expliquer quoi que ce soit ?"
Un petit "edit" pour rajouter ce passage qui fait écho à l'extrait ci-dessus et qui, lui, provient de La Serpe de Philippe Jaenada (citant Le Club des Cinq en roulotte) :
"Pourquoi ma mère ne m'avait jamais dit que c'était si dur ? Non seulement sa mère, mais aucune femme de sa famille, aucune ancienne ni aucune amie ayant eu des enfants ne lui avait donné d'informations franches. Sur les petits et grands écrans on ne voyait que de jolis bébés et tout le monde disait que la mère était belle et formidable. Bien entendu Kim Jiyoung, consciente de sa responsabilité envers son enfant, ferait tout pour bien l'élever, mais les mots comme formidable, elle ne voulait plus les entendre. Parce que ces mots cachaient une réalité : c'était dur d'élever son enfant."
À noter que ce roman a été adapté au cinéma en octobre 2019 sous le même titre.
Également commenté par Cristie.
L'auteure
Cho Nam-joo est née en 1978 en Corée du Sud. Scénariste pour la télévision, elle publie en 2016 son premier roman, Kim Jiyoung, née en 1982. Dès sa sortie, le roman crée la polémique. C'est l'un des rares livres a avoir dépassé plusieurs millions d'exemplaires en Corée.
Intéressant évidemment. Et l'extrait est bon sur la responsabilité des femmes dans cette reproduction. Pourquoi ne se révoltent-elles pas davantage collectivement au lieu de se taire et de se soumettre ? (valable aussi dans nos pays).
RépondreSupprimerTa remarque m'a fait penser à un passage que j'ai lu dans La Serpe de Jaenada et que j'ai du coup rajouté dans mon billet. C'est une réflexion que je me suis souvent faite, surtout par rapport aux mères qui transmettent à leurs filles ces mêmes principes et sens du devoir dont elles se sont elles-mêmes probablement plaintes intérieurement en ressentant leur injustice.
SupprimerBon, on verra, mais ça risque de plomber l'ambiance, on n'a pas l'impression que ce ne soit qu'en Corée... ^_^
RépondreSupprimerTu es toujours en télétravail ou tu affrontes les transports en commun? Bon courage.
J'ai 3 biblis, et chacune a son protocole pour rouvrir...En attendant, c'est toujours la PAL
Non, ce n'est pas qu'en Corée, c'est clair. D'ailleurs en lisant "Le ministre est enceinte" repéré chez toi, j'ai eu les mêmes élans de révolte et d'écoeurement (plus fort même). Et pareil, le contexte est très contemporain, on ne parle pas d'événements qui ont eu lieu il y a un siècle...
SupprimerSinon, oui, toujours en télétravail. Paris c'est quand même une bonne grosse zone rouge, et je n'ai pour l'instant pas franchi les limites de ma ville de banlieue.;)
Pour les biblis, je ne suis pas allée voir encore mais je pense qu'elles ne sont pas prêtes de rouvrir. En revanche, je suis allée dans ma librairie de quartier, avec masque & co, et j'en ai bien profité ! (comprendre, grosse augmentation de la PAL, aïe aïe^^).
Evidemment, le sujet m'intéresse mais tes bémols stylistiques me freinent un peu... Après, c'est aussi l'occasion de lire coréen, alors..
RépondreSupprimerOui, c'est le genre de livre qu'on lit plus pour le fond que pour la forme.;) J'ai été peut-être un peu sévère sur le style d'ailleurs, car en le feuilletant 2 mois après pour reprendre les passages, ça ne m'a pas frappée comme étant particulièrement froid. Mais c'était en tout cas mon impression première au sortir du livre.
SupprimerJe l'ai déjà noté, j'essaierai de le lire, même si je risque d'être freinée dans ma lecture par le style... On verra.
RépondreSupprimerPeut-être que ça passera bien maintenant que tu es prévenue de ce risque. Le style, auquel je ne m'attendais pas (d'où ma légère déconvenue), ne semble par ailleurs n'avoir chagriné que moi.;)
SupprimerJe l'avais noté chez Christie :-) Je ne savais aps qu'il y avait un film, j'essayerai de le voir...
RépondreSupprimerJe suis assez curieuse du film aussi. Peut-être dispo sur Netflix ? Je vais vérifier ça.:)
Supprimerj'ai lu de super billets, je ne sais plus où, mais tu me refroidis un peu...
RépondreSupprimer(au fait, je me suis procuré La fille de la supérette vu chez toi!)
Aaah, hâte de te lire sur La fille de la supérette !
SupprimerSinon pour ce roman-ci, à toi de voir.:) Cette histoire de style m'avait marquée au moment de ma lecture mais avec le temps, ce n'est pas ce que je retiens le plus du livre.
le sujet me ferrait bien, comme tu dis...Mais dommage pour le style distanciateur (j'en ai marre des distances sociales en ce moment ! LOL ). Sérieusement, ce qui me manquerait je pense c'est le manque d'empathie que tu évoques !
RépondreSupprimerAhaha, toujours le mot pour rire ! Moi personnellement, j'apprécie la distanciation sociale dans la mesure où les gens sont obligés de respecter la distance de courtoisie qu'ils ne respectaient jamais auparavant.:) En revanche, dans un livre, j'aime bien pouvoir me sentir proche des personnages.^^
SupprimerDommage pour la froideur. Mais ça reste un témoignage à découvrir, sans aucun doute.
RépondreSupprimerOui, voilà, c'est exactement ça !
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