L'USAGE DU MONDE
Repéré chez Keisha, ça faisait un moment que je caressais l'idée de m'embarquer dans ce récit de voyage entrepris par Nicolas Bouvier en 1953 depuis la Suisse jusqu'aux frontières de l'Inde, en passant par l'Anatolie, l'Iran et l'Afghanistan.
Un an et demi de route, accompagné de son ami, Thierry Vernet, qui documentera cette expédition en dessins et croquis dont certains illustrent ce récit.
"Voyez-vous... la ville [Tabriz - Azerbaïdjan] n'est ni turque, ni russe, ni persane... elle est un peu tout cela, bien sûr, mais au fond d'elle-même elle est centre-asiatique. [...] ... l'Asie centrale, dit-il encore, cette chose à laquelle, après la chute de Byzance, vos historiens européens n'ont plus rien compris."
Je m'y plonge enfin en mars en me disant, bon, puisqu'on ne peut ni voyager ni partir bien loin à l'aventure, ce livre fera l'affaire et me dépaysera forcément.
Ce long voyage, qui devait leur paraître interminable avec ces longues routes, des kilomètres de fournaise et de montagnes désertes, des hivers glaciaux, des pannes de voiture incessantes, entrecoupés de rencontres éclair au fur et à mesure de leur avancée déterminée, sans parler des galères financières une fois épuisées les premières économies, des recherches de petits boulots pour financer leur trajet, ce long voyage donc, je le faisais avec eux mais en lecture, et ça m'a paru plus interminable encore, moins vivant forcément, monotone presque, et dans le contexte où l'on ne peut s'évader, force est de constater que ce genre de lecture n'offre pas l'évasion espérée, ne me l'a pas offerte à moi du moins. Je ne me sentais pas concernée, et même si ce n'était pas à proprement parler ennuyeux, je n'étais pas enthousiaste à l'idée d'y retourner et j'ai pas mal lu en diagonale.
Peut-être le mauvais moment pour le lire finalement.
Par ailleurs, je n'ai pas ressenti d'attachement particulier pour nos routards. L'ami peintre en particulier m'a fait l'effet d'un figurant. Pas de personnalité détonante, pas d'identification, pas l'impression de faire le voyage avec eux, et pourtant, rien à redire vraiment. Ce récit est admirablement écrit, mêlant avec brio le descriptif, le littéraire et l'humain. Il y avait même quelques passages et rencontres intéressants suivant les villes ou villages mais ça me laissait de marbre la plupart du temps. On ressentait aussi leur fatigue au fur et à mesure de leur expédition, et c'est comme s'il s'opérait un transfert sur nous, lecteurs (enfin, sur moi).
À un moment où l'idée d'abandonner commençait à me traverser l'esprit (ils étaient en Iran, non loin de l'Afghanistan, à près de deux tiers du livre), c'est la perspective du but qu'était l'Inde qui m'a maintenue.
Las, le récit s'arrête au seuil de l'Inde alors que je sentais que là, ça m'aurait davantage parlé, étant peut-être plus familiarisée avec ce pays. J'ai assez aimé l'étape d'avant ceci dit, en Afghanistan, mais j'ai encore beaucoup lu en diagonale malgré tout.
Je termine sur les illustrations que, chou de Bruxelles sur le cake, j'ai trouvées personnellement assez affreuses.
Non décidément, quand ça ne veut pas, ça ne veut pas.
Quelques extraits pour souligner tout de même l'élégance de l'écriture et de la pensée qui parcourt ce texte :
"Un voyage se passe de motifs. Il ne tarde pas à prouver qu'il se suffit à lui-même. On croit qu'on va faire un voyage, mais bientôt c'est le voyage qui vous fait, ou vous défait."
"Pendant un instant, les poissons frits brillent comme des lingots dans nos assiettes, puis le soleil s'abîme derrière une mer violette en tirant à lui toutes les couleurs."
Mon avis Goodreads pour résumer :
Ça m'ennuie de ne mettre que 2/5 étoiles pour ce récit admirablement écrit qui est bien plus que celui d'un voyage et qui avait a priori tout pour me plaire mais la réalité c'est que j'ai beaucoup lu en diagonale et que j'étais pressée d'en finir. Je cogiterai plus tard sur le pourquoi. En tout cas, le plaisir de lecture n'y était pas.
L'auteur
Nicolas Bouvier (1929-1998) est un écrivain suisse, également photographe, dessinateur et iconographe. Il est un des plus grands auteurs de récits de voyages de la deuxième moitié du XXe siècle.
Nicolas Bouvier, un souvenir ancien, un autre siècle... mais je me souviens qu'il m'avait donné envie de voyager avec son "Journal d'Aran et d'autres lieux". Je me souviens aussi de lui, donnant une conférence dans un auditoire de l'université de Fribourg.
RépondreSupprimerWow tu as eu l'honneur d'assister à une de ses conférences ? Je ne sais pas si je le retenterai un jour. Sa Chronique japonaise pourrait m'intéresser ceci dit.
SupprimerCourageuse, qui ne zappe pas les billets (actuellement j'écris un billet sur deux lectures). Je t'avouerai que j'ai eu du mal à entrer dans ce livre qui démarre... après le début, on dirait, que les illustrations ne m'ont pas non plus emballées, mais que j'ai dévoré ce livre après! Il faut dire que le coin m'attire, j'y ai voyagé (plus confortablement), je visualise certains coins. Et puis les récits de voyage, je suis fan. Je viens d'en terminer un.
RépondreSupprimerBravo pour avoir lu (même en diagonale) un classique!
J'adore aussi les récits de voyage mais là, étrangement je n'ai pas été conquise. C'est vrai que tu as quelques affinités avec le coin, ça change pas mal de choses.
SupprimerSinon pour cette lecture, j'avais quasi rédigé mon avis la dernière page tournée donc il est assez touffu mais je n'ai pas été aussi réactive sur mes lectures suivantes, du coup mes billets seront probablement plus courts (et plus flous^^). En revanche même si je mets 3 mois à les publier, oui, il faut que je gribouille quelque chose sur chacune de mes lectures, ne serait-ce que pour me souvenir de ce que j'en ai pensé. Mais j'ai des moments où je suis moins motivée, comme tout le monde.:)
Je l'ai relu l'an dernier et je n'ai pas eu du tout les mêmes impressions que toi. J'ai beaucoup aimé ce récit de voyage, avec un brin de nostalgie pour une époque où tout était encore possible. La description du style de vie de nombreuses régions du monde est passionnante. J'ai souvent eu un pincement de tristesse devant le peu qu'il reste aujourd'hui de tous ces modes de vie, remplacés par des pays qui se battent sans cesse et qui sont très détruits. Je ne l'ai pas lu en continu, mais un chapitre par ci par là, ce qui m'a peut-être évité le sentiment de longueurs.
RépondreSupprimerOui, j'aurais peut-être dû picorer quelques chapitres de temps à autre mais je ne suis pas convaincue que cela aurait changé grand-chose sur mon ressenti. En fait, très vite j'ai eu hâte d'en finir, donc je n'aurais pas pu le faire durer plus longtemps que nécessaire. Ceci dit, je conçois qu'il puisse avoir un écho tout à fait différent d'une personne à l'autre. J'ai vu majoritairement des avis plutôt enthousiastes, et j'aime beaucoup la façon dont tu retranscris ce qu'il t'a évoqué.
SupprimerMoi non plus, je n'ai pas trop accroché au récit. Très belle langue mais je ne n'ai pas aimé non plus l'écrivain, prétentieux. J'ai préféré son récit autobio le poisson scorpion
RépondreSupprimerC'est sa Chronique japonaise que je lirai, je pense, si je devais retenter cet auteur mais j'avoue que j'ai un peu peur que ce récit me laisse aussi en bord de route...
SupprimerOn me l'avait recommandé avec beaucoup d'enthousiasme et j'avais aussi été moins emballée que je pensais l'être, alors que j'aime habituellement les récits de voyage. Je me demande si c'est le décalage entre moi, lectrice du XXIe siècle, et ce regard d'homme en vadrouille dans les années 1950. Ma lecture d'Ella Maillart (Parmi la jeunesse russe) est passée beaucoup plus facilement.
RépondreSupprimerJ'aime beaucoup aussi les récits de voyage. Pour avoir adoré Voyage d'une Parisienne à Lhassa d'Alexandra David-Néel, je ne pense pas que ce soit vraiment un décalage de générations. Je trouve les récits de voyage du XXe siècle particulièrement intéressants d'ailleurs parce qu'ils ont valeur de témoignage sur une époque révolue, un côté "premiers explorateurs" aussi, plus d'authenticité peut-être, et surtout, ils n'avaient pas les mêmes facilités que nous pour voyager. C'était vraiment l'aventure. Mais bon, là, la sauce n'a pas prise, c'est comme ça.:)
SupprimerJe note Ella Maillart. Récit des années 30, je vois. C'est peut-être les années 50 qui ne passent pas.^^
Ca arrive... Et je t'admire d'avoir lu jusqu'au bout. En ce moment je traîne sur un roman italien (120 pages en une semaine, non mais...), je vais devoir l'abandonner, je crois...
RépondreSupprimerAh 120 pages, tu peux tenter d'aller au bout en lisant en diagonale aussi.^^
SupprimerPas très intéressé par ce récit.
RépondreSupprimerCe voyage a eu lieu il y a trop longtemps. Je préfère ce qui se vit à notre époque.
Bonne soirée.
Je trouve ça quand même intéressant les anciens récits de voyage car, comme je disais plus haut en réponse à un commentaire, ils ont valeur de témoignage sur une époque révolue.
Supprimerc'est balot...tant pis pour le dépaysement par procuration...
RépondreSupprimerJe pense que mon cerveau m'en a voulu d'avoir tenté de lui faire croire qu'on voyageait et il me l'a fait savoir.^^
SupprimerEt bin tu y es arrivee...en Inde....en tout cas tout un voyage qui ne semble pas convaincant....;)
RépondreSupprimerAux portes de l'Inde... Quelle frustration !^^
SupprimerJ'ai le sentiment à te lire que les auteurs (l'écrivain et l'illustrateur) offrent une vision authentique de ce qu'ils ont vécu, sans rebondissements énormes, juste la monotonie des pannes et du quotidien en général. Quand je voyage, j'ai des moments de grande solitude, des moments où je trouve tout très plat. Et quand j'en reviens et que les souvenirs émergent, ces moments très plats ont servi à vivre d'autres moments plus intenses et se font oublier. C'est peut-être cette platitude qui t'a pesée, finalement.
RépondreSupprimerAh oui, ça, je ne peux pas leur reprocher d'avoir voulu nous faire croire qu'ils n'ont vécu que des moments palpitants, avec aventures excitantes à chaque tournant, et humeur au beau fixe en prime chaque jour. Tu as raison, cette honnêteté vis-à-vis de la réalité de leur voyage n'a pas aidé à me faire vraiment rêver, à un moment où j'avais besoin d'évasion.:)
SupprimerBravo d'être allée au bout ! J'ai eu ce livre dans mes étagères il y a longtemps et pas réussi à le lire... je m'ennuyais tellement que ça n'a pas voulu !
RépondreSupprimerAh nous sommes quand même quelques-uns à ne pas avoir accroché visiblement.:)
SupprimerMisère, ce livre prend la poussière depuis une éternité sur mes étagères... je crains qu'il n'ait vieilli, qu'il nous soit difficile de ressentir de l'empathie. Pourtant le parcours m'intéresse. A tenter, prévenue je suis !
RépondreSupprimerJe pense que c'est à découvrir tout de même. On n'en a pas tant que ça des récits de voyage sur ces contrées. Ça se révèlera peut-être une bonne surprise pour toi.:)
SupprimerIl est sur une étagère où il prend la poussière depuis de très nombreuses années, j'ai essayé de le lire pendant le confinement et l'ai abandonné... mais j'y reviendrai, c'est sûr.
RépondreSupprimerLire des récits de voyage pendant le confinement, ce n'est peut-être pas une bonne idée finalement.:)
SupprimerAïe Aîe, j'ai ce livre dans ma PAL depuis des années... Je pensais l'emmener dans mon sac en décembre dernier pour mon voyage en Mauritanie qui n'a finalement pas eu lieu évidemment. Ton billet ne va pas me motiver à dépoussiérer ce livre... A suivre!
RépondreSupprimerPour l'instant, j'ai vu davantage d'avis enthousiastes que déçus. Ça se trouve, ce sera une révélation pour toi.;)
SupprimerUn rendez-vous manqué, dommage !
RépondreSupprimerOui, ça arrive, hélas... L'avantage, c'est que maintenant je suis fixée sur ce livre.:)
SupprimerBonjour A_girl, de Nicolas Bouvier, j'ai lu ses récits assez passionnants sur le Japon assez passionnants. Dommage pour ce récit là. Bonne journée.
RépondreSupprimerJe tenterai peut-être ces récits-là un jour, tout ce qui touche au Japon m'étant irrésistible.:) Bonne semaine.
SupprimerMoi c'est le contraire, je ne suis pas attirée par les récits de voyages et j'ai adoré celui-ci !
RépondreSupprimerAah tu devrais trouver ton bonheur dans d'autres récits de voyage alors.:)
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