dimanche 14 juin 2015

IL EST DE RETOUR


IL EST DE RETOUR

traduit de l'allemand par Pierre Deshusses

J'ignore encore comment l'idée que la thématique de ce livre puisse m'amuser m'a effleuré l'esprit. Le retour d'Hitler à notre époque, en 2011 plus précisément, 66 ans après sa disparition. Je pense que c'est l'idée d'un personnage historique débarquant dans notre ère, avec tout ce que ça implique de quiproquos et de déphasement, qui m'a semblé truculente. Et j'avoue que l'idée que ce soit Hitler m'a paru assez originale et osée pour que cela m'intrigue. Je m'attendais au meilleur comme au pire.

Le pire, c'était de replonger dans toute l'idéologie nazie, tout l'aspect politique de l'époque, et de me farcir tout le long un cours d'histoire en accéléré mais dense version Hitler, ce dernier ne cessant de ressasser sa grande époque, précédée de longues épreuves, alors qu'il est confronté à sa nouvelle réalité, et ensuite de me farcir ses discours politiques et d'incitation à la haine quand il échange avec ses nouveaux contemporains.

Le meilleur, je l'ai eu justement avec le lot de quiproquos entre Hitler et son entourage qui ne le prend bien sûr pas pour le vrai Hitler mais pour un acteur. Des quiproquos assez amusants, des dialogues cocasses dus à l'absurde de situation, sans parler de la confrontation d'Hitler avec les nouvelles technologies (Internet, TV, très drôle sa découverte des émissions culinaires, les feuilletons télévisés, etc) et les moeurs du 21è siècle. Le décalage entre son époque et la nôtre est bien mis en lumière et plutôt bien exploité.

Dès les premières pages, j'ai senti toutefois que j'étais typiquement dans le genre de récit que je n'aime pas catégorie loufoque. Tout est prévisible, l'humour parfois grotesque, grandguignolesque, un peu lourdingue, sans surprise. Il y a une atmosphère un peu bon enfant que je déteste, et une intrigue assez légère. Ça m'a rappelé un peu Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire dans l'esprit. La 4è page de couv' situe cet humour entre Chaplin, Borat et Sholom Auslander. Je ne retiendrai que Borat dans le lot, bien que l'humour ici ne soit pas aussi grossier, mais dans l'ennui et la lassitude face à l'humour, ce serait ce genre de ressenti.

Je m'y suis tellement ennuyée que l'idée d'abandonner le roman m'est souvent venu à l'esprit. Comme c'est quelque chose que je rechigne à faire, c'est en diagonale que j'ai poursuivi ma lecture bien avant la moitié du livre, jusqu'à la fin, sans me soucier de comprendre quoi que ce soit de ce qui se déroulait, parvenant même à lire en diagonale en pensant à toute autre chose. Étonnamment, je pourrais dire que malgré tout, je n'ai pas eu le sentiment de me perdre dans cette lecture, et même, j'ai plutôt bien suivi l'histoire. Un peu à la façon des "Feux de l'amour" qui passeraient en fond, et dont on entendrait un ou deux dialogues par intermittence, ce qui suffit largement à situer l'histoire et sa progression.

La 4è page de couv' parle d'un succès inouï de ce roman en Allemagne. J'ai vraiment du mal à comprendre pourquoi. Elle décrit ce récit comme "une satire aussi hilarante que grinçante qui nous rappelle que face à la montée des extrémismes et à la démagogie, la vigilance reste plus que jamais de mise." Effectivement, Hitler ici, bien que ridiculisé, est montré sous un angle presque sympathique, mais j'ai trouvé cela terriblement dérangeant et peu crédible, improbable même, s'agissant d'Hitler... Il suscite d'ailleurs plus d'admiration que de dégoût ou de crainte. Les gens le voient comme un doux fou et ne le prennent pas au sérieux, certes, mais plutôt que de l'interner, le rejeter ou ne pas prêter attention à ses discours, ce qui m'aurait semblé plus logique et cohérent, voilà qu'il est porté aux nues par une équipe de télé qui voit en lui une aubaine pour leur comic show, et rencontre un succès fou auprès du public.
Du grand n'importe quoi mais qui ne fait pas sourire une seconde. Des fois, je trouvais tout cela même limite. Et je ne comprends pas qu'on puisse imaginer un public approuver et rire de ces paroles incitant à la haine, même en le voyant sous l'angle de la blague.
Certes (encore une fois), quelques voix médiatiques s'insurgent et crient au scandale, mais tout le monde s'en fout. Ou alors faut-il voir là justement le danger, la satire ? Qu'un doux dingue/fou furieux peut facilement monter au pouvoir pour peu qu'on ne le prenne pas au sérieux et qu'on ne se méfie pas assez au début ? Et quand on ouvre les yeux, il est trop tard ? Si c'est ça le message, franchement bof, on repassera.

Un roman auquel je n'ai trouvé AUCUN intérêt, à part peut-être les petits quiproquos ici et là.

Dans le même genre (personnage historique dans notre époque), j'ai déjà noté Monsieur Mozart se réveille d'Eva Baronsky (tiens, écrivain allemand elle aussi), repéré chez Sandrine. Espérons que pour celui-ci, la sauce prenne mieux.

L'auteur
De mère allemande et de père juif hongrois réfugié en Allemagne, Timur Vermes est né à Nuremberg en 1967. Après des études d'histoire et de sciences politiques, il devient journaliste et contribue à de nombreux journaux et magazines. Succès colossol outre-Rhin avec près d'1,5 million d'exemplaires vendus, traduit dans 35 langues, Il est de retour est son premier roman.

Intègre le  
Allemagne => 10/28

24 commentaires:

  1. Pis au moins Mozart ne sent pas le soufre et ne réveille pas des souvenirs nauséabonds ou douloureux...

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    1. Oui, un tout autre univers.;-) Et puis la musique, ça me connaît mieux que la politique. Mozart en plus !

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  2. Ce roman m'a plu et j'ai même bien ri. Mais je te rassure, ce ne sont pas les discours haineux d'Hitler qui m'ont fait rire, ça évidemment, ça m'inquiète plutôt. Ils sont pourtant une des réussites du roman à mes yeux puisqu'aujourd'hui encore, ils ont du succès et touchent une certaine population, alors qu'on croit bien sûr que c'est impossible.
    Ce qui m'a fait rire c'est le contexte, le décalage entre ce Hitler sûr de lui et tous les gens autour qui le prennent pour un acteur.
    "Monsieur Mozart..." est beaucoup plu léger. Moi j'ai préféré Hitler (oups !).

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    1. Je peux comprendre ce qui t'a amusée dans ce roman, je n'ai moi-même pas été totalement hermétique aux quelques aspects cocasses qui visiblement t'ont franchement conquise.;-) Après, je comprends aussi ce que veut démontrer l'auteur avec cette intrigue plus qu'improbable - "méfiance, restons sur nos gardes" ok - mais c'est justement tellement improbable que j'en ai trouvé ça grotesque. Que les gens se soient fait avoir par Hitler une première fois, ok, mais une deuxième, ce serait énorme quand même. C'est Hitler, pas un obscur arriviste lambda et le monde entier sait qu'il en a causé des dégâts, et pas que des petits. Alors j'ai du mal à imaginer que son retour (ou l'arrivée d'un personnage identique trait pour trait, avec le même discours) soit acclamé par les foules, surtout en Allemagne...
      Nonon, Mozart, je le sens mieux.;-)

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  3. (A priori mon ordi a buggué et mon comm n'a pas été publié, je retente, désolée si cela fait doublon...)
    Les écueils que tu cites sont exactement ceux que je craignais quand j'ai pris connaissance de l'existence de ce livre, en particulier le risque de rendre Hitler sympathique. Peut-être ce livre a-t-il eu du succès en Allemagne parce que c'est un moyen pour eux de prendre une "petite" revanche sur l'Histoire ?

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    1. J'avoue que j'ai du mal à voir où est-ce qu'ils trouveraient leur revanche dans ce récit tel qu'il a été conçu par l'auteur. Il faudrait en fait que j'aille voir quelques critiques de lecteurs allemands pour m'éclairer.:-) Ça pourrait d'ailleurs être particulièrement intéressant !

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  4. Bon, eh bien, je passerai. Je crains ce que tu cites :-)

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    1. C'est surtout que ça aurait franchement pu être intéressant, original, audacieux, mais j'ai trouvé ça atrocement ennuyeux...

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  5. Depuis le début je me doutais que ce serait une horreur. La fausse bonne idée qui va bien faire parler et offrir au bouquin une sacrée pub à moindre coût... beurk !

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    1. J'ai eu des doutes, mais la curiosité a été plus forte.;-) Bon, mes doutes étaient fondés, je suis fixée, mais je ne m'explique toujours pas ce succès outre-Rhin...

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  6. Ha zut, j'ai offert ce livre à un collègue qui l'a apprécié, du coup ça me tentait bien aussi.

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    1. Bon, après tout, il n'est pas le seul à avoir apprécié. Sandrine (cf comm') est même plutôt enthousiaste. Peut-être faudrait-il que tu le lises quand même pour te faire ta propre opinion, surtout si la tentation est là.:-)

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  7. Bon, rassurée je suis, il ne m'avait jamais tentée...

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    1. Alors s'il ne t'avait jamais tentée, inutile de t'y risquer en effet.:-)

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  8. A sa sortie, les blogueurs avaient été arrosés par ce livre, et franchement, le postulat de départ me gène tellement, que pas une fois je n'ai pensé à la lire, pour toutes les raisons que tu expliques très bien dans ton billet.
    Bravo

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    1. J'avoue, j'ai parfois une attirance étrange pour certains livres, une curiosité que je ne saurais expliquer ou analyser véritablement.;-) Pour ce roman, le postulat de départ ne me dérangeait pas du tout au début. C'est quand je l'ai eu entre les mains que le doute et la crainte ont commencé à s'installer, comme si je réalisais subitement... Et je n'étais pas très à l'aise en le lisant dans le métro. La couverture est tellement évocatrice.:-) Très réussie d'ailleurs, cette mise en page du titre !

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  9. Je me méfie des phrases alléchantes sur les 4èmes de couv comme sur les affiches de film d'ailleurs, elles sont souvent exagérées !
    Bon tant mieux si Hitler n'est pas convaincant au 21ème siècle ! Je passe !

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    1. Très emphatiques, toujours, ces accroches sur les couv', 4è de couv', et affiches de film, c'est vrai. A un moment donné, ça ne veut plus rien dire d'ailleurs, il n'y a plus de nuances, tout est magistral, chef d'oeuvre, et compagnie.;-)
      Heureusement qu'il reste les avis des lecteurs ou spectateurs pour tempérer tout ça !:-)

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  10. J'hésitais beaucoup. Après, dire que les gens ne s'y feraient pas reprendre, ça je t'avoue que je suis beaucoup plus pessimiste que toi! Je crois que malheureusement, les leçons de l'histoire ne sont retenues que par ceux qui s'y intéressent. Et ceux qui sont le plus susceptibles de tomber dans le panneau d'AH & co, ne sont pas les mêmes ! ceux-là sont gavés de conneries via la télé, et les sites internet idiots (voire pire). Quand j'entends les réflexions de certaines personnes que pourtant je pensais plus "intelligentes" et informées que cela, je t'assure, je suis atterrée, et limite flippée!

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    1. Oui, je suis d'accord avec toi. D'une manière générale, les leçons de l'Histoire ne semblent pas porter leurs fruits. La bêtise humaine est rageante et atterrante, inquiétante, désespérante. Ceci dit, je ne dis pas que l'attrait des extrémismes de toute sorte ne peut plus exister à notre époque, ou que les gens sont maintenant lucides, on a encore des exemples concrets, effarants, hélas... Ce que je voulais dire c'est que j'ai du mal à imaginer que LE Hitler de la deuxième guerre mondiale puisse débarquer à notre époque en étant accueilli quasi les bras ouverts par la majorité. Ça c'est un truc dans le scénario qui me fait vraiment tiquer. Mais bon, oui, tout est possible, hein...

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  11. L'idée est peut-être bonne mais, d'après ce que tu en dis, ce livre ne me plairait sûrement pas...
    Bon vendredi.

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    1. Difficile à dire. Certains adhèrent bien, d'autres non. C'est un peu toujours la même histoire avec les livres et leurs lecteurs de toute façon.;-) Bon weekend !

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  12. Ta première phrase décrit la même réaction que j'ai eu quand j'ai découvert le concept de ce bouquin ^^ Mais toujours pas lu car j'appréhendais de ne pas accrocher à l'humour de l'auteur : j'ai eu un bon instinct apparemment ! Après je trouve l'idée originale quand même *.*

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    1. Oui, l'idée reste originale, on peut lire ce roman par curiosité, parce qu'il est tout de même unique en son genre et terriblement audacieux, mais pour moi ce fut une pure perte de temps au final... Enfin, bon, maintenant je sais de quoi il retourne précisément.;-)

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