mercredi 16 juin 2021

A ROOM OF ONE'S OWN


A ROOM OF ONE'S OWN

( UNE CHAMBRE À SOI
également traduit sous le titre UNE PIÈCE BIEN À SOI )

Si ma première rencontre avec Virginia Woolf ne fut pas totalement concluante, je n'ai pas pour autant détourné les yeux en tombant sur cet essai que j'ai dévoré en un rien de temps. Il faut dire qu'il est court (certes) que le thème m'intéressait grandement, celui des femmes et de la fiction, sujet développé lors d'une conférence qu'elle a été invitée à donner à Cambridge en 1928. D'emblée, j'ai aimé le fait que, devant l'ampleur de la tâche, elle choisisse une façon originale et presque ludique d'explorer ce thème puisqu'elle décide de l'aborder sous la forme d'une promenade fictive à "Oxbridge", nous offrant ainsi un panorama saisissant des disparités homme-femme au fil de l'Histoire. Judicieux ! C'est un peu comme un "Il était une fois... (la vie, l'Homme)" avant l'heure, ou ces reconstitutions historiques dans les documentaires TV.

Les femmes et la fiction (ou le roman, d'après la version française)... Vaste sujet, plus complexe qu'il n'y paraît. "Merci du cadeau" a dû se dire Virginia Woolf, ce qu'elle a exprimé de façon plus subtile que je n'aurais su le faire :
"Ce qu'on attendait de moi, était-ce seulement un hommage à des écrivains femmes illustres, Jane Austen, les soeurs Brontë, George Eliot ? À y regarder de plus près, cette association "femme" et "roman" me parut moins simple. Peut-être faudrait-il parler des femmes et de ce qui les caractérise, ou des femmes et des romans qu'elles écrivent, ou des romans qui traitent de la femme, ou encore, pensant que ces trois possibilités sont intimement liées, votre désir est-il que je les envisage dans leur entrelacement ?"

Pour Woolf en tout cas, une chose est claire :
"Une femme, pour être en mesure d'écrire, doit avoir de l'argent et une chambre à elle; et cela, comme vous allez le voir, ne résout en rien le grand problème de ce qu'est la vraie nature de la femme et la vraie nature de la littérature."

Et elle a raison. Je passe sur l'argent, qui est une évidence, mais regardez, en plein confinement, les difficultés des familles pour télétravailler sereinement suivant que chacun ait ou non son espace vital, son bureau, sa pièce à soi bien aménagée.
Alors imaginons les femmes des siècles précédents, reléguées au rôle que leur époque leur a attribué, affairées à la tenue du foyer, constamment interrompues et n'ayant pas vraiment l'énergie ni le loisir d'écrire comme elles l'entendraient, quand bien même cela les démangerait. 
D'ailleurs, fait étonnant et que j'ai reçu comme un choc en le réalisant, on ne recense aucune écrivaine (en Angleterre du moins) avant le 17e ou 18e siècle. Elles émergeront plus tard mais non sans difficultés. Jane Austen écrivait dans un salon commun tout en devant dissimuler son activité. Et impossible dans de telles conditions d'écrire de la poésie. Les romans demandent moins de concentration...
Autre fait qui m'a profondément indignée, si on ne trouvait pas d'ouvrages écrits par des femmes avant le 17e-18e siècle, on trouvait en revanche beaucoup de textes sur les femmes... mais écrits par des hommes. J'en conclus qu'elles fascinaient ces derniers (visiblement), mais plutôt que de leur offrir la possibilité de s'exprimer sur elles-mêmes (ou sur d'autres sujets), ils se satisfaisaient de leur propre vision de la femme. Aaargh ! 

À travers cette promenade fictive très instructive et révélatrice des disparités homme-femme au fil des siècles, Virginia Woolf interroge, non sans une certaine ironie, ce système économique et social historiquement en défaveur de la femme qui, pendant longtemps, n'aura pas eu la possibilité d'écrire et de créer avec la même liberté que l'homme.

Ce que j'ai trouvé admirable aussi chez Woolf, c'est sa faculté à percevoir l'état d'esprit dans lequel les romancières (Jane Austen, les soeurs Brontë, etc) écrivaient leurs livres, ceci à travers une analyse très fine de quelques extraits de leurs romans. La façon dont elle arrive à lire entre les lignes, en s'appuyant sur le contexte de leur époque, m'a juste bluffée. J'ai trouvé ça particulièrement fascinant et ça a éclairé ces romans d'une nouvelle lumière encore. Limite je les relirais presque pour mieux les percevoir sous cet angle et essayer de déchiffrer moi aussi les indices qui révèleraient la réalité de l'époque pour ces femmes.

Un sujet vraiment très très intéressant que "la femme et la fiction". Je crois que j'ai surligné tout le livre d'ailleurs (mais en numérique, ce n'est pas très gênant^^). Il suscite en tout cas clairement une montagne de réactions et de réflexions que je vais encore ruminer longuement.

22 commentaires:

  1. C'est par ses essais que j'ai 'accroché' à virginia woolf, et tu le comprendras! Je me le relirais bien, tiens!

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    1. Oui, c'est un livre que je pourrais bien relire aussi. Et je tenterai sûrement un autre Woolf à l'occasion. C'était prévu d'ailleurs à l'époque où j'ai lu Mrs Dalloway mais bon, le temps passe si vite...

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  2. Je l'ai lu également il y a peu, cet essai ( en fin d'année dernière ), il m'a permis de découvrir la plume de V.Woolf, et comme toi, il m'a beaucoup intéressée. Je la relis en ce moment, ou plutôt j'essaie, trop peu dispo ( pas Mrs Dalloway ;-) )

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    1. J'ai recherché ton billet, je ne l'ai pas trouvé. Tu n'en as peut-être pas fait ? En tout cas, oui, j'ai beaucoup aimé la plume de Woolf ici et ça m'a bien donné envie de revenir à elle (malgré Mrs Dalloway^^).

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    2. Oups, non, pas de billet. Merci d'avoir cherché !

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    3. Ah c'est bien dommage !

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  3. Il faudrait que je le relise mais je garde un bon souvenir de cette lecture qui effectivement, nous pousse à réfléchir...

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    1. Je pense que je le relirai aussi un jour. Peut-être juste avant de me plonger dans un des classiques anglais écrits par une femme.:)

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  4. Bin j'en suis a 2 livres avec Virginia et ce n'est pas des succes pour moi....alors je note celui-ci.....

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    1. Ah zut, moi qui étais motivée pour retenter un roman de Woolf. Cet essai vaut le détour en tout cas et ça a été un vrai plaisir de lecture.:)

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  5. J'ai dans ma pal Le phare que j'avais commencé (mollement) il y a fort longtemps et que j'ai abandonné. Tu n'es pas le première ce mois-ci à en parler, et j'avoue que cet essai me tente beaucoup plus que ses fictions...

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    1. Peut-être que ses romans ne sont pas faits pour nous.^^ Tu me fais de nouveau hésiter à m'aventurer dans un autre de ses romans comme j'en avais l'intention. En tout cas, cet essai, oui, tu peux y aller sans problème. Je le recommande même chaudement.

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  6. Je suis rassurée... je t'explique mon inquiétude ! Je n'ai pas de GR, donc je vais sur les blogs au petit bonheur la chance. ces derniers temps, tous les jours je venais chez toi et pas de nouveau billet depuis un moment. Je me disais, elle va nous sortir un pavé de 1500 pages !!! Même pas !!!
    Bon trêve de plaisanterie, ce texte me tente bien, le seul problème est que je n'ai jamais lu Wolf ni les autres, à part 2 Austen... Donc j'ai peur d'être un peu paumée et de ne pas commencer les choses dans l'ordre. A moins qu'au contraire, lire ce texte avant me permettrait de mieux appréhender ces sans doute futures lectures !
    En tout cas, j'admire toujours autant ton style et ta richesse de vocabulaire ! Des mots que je connais évidemment, mais que je suis incapable de glisser dans un billet par ce que je n'y pense pas, qu'ils ne sont pas assez dans mon langage courant ! Donc bravo !

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    1. Ah pas d'inquiétude, j'ai de quoi publier pour au moins deux mois.^^ Je dois avoir une petite dizaine de billets de retard, ceci dit je suis sur ce rythme depuis bien deux ans donc pas d'alerte particulière. Et j'ai en effet eu moins de temps pour les blogs ces derniers jours.
      Quant à cet essai, si le sujet t'intéresse, c'est l'essentiel. Pas de raison que tu n'y comprennes rien. Il peut tout à fait se lire indépendamment du fait qu'on ait lu Woolf ou beaucoup de classiques.
      Merci pour tes compliments.;) J'avoue que je me suis relue pour voir quel miracle stylistique j'avais accompli mais je n'ai rien vu de frappant. Bon, tant mieux si ça fait illusion.^^

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    2. Oui, cela me fait illusion car je serais incapable d'écrire comme tu le fais alors que j'aimerais bien !
      Moi, c'est le contraire, j'ai très souvent fonctionné avec des billets d'avance, mais là, depuis que j'habite à Dinard et que je me passionne pour les oiseaux, je suis à flux tendu et mon blog est quelque peu en souffrance. Je passe beaucoup plus de temps dehors, donc je lis moins ! Mais.... je retourne au ciné !!!

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    3. Ah je suis flattée, d'autant plus que j'ai toujours trouvé, et ce n'est pas du tout pour te rendre la politesse^^, tes billets savoureux. Vraiment, souvent tu as des tournures de phrases qui m'épatent !
      Oui, j'ai remarqué ta nouvelle passion pour les oiseaux.^^ C'est bien aussi de se trouver de nouveaux centres d'intérêt. C'est même une chance !

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  7. Il est incroyable ce petit livre, n'est-ce pas? Je pensais m'ennuyer, je me suis régalée !

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    1. Tout pareil ! Enfin, j'étais convaincue, de par le sujet, que j'y trouverais mon compte mais je ne pensais pas me régaler à ce point.:)

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  8. J'ai lu Mrs Dalloway et je me suis... ennuyée... Peut-être que cet essai serait plus attrayant ?

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    1. N'ayant pas moi-même trouvé Mrs Dalloway palpitant, il y a en effet des chances que, tout comme moi, tu sois en revanche conquise par cet essai.;)

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  9. C'est vraiment un grand livre, et finalement très actuel !

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    1. Oui, c'est un livre qui résonne encore fortement aujourd'hui.

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