(
LE PRINCE DES MARÉES
)
Un beau pavé de 1070 pages (dans l'édition de poche française du
moins) (Géraldiiiine, reviens !) qui, je pensais (avec une légère
appréhension) allait me durer tout le mois de novembre. Que nenni, il m'aura
(étonnamment) duré 9 jours !!
Une briquasse dévorée donc, grâce à une LC déchaînée (certaines
l'auront même fini en 4-5 jours) mais aussi une intrigue entraînante où
l'auteur, Pat Conroy, joue du suspense tout le long, du cliffhanger quasi à
chaque fin de chapitre (le petit vilain coquin) et de nombreux rebondissements inattendus. Et pourtant ce
n'est pas un thriller, loin de là. C'est même carrément le genre de romans que
je fuis normalement pour cause de thématiques tournant autour des drames familiaux et des secrets de famille. Vraiment pile poil ce qui ne
m'emballe pas habituellement. Il y a même une psy dans l'histoire (vade retro).
Mais tout ça, je ne le savais pas vraiment avant d'embarquer car, comme avec la
plupart des romans que de nombreux lecteurs insistent pour hisser au sommet,
quand je finis par céder à la curiosité, je préfère me laisser le plaisir de
découvrir l'intrigue au fur et à mesure. Il y a bien quelques facteurs qui
m'ont tout de même décidée car je ne m'engage pas aussi légèrement dans de
tels pavés :
- une certaine faiblesse face à la tentation livresque, surtout à force de
lire "coup de coeur" pour un livre (à un moment, ça ne peut être
anodin)
- la perspective de la LC (rien de plus motivant 😁)
- et surtout le fait que Pat Conroy soit présenté comme l'un des grands
écrivains du Sud (des États-Unis) et que l'intrigue de ce roman se déroule principalement dans
le Sud, en Caroline du Sud plus précisément. J'ai une fascination pour le Sud,
en commençant par la Louisiane, peut-être pour son histoire et sa culture
assez distinctes des autres régions, ses paysages, son climat, sa cuisine
aussi. D'ailleurs, dès le premier jour de lecture, j'ai profité de ma
balade de confinée pour aller m'acheter des crevettes et m'en empiffrer le
soir-même tellement leur présence et évocation ici étaient obsédantes. Petite
parenthèse aussi en parlant de littérature du Sud, cette lecture m'a
énormément motivée à enfin lire William Faulkner !
Bref, ce roman, c'est l'histoire de la famille Wingo, une histoire marquée par
un terrible secret que l'auteur prendra grand soin de ne dévoiler qu'au
chapitre 22 (sur 27 !). Mais des causes de traumatismes, sans avoir à creuser
bien loin ni attendre si longtemps, on pourra déjà en identifier tout au long
de l'enfance de la fratrie Wingo, Tom, Luke et Savannah, et même plus tard,
une fois passé ce fameux chapitre 22 (aah ce chapitre 27, grandiose !).
Les enfants Wingo grandissent dans les années 50-60, dans un Sud encore marqué par la ségrégation raciale, élevés à la dure par un père pêcheur de crevettes, rongé par l'ambition et en proie à des sautes d'humeur qui le rendent violent, et par une mère qui vit dans le déni de son statut social et poursuit la vie qu'elle pense mériter de droit.
C'est dans l'espoir de sauver Savannah après son énième tentative de
suicide que Tom accepte de monter à New York où elle a choisi de vivre et de raconter à Susan
Lowenstein, la psychothérapeute en charge de sa soeur jumelle, leur enfance et
leur histoire.
Ce qui m'a frappée d'emblée et très agréablement surprise, c'est l'humour qui traverse le récit tout le long. Un humour mordant, caustique, des scènes d'anthologie et des réparties truculentes qui m'ont tiré des rires de hyène hilare ! Je ne m'attendais vraiment pas à rire autant malgré le drame qui suinte de tous les pores de l'intrigue et j'ai vraiment apprécié cet aspect de la narration.
J'ai tout de suite adhéré aussi à l'écriture de Pat Conroy qui a indéniablement un grand talent de conteur. Il décrit les scènes et situations avec un tel réalisme et une telle puissance évocatrice qu'on a l'impression de les vivre sur l'instant (j'en ai eu quelques sueurs froides !). On vibre aussi avec ses personnages qui nous agacent, nous touchent, nous amusent, qu'on hait, plaint et
adore tour à tour. Il y a dans ce roman une belle galerie de personnages hauts en couleur et attachants, certains sont absolument impayables (la grand-mère 💗). La seule ombre au tableau (pour moi du moins), c'était le personnage de la psy qui ne m'a vraiment pas convaincue et qui a même failli gâcher mon plaisir de lecture. Et puis par moment, on bascule de cet univers très terre-à-terre, parfois dur et d'un réalisme saisissant, à des anecdotes plus romanesques, qui ont la saveur du conte ou du mythe et une touche de merveilleux (Caesar, le tigre 💗). On ne comprend pas tout de suite leur irruption en cours de récit mais elles ont leur place dans l'histoire. Tout a sa place dans cette trame narrative dont l'auteur a tissé les liens avec soin et subtilité, c'est ce que j'ai trouvé aussi assez admirable avec le recul.
On passe par toute sorte d'états en lisant ce livre. Mes co-lectrices ont eu
cette image très juste de montagnes russes d'émotions. On passe du rire à la
gorge nouée, du rire à l'angoisse, à l'horreur même (j'ai frôlé la crise
cardiaque), du rire au choc, du rire au coeur serré, et du rire au rire. Oui vraiment,
c'est incroyable ce que j'aurai ri malgré tout le tragique qui imbibe
l'histoire ! Mais au milieu du rire et de la tragédie, il y a aussi des moments lumineux, magnifiques, bouleversants. Sans parler de tous ces passages qui m'auront marquée par la justesse de leurs réflexions et leurs vérités cinglantes. Le chapitre 27 (Luke !) m'a coupé le souffle, c'était tout simplement magistral !
On ressort de ce roman titubant, presque sonné, mais transcendé par l'expérience, vraiment comme à la sortie de ces montagnes russes, pas encore prêt à embarquer directement sur un autre manège à sensations fortes, non, il faut
prendre le temps de s'en remettre.
À noter que ce roman a été adapté au cinéma en 1991 (film réalisé par Barbra Streisand qui y joue aussi le rôle de la psy).
L'auteur
Né à Atlanta en 1945 et décédé en 2016, Pat Conroy publie son premier roman
en 1972. Mais c'est avec Le Prince des marées, paru pour la première fois en
français en 1988, qu'il s'impose sur la scène littéraire comme un grand
écrivain du Sud et obtient une reconnaissance internationale.
Et bien dis donc, ça donne envie de découvrir ce roman et en même temps, que c'est gros ! Il faut un peu de temps devant soi, non ? Je le note pour... ma retraite. Même pas quelques petites longueurs ?
RépondreSupprimerNon vraiment, pas un mot, pas une virgule de trop.:) Je l'ai lu en 9 jours, sachant que dans la catégorie gros lecteurs, je suis plutôt le genre lectrice lente, donc non, pas nécessairement besoin de 3 mois devant soi. Et il y a certains romans plus courts que je mets bien plus de temps à finir. Mais je conçois qu'un tel pavé puisse effrayer. Le grand format ne faisait "que" 740 pages environ si ça peut te rassurer.;)
SupprimerHe bien, cela donne envie même si le nombre de pages me freine (alors qu'en deux tomes ça passerait comme une lettre à la poste !)... je tenterais bien les montagnes russes du Sud des USA !
RépondreSupprimerAhaha je viens de les rebaptiser "les montagnes conroyiennes" dans notre conversation de groupe LC. C'est fou comme on a tous du mal à se lancer dans les gros pavés. Remarque, tu pourrais prétendre qu'il s'agit de deux tomes et le lire en deux temps.;)
SupprimerIl me semble l'avoir lu dans les années 90, mais j'ai oublié plein de trucs. Le relire ? (un troisième confinement, là j'ai lu deux pavés de plus de 600 pages , ça se passe au texas, avec des indiens très très malins et féroces)
RépondreSupprimerEn tout cas j'aime ton billet, qui m'a bien fait rire par endroits;..
Figure-toi que parmi mes co-lectrices, une en était à sa troisième lecture et une autre à sa première relecture !:)
SupprimerAh ? Pour tes pavés, je suis allée voir sur Goodreads^^ mais je ne les ai pas vus. Des billets à venir bientôt je suppose.;) Je guette !
Ouais, relire...
SupprimerMais si, il s'agit de La marche du mort et Lune comanche, genre 600 et 700 pages! une sorte de prequel de l'incontournable Lonesome dove (pavéesque aussi je dis ça je dis rien), emprunté juste avant le confinement (et exprès!) mais qui n'a pas fait long feu. Notons le conroy pour le troisième confinement. (OK je sors!)
Aaah oui, je les ai retrouvés dans ta liste mais ils étaient lus avant d'autres dont tu avais déjà publié les billets. De beaux pavés, c'est clair. Remarque là en décembre, je suis partie pour deux 700 pages aussi.^^ Quant à Conroy, il y a déjà plein de LC prévues en 2021. Pas sûre de me joindre à toutes mais c'est sûr qu'un troisième confinement... (OK je sors aussi^^).
SupprimerJe suis là !!! Mais je maitrise très bien les gestes barrière et la distanciation sociale !!! Bon évidemment malgré ton enthousiasme qui fait plaisir à lire, pas pour moi !
RépondreSupprimerAhahaha ! Je la ressortirai celle-là, les gestes barrière et la distanciation sociale en lieu de bouclier anti-PAL !^^
SupprimerLilly avait beaucoup aimé aussi. Elle m'avait conseillé cet auteur. C'est déjà noté ! En revanche, je ne pense pas que je puisse le lire en 9 jours...
RépondreSupprimerJe ne pensais pas non plus, je tablais plus sur un bon mois, trois semaines au mieux. Comme quoi, tout est possible.;)
SupprimerJ'avais adoré ce roman, sa densité, ses personnages... et rien à voir, mais je viens de finir "L'isle lettrée", adaptation française de "Ella Minnow Pie", noté ici... j'ai beaucoup aimé (et bravo à la traductrice, quel défi !)... mon billet en décembre, si tout va bien !
RépondreSupprimerAaah vraiment hâte de te lire sur L'isle lettrée ! Je pense que je le lirai en français un jour. Je suis vraiment très curieuse du travail et des trouvailles de la traductrice pour restituer tout l'esprit de ce livre.
SupprimerJ'ai honte, je l'ai reçu en cadeau il y a longtemps et je ne l'ai toujours pas lu. Prêté cette semaine à mon frère qui me mendie de la lecture, au bout de 120 pages il adore (j'avais l'impression que les filles aiment particulièrement). Vos avis devraient me motiver mais plutôt pour l'été...
RépondreSupprimerIl faut dire qu'on est entouré d'une majorité de lectrices^^ mais c'est un roman qui peut autant séduire les hommes que les femmes sans problème. C'est dommage, tu aurais pu faire la LC avec nous, elle était particulièrement motivante. Je pense que j'aurais pu attendre encore un bon moment avant de me lancer sans ça.
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