HÔTEL DF
traduit de l'espagnol (Mexique) par Nelly Lhermillier
Une lecture que je dois à Rachel qui me l'a généreusement offert pour le Book Trip Mexicain. Ma PAL et ma liste d'envies ont fini par être telles que ce n'est que maintenant que j'ai pu le lire (enfin, il y a un mois et demi, mais j'ai aussi du retard dans mes billets^^).
Frank Henestrosa, le narrateur, journaliste intermittent sans ambition, un peu looser, décide de s'accorder quelques jours de vacances dans un hôtel à Mexico avec le petit pactole - oh, rien d'extravagant - qu'il vient de toucher pour un de ses travaux journalistiques. L'hôtel de son choix est le lieu d'affaires étranges, où circulent tout type de personnages, des touristes, des locaux, tous un peu barrés, sans parler du personnel non moins insolite.
Outre cette galerie de personnages peu banals, parfois rocambolesques, Hôtel DF offre aussi le portrait en creux de Mexico, ville de caractère plutôt que ville de charme. Les aspirations et les pensées des différents protagonistes ainsi que ce qu'ils traversent reflètent bien la réalité mexicaine. Une réalité tendue, où enlèvements, rançons, trafic de drogue, corruption se mêlent au quotidien dans tout ce qu'il a de plus ordinaire. Le contraste est saisissant. En fait, c'est le reflet sombre du Mexique qui m'avait beaucoup inquiétée avant que je n'y mette les pieds en septembre dernier, mais finalement, tout comme les touristes peut-être, je n'ai rien ressenti ni vu du danger dont on parle tant. Mais il est là, prêt à surgir de l'ombre, qu'on ne se voile pas la face !
J'ai beaucoup aimé les réflexions qui émaillaient ce roman et je me suis laissée aller à quelques sourires d'hyène face aux traits d'humour assez vifs et piquants de l'auteur, Guillermo Fadanelli.
"La matinée se serre comme un poing, on est mardi, le vrai premier jour de la semaine, personne ne bâille."
Mon petit bémol, c'est que l'on suit toute une galerie de personnages, avec un semblant d'intrigue qui les lie et une montée en puissance de la tension narrative à un moment, et puis paf, tout retombe comme un soufflé, chacun suit son chemin, et le roman s'arrête comme ça, nous laissant un peu sur notre faim.
Par ailleurs, avec un narrateur looser dans l'âme, le ton du roman est un peu à la mélancolie, traînant une forme de tristesse portée par quelques réflexions trop existentielles, et malgré les nombreux traits d'esprit assez savoureux et amusants, certains passages foutent quand même un peu le cafard et m'ont paru longuets sur la fin.
Quelques extraits :
"- Comment dit-on vingt-et-un en allemand ?
- Zimmer Einundzwanzig.
- Ça, personne ne le comprend, ici il vient beaucoup d'étrangers, mais vous, les Allemands, personne ne vous comprend, vous devez beaucoup souffrir pour apprendre ces mots-là."
"Pour le dire avec des mots qui n'ont rien d'harmonieux, les choses, telles qu'elles sont sur terre, sont mal faites. Les cerfs procréent à quelques kilomètres de l'endroit où une bande de félins commence à sentir un creux à l'estomac, les requins s'approchent tout près des phoques qui jouent dans la mer et déchirent leur peau si dure et si lisse, les voitures passent sur le corps d'un chien déchiqueté sur une voie du périphérique. Chiens et périphériques au même endroit, quelle misère, vraiment !"
"[...] Vous marchez vraiment très vite.
- Disons que j'essaie de m'éloigner de vous. [...]"
"Flora a lavé et repassé mon pantalon et ma chemise, elle l'a fait si rapidement, en seulement vingt minutes, que cela a réveillé chez moi une reconnaissance canine ; si j'avais une longue queue je la remuerais d'un côté et de l'autre pour lui signifier ma considération : que de discours idiots seraient évités avec une queue faisant des tours comme un moulinet !"
L'auteur
Guillermo Fadanelli est né à Mexico en 1963. En 1988, il abandonne ses études d'ingénieur pour se consacrer à la littérature et fonde en 1989 la revue underground Moho. En 1995, il crée la maison d'édition Moho et collabore à plusieurs fanzines mexicains. Son roman Boue a été finaliste en 2003 du prix Rómulo Gallegos, le prix littéraire le plus important d'Amérique latine.
On ne croise pas souvent Fadanelli sur les blogs. Pas lu ce titre mais j'ai un bon souvenir de "Boue" et "Eduquer les taupes".
RépondreSupprimerJe ne l'ai jamais croisé nulle part, je dois dire (ou je n'ai pas fait attention).^^ Je reviendrai sûrement à lui. Il a quelque chose d'original, drôle et déroutant qui mériterait que je creuse un peu plus loin dans ses oeuvres.
SupprimerTu poursuis ton trip mexicain, bien bien, pour ma part un titre pour le challenge latino, et voilà.
RépondreSupprimerAh nonon, là ce n'est plus le book trip mexicain, mais sa clôture n'empêche pas que je puisse continuer à lire mexicain^^, bien au contraire même. J'ai encore beaucoup de romans à découvrir au rayon mexicain, nombre d'entre eux notés pendant le book trip.:)
SupprimerEt bin tu me donnes quand meme l'envie de le lire...na....oui la melancolie, c'est un peu Mexique...;) En plus j'aime beaucoup ces livres qui se passent dans les immeubles...;)
RépondreSupprimerOui, moi aussi j'aime beaucoup les immeubles et leurs occupants comme scènes et personnages d'une intrigue. C'est ce qui m'avait attirée avec ce roman d'ailleurs. Très curieuse de ton avis si tu le lis !
SupprimerLe retour du Mexique. Même commentaire que Keisha ( avec moins de garantie ;)), un titre mexicain m'attend encore, j'y crois !
RépondreSupprimerAh moi aussi, je l'attends, ce titre mexicain !^^ J'en ai encore pas mal en réserve, et c'est tant mieux. C'est une littérature que j'ai vraiment envie de continuer à explorer. Je vais voir pour le mois latino. Je voulais opter pour un brésilien mais mon planning de lecture est déjà bien chargé pour ces prochaines semaines...
SupprimerJe prévois aussi de lire latino, mais ce ne sera sans doute pas mexicain cette année... J'ai feuilleté Gabacho à la médiathèque, ça ne me dit trop rien...
RépondreSupprimerGabacho n'est peut-être pas à mettre en toutes les mains en effet, mais ça rentre tout à fait dans le type de lectures qui peuvent me secouer. J'en garde encore un souvenir fort.:) Il m'a en plus vraiment épatée car l'auteure était très jeune quand elle l'a écrit. Entre 16 et 19 ans, de mémoire.
SupprimerIntéressant, malgré tes bémols, c'est un auteur que je ne connais pas, je note en priorité les titres cités par Sandrine. Et je mets ton lien de côté : à 14 jours près, je peux bien l'intégrer au Mois latino !
RépondreSupprimerAh oui, pas de souci ! Je l'ai lu début décembre donc le mois latino me semblait encore loin, mais c'est une bonne chose de répertorier quelque part toutes les lectures de ces pays. Elles ne sont pas si nombreuses. J'ai d'ailleurs cherché quelques idées pour le Brésil dans tes précédentes éditions, mais il n'y a finalement pas moult choix parmi ce que je n'ai pas déjà lu, contrairement à l'Argentine par exemple.
SupprimerOui, l'Argentine, le Chili et le Mexique ont tendance à prendre beaucoup de place (parce que leur littérature est davantage traduite ?). Je réalise que je lis moi aussi peu de brésiliens. J'en ai commandé un : L'attrapeur d'oiseaux, paru en 2022, de Pedro Cesarino. Il pourrait peut-être te plaire (les avis sur Babelio sont peu nombreux mais très tentants). J'espère que je le recevrai à temps pour le lire et rédiger ma critique..
SupprimerOooh mais merci pour cette idée de lecture ! Ça m'a l'air d'être une bonne pioche en effet. Je vais essayer de le caser en février. 160 pages, ça devrait être faisable.^^ On pourrait peut-être se prévoir une LC si tu penses être dans les temps aussi ? Mais plus vers la dernière semaine de février, car j'ai déjà deux LC avant.
SupprimerJ'ai surtout l'impression qu'on ne communique pas beaucoup sur les parutions contemporaines côté littérature brésilienne. Ma recherche récente ne m'a absolument pas suggéré ton titre, ni trois autres parus ces cinq dernières années et que j'ai lus (et savourés) dernièrement.
En fait j'ai fait une recherche par le mot clé Amazonie sur Babelio, parce que je cherchais des lectures en lien avec les minorités ethniques. J'ai aussi commandé Texaco, une BD (équatorienne) sur la lutte contre la compagnie pétrolière américaine qui a exploité le pétrole de sa région en saccageant l'environnement, et un essai anthropologique sur les Yanomami, écrit en collaboration avec un chaman de la tribu (située au Brésil)...
SupprimerPour la LC, je suis partante, bien sûr : comme je te l'ai écrit sur mon blog, je propose de ne caler la date (fin février en tous cas) que lorsque nous aurons plus de visibilité sur notre lecture ,
Faisons comme ça pour la LC ! :)
SupprimerTu as fait des trouvailles intéressantes via ta recherche ! Texaco, je l'avais repéré depuis un moment( je tombe souvent dessus dans ma bibli, et les avis sont très positifs), mais je ne me suis pas encore laissée tenter, le sujet me semblant chargé. Ton avis me décidera peut-être.
Trop de petits bémols pour que j'aie envie de rentrer passer la nuit dans cet hôtel !!!
RépondreSupprimerHaha, bien dit ! ;)
SupprimerJe ne connais pas du tout et, comme tu ne pousses pas trop à la consommation, je vais passer...
RépondreSupprimerJe confirme, ce n'est pas ton rayon.;)
Supprimer