lundi 28 avril 2008

LA PERDIDA


traduit de l'anglais (États-Unis par Anne Capuron)

Ouééééé !!! Encore une découverte hasardeuse qui se révèle être un quasi-coup de coeur côté BD ! Plus je découvre des BD de cette qualité et plus je réalise la richesse de leur contenu qui s'assimile tout à fait, en fin de compte, à celles de romans, et je trouve ça dommage dommage dommage que cette catégorie de livres soit méconnue, souvent délaissée, voire méprisée, par une majorité de grands lecteurs.

J'ai tout de suite été séduite par les premières pages de ce comic qui présentaient cette Américaine paumée et quelque peu désoeuvrée, partie à Mexico à la recherche de ses racines et en quête d'une expérience authentique au sein d'une communauté dont elle se réclame par le sang mais dont elle connait finalement si peu.
C'est un thème qui me parle en effet énormément, celui de la quête de notre identité culturelle (quand on est pluri-culturel...), qui implique sentiment de culpabilité quand on se sent appartenir à une culture et que l'on n'y est pas comme chez soi en fin de compte, et envie de s'approprier quand même cette culture malgré tout, et j'ai baucoup aimé le fait que l'autrice ait choisi de transcrire les dialogues en version originale aussi souvent que possible, ça rend l'histoire véritablement réaliste et vivante.
On sent par ailleurs le vécu et l'expérience de l'autrice dans ce genre d'aventure humaine et de rencontre culturelle. J'ai même cru à un moment qu'il s'agissait d'une autobiographie. 

Ce comic est aussi une façon originale de découvrir la culture mexicaine à travers le regard d'une étrangère avide de s'adapter à ce pays qu'elle a choisi d'explorer. Je me suis beaucoup identifiée à elle par moment, à sa façon de voir les choses, ce qui me l'a rendu particulièrement sympathique. Toutefois, malgré ses efforts pour s'intégrer à la vie mexicaine (apprentissage de l'espagnol, fréquentations de Mexicains, intérêt pour leur mode de vie) et la sincérité avec laquelle elle aime (ou croit aimer ?) ce pays, refusant d'être vue comme une touriste capitalise, les Mexicains la considèreront toujours comme une "conquistadora". Elle-même juge sévèrement ses compatriotes expats, se croit plus authentique qu'eux dans son approche et son amour de la culture mexicaine, mais ne sait plus sur quel pied danser quand elle se rend compte qu'elle est finalement plus proches d'eux que de la mentalité mexicaine. 

L'autrice, à travers ce comic, soulève des thématiques particulièrement intéressantes, entre autres la question de nos motivations lorsque l'on décide de s'exiler ailleurs ou que l'on s'attache à une culture particulière. Pourquoi aime-t-on une autre culture que la sienne (celle qui nous a élevés, j'entends) ? Qu'y recherche-t-on ? Que rejette-t-on de l'autre culture ? Peut-on renier ce que l'on est, qui on est, d'où l'on vient ? Peut-on tout justifier dans une culture que l'on aime jusqu'à se leurrer quant à nos choix ? Y a-t-il une "recette" meilleure qu'une autre pour appréhender l'autre, est-ce que l'on peut vraiment comprendre une autre culture que la sienne, et s'y intégrer véritablement, ou ne sommes-nous pas juste déjà étrangers à nous-mêmes ?...
Bien d'autres thématiques sont développées dans ce livre également, politiques notamment, mais je ne vais pas toutes les dévoiler ici sous peine d'en dire trop, et j'ai trouvé tout cela vraiment instructif sur une certaine réalité mexicaine propre à celle d'autres pays latino-américains.

L'intrigue est par ailleurs vraiment bien construite et palpitante. Impossible de lâcher le livre une fois ouvert pour ma part. Dès le début, on sait que Carla a vécu une expérience traumatisante à Mexico, mais son coeur y reste attaché, et on se demande bien ce qui s'est passé (ce que l'autrice nous fait le plaisir de nous dévoiler - ouf !).

Une BD que je recommande vraiment chaudement aux amoureux de la culture latino-américaine.

L'autrice
Jessica Abel est née en 1969 à Chicago. Elle commence à réaliser des comics durant ses années d'études à l'Université de Chicago. En 1997, elle est élue meilleur jeune talent par le prix Harvey et Lulu et, cinq ans plus tard, elle obtient le prix Harvey de la meilleure série pour les premiers épisodes de La Perdida, publiés chez Fantagraphics. En 2006, l'oeuvre achevée est publiée chez Panthéon Books. À côté de son travail d'auteur, Jessica Abel enseigne depuis quelques années dans la section bande dessinée de l'école des arts visuels de New York. Elle vit aujourd'hui à Brooklyn avec son mari, le dessinateur Matt Madden.

2 commentaires:

  1. Je l'avais feuilleté et j'étais sceptique. Au final, j'ai opté pour l'emprunt, je ne suis pas parvenue à dépasser la troisième planche. Je vais retenter, tu es emballée, mais le graphisme me bloque.

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    1. Je me souviens avoir hésité à le prendre au début quand j'étais tombée dessus mais les premières pages m'ont conquise tout de suite, question de thème et aussi de motivation pour découvrir la BD, je me souviens, j'étais en plein cette période où j'étais particulièrement ouverte à la BD, ne la connaissant qu'à travers les Astérix et Iznogoud. Je suis contente de voir que j'ai fait du chemin depuis.

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