vendredi 10 mars 2017

DÉFAITE DES MAÎTRES ET POSSESSEURS


DÉFAITE DES MAÎTRES ET POSSESSEURS

Dans les dernier billets et commentaires particulièrement enthousiastes que j'ai lus sur ce livre, il était souvent souligné qu'il était préférable de n'en rien dire afin de laisser le lecteur apprécier pleinement l'univers qu'il allait découvrir petit à petit, et surtout, parce que ce roman lui promettait une grande claque qu'il serait dommage qu'il esquive à cause d'un billet trop bavard.
Je suis moi-même adepte de ce principe, en dire le moins possible. Ceci dit, si je me suis lancée dans ce livre, c'est précisément parce que, grâce au billet de Keisha, j'avais une petite idée du contexte de l'histoire, et c'est spécifiquement cet aspect que j'avais trouvé intrigant et qui avait attisé ma curiosité (le titre à lui seul ne suffisant pas, il faut bien l'admettre).

Comme je ne vais pas être particulièrement tendre, ou du moins, plus enthousiaste que je ne l'ai ressenti, tout en m'expliquant, ce qui sous-entend spoiler à moitié, je vous laisse la possibilité, à ceux qui n'ont pas encore lu ce roman, de vous arrêter là et de poursuivre l'aventure avec ce livre, vous faisant ainsi votre propre opinion.

Si vous êtes encore là, vous avez été prévenus, j'annonce le contexte d'emblée.
Allez, je vous laisse encore quelques lignes pour vous rétracter. Filez, il est encore temps !

Et rien de mieux pour situer le contexte que cette phrase qui résume beaucoup, et en même temps, intriguera assez pour donner envie d'en savoir plus. C'est, en tout cas, l'effet que ça m'avait fait chez Keisha.:-)

"Il y a, donc, trois catégories d'hommes : ceux qui travaillent pour nous; ceux qui s'efforcent de nous tenir compagnie; ceux que nous mangeons. Et ils ne peuvent pas passer impunément de l'une de ces catégories à l'autre. Ils restent là où ils sont nés."

Un roman SF donc, où, un peu à la façon de La Planète des singes, les rôles sont inversés et, de maître et dominateur, l'homme se retrouve proie, esclave et victime, ressentant toute l'injustice, l'incohérence, la cruauté et l'absurdité d'un système qu'il acceptait comme normal. Je n'attendais absolument pas l'auteur, Vincent Message, dans ce registre-là, aussi mon intérêt fut encore redoublé. C'est un contexte qui par ailleurs me parle énormément, les situations inversées. C'est une façon subtile de parler des hommes et de leurs travers, et là c'est encore plus poussé, à un point où l'homme et l'extraterrestre se confondent un peu dans nos têtes.

Un de mes bémols, c'est que justement, ces similitudes sont trop poussées malgré quelques compromis pour les distinguer au moins physiquement/physiologiquement. Et surtout, les similitudes s'opèrent très rapidement. Au début, il y avait une réelle distinction (physique, mentale et morale) entre les deux espèces que je trouvais intéressante, puis très vite, sous prétexte de l'effet caméléon, ou peut-être par effet de contamination, l'extraterrestre était devenu une copie conforme de l'homme à quelques détails près.
C'est un procédé intéressant et judicieux pour faire passer un message choc, mais le subterfuge est tel que j'avais du mal à le trouver particulièrement original. Ceci dit, l'originalité n'était pas l'ambition de ce livre. Sa thématique, c'est l'homme et ses travers, l'être humain en tant que danger pour la planète et pour les autres. Là encore, ce n'est pas un sujet des plus originaux, mais il faut avouer que c'est bien traité et développé. Le message passe bien et est convaincant, mais voilà, je n'ai pas eu l'impression d'avoir de grandes révélations malgré tout.

Côté style, c'est indéniablement bien écrit mais ce n'est pas le genre d'écriture qui me transcende ou me transporte. Peut-être trop "appliquée". Par ailleurs, je voyais où l'auteur voulait en venir, j'étais parfois prise dans son intrigue, mais souvent ça me laissait à distance. Et puis j'y ai aussi ressenti des longueurs qui m'ont arraché quelques soupirs. Que de détails et de blablas superflus par moment, surtout vers la fin attention SPOILER, l'escapade avec Iris et les derniers moments tire-larmes qui m'ont un peu agacée.
Peut-être un côté romanesque trop romanesque dans l'ensemble pour moi. Je pense en particulier à attention SPOILER la relation de Malo avec Iris, destinée à être une femme humaine d'élevage, puis devenue sa femme de compagnie. Il y avait du "un poil too much" dans tout ça. J'avais du mal du coup à me laisser porter par leur histoire.

Au final, ce fut tout de même un bon moment de lecture, riche d'idées et de réflexions choc, mais pas à la hauteur de la claque que j'attendais.

Quelques extraits :
"Il m'a fallu du temps avant de savoir fréquenter ses absences."

"Nous avions du mal à comprendre comment ce qu'il y avait de sophistiqué et de compétent dans les méthodes de cette espèce qui occupait apparemment le sommet de la chaîne alimentaire pouvait se concilier avec autant de gâchis, de morts inutiles, un pareil consentement à faire souffrir et à détruire sans retour."

L'auteur
Né en 1983, Vincent Message enseigne la littérature à l'université Paris 8 Saint-Denis. Son premier roman Les Veilleurs a été récompensé par le prix Laurent Bonelli Virgin-Lire et le prix de la Vocation.

20 commentaires:

  1. A relire mon billet, je constate que j'en avais trop dit.Erreur d'enthousiaste, on va dire (moi je connaissais l'auteur et n'avais pas besoin qu'on m'en parle plus) Ton billet, lui, préviens le lecteur, à lui de décider s'il veut être spoilé ou pas.
    Quand même un bon roman, qui reste en mémoire.

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    1. Je trouve que tu dis juste ce qu'il faut, ton billet était très bien. Je ne pense pas que la totale découverte de l'histoire au fur et à mesure de ma lecture aurait changé mon ressenti - et je ne l'aurais pas lu de si tôt si je n'en avais absolument rien su.:-)
      Je pense par contre que mes attentes étaient très hautes vu la quasi unanimité sur la puissance de ce récit, et c'est là où j'ai été un peu déçue.

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  2. Tu as des arguments, c'est indéniable... mais je reste subjuguée par ce roman brillant... Na ! ;-)

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    1. Ah mais tant mieux si ce livre trouve son public, c'est très mérité en plus, je pourrais même le recommander, en précisant que beaucoup ont adoré même si moi j'ai quelques réserves qui ne tiennent qu'à mes goûts personnels.:-)

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  3. Encore un que je ne connais pas et que je lirai sans doute pas.
    Bon weekend.

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    1. Aaah mais ça se trouve, tu saurais apprécier ! À noter quand même pour une prochaine session "contrainte", sait-on jamais.;-)

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  4. Il est dans ma PAL tu comprends que je ne lise pas ton billet en entier ! ;-)

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    1. Tout à fait !:-) Très curieuse de ton avis au sujet de ce livre. J'espère qu'il ne restera pas dans ta PAL trop longtemps !

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  5. Je n'avais jamais vu que c'était un roman SF. Ca me freine du coup.

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    1. Je le classe SF parce qu'on y parle d'ET mais on est quand même loin de la hard SF, du space opera ou du steampunk.:-) C'est, si on veut, un roman qui parle des hommes à travers les ET.:-)

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  6. Moi c'est le discours finalement très donneur de leçon qui m'a agacé. Et bien trop politique aussi. Non, vraiment, je suis loin de m'être régalé.

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    1. Oui, je sens que ça t'est resté un peu en travers de la gorge.;-)

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  7. Très peu pour moi, je passe aussi.

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    1. Dommage, je suis curieuse du coup de savoir qui, parmi ceux qui ne l'ont pas encore lu, sera séduit par les propos et l'histoire de ce roman, et qui ne le sera pas.:-)

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  8. Je n’ai pas lu ce roman et comme je suis incapable d’arrêter de lire ton billet après le deuxième paragraphe alors je poursuis (c’est le même principe avec les enfants, il suffit de leur dire de ne pas se mettre le doigt dans l’eau chaude qu’ils le feront!) ^^
    Ceci dit malgré les bémols et les quelques soupirs (mdr), je trouve quand même l’idée intéressante d’inverser les rôles. Que l’homme se retrouve proie le rendrait sans doute plus humain et modeste!
    Je t’ai déjà dit que j’aimais tes billets toi? :D

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    1. Merci, merci, me voilà très touchée !:-) Bon, du coup j'en profite pour te dire que j'aime beaucoup tes interventions et nos échanges aussi (séquence émotion haha) !
      Aaah je suis pareille, si on me dit "ne fais pas", je suis très tentée de faire, haha ! Mais bon, pour les livres, je déteste tellement les spoilers que généralement, j'arrive à me contrôler.:-) Si cette thématique et l'idée d'inversion des rôles t'intriguent, ce n'est pas impossible que tu apprécies ce roman, et tu y seras peut-être même plus sensible que moi. Curieuse de le savoir.:-)

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  9. Moi j'ai adoré et j'ai tellement aimé l'écriture !

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    1. Vous êtes nombreux dans ce cas-là.:-) Un roman qui séduira sans doute bien d'autres lecteurs et c'est tant mieux.

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  10. Comme on ne peut pas tout lire, je dirais : "Mouais" ! Les écritures "trop appliquée" ne me sont pas toujours agréable, car souvent, elles nuisent à la fluidité de ma lecture !

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    1. C'est exactement ça en fait. Ceci dit, c'est une écriture qui en a séduit plus d'un(e). Ça se trouve, ce serait à ton goût.;-)

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