jeudi 24 octobre 2013

TREMBLER TE VA SI BIEN


TREMBLER TE VA SI BIEN

traduit du japonais par Patrick Honnoré

"Aïe aïe", m'exclamais-je sur FB, "gloussements de dinde incontrôlés et rictus de hyène hilare dans le métro", alors que je découvrais cette terrible Yoshika dans toute sa splendeur ! Les toutes premières pages m'avaient pourtant fait frémir car je trouvais le style maladroit, j'avais l'impression que c'était mal écrit (mal traduit ? m'étais-je même demandée), et je craignais la mauvaise pioche dans ce qui m'avait pourtant paru un récit totalement dans mon créneau.
En fait, cette impression de mal écrit, c'est tout simplement la façon dont Yoshika s'exprime, un style très oral donc, direct et spontané. Elle s'exprime comme elle pense, sans calcul, le rendu est donc assez brut et souvent surprenant à en être interloqué, et en même temps, il se dégage de cette désinhibition une réelle fraîcheur. L'âme à nue, elle ne cherche ni à plaire, ni à convaincre, elle est à prendre telle quelle, et une fois que je l'ai accepté, j'ai trouvé ce récit tout bonnement hilarant !

Yoshika, 26 ans, est amoureuse d'une image qu'elle s'est fabriquée à travers Ichi, un jeune homme brièvement connu au collège, et c'est Ni, un collègue un peu idéaliste aussi, qui va tenter de la prendre dans ses filets. Elle est en réalité une jeune femme assez typique dans le genre "les femmes viennent de Mars", avec une attitude et une façon de voir les choses qui peuvent dérouter, exigeante dans ses attentes du prince charmant, un poil complexe et torturée dans sa vision de l'amour, un brin désoeuvrée aussi dans sa vie professionnelle, et c'est ce cocktail d'élucubrations toutes féminines, alliant une certain lucidité un peu désabusée à une certaine candeur, qui rend ce récit truculent. Ses remarques, observations et idées, sa façon de les exprimer, me faisaient me gondoler à chaque fois, et puis bon, même si l'on peut s'identifier à certaines de ses réflexions en tant que femme, Yoshika est tout de même assez particulière, complètement barrée même pour être claire, mais une barrée qui s'ignore, et ça c'est le meilleur !

Des extraits qui m'ont bien amusée dans le lot :

"Cette fausse modestie cachant une saillie grossièrement prétentieuse, c'est un peu me montrer un tour de passe-passe que je ne lui ai pas demandé. Bon, et elle est où ma pièce maintenant ?"
Plus loin
"Non seulement il venait de me siffler un faux départ, mais en plus il me jouait son petit numéro de conseil, comme s'il me sortait un pigeon d'un chapeau haut de forme sans que je lui aie rien demandé. Bon, et maintenant, le pigeon, c'est moi qui dois m'en occuper ?"

"- Maman, me prendrais-tu pour une fille qui n'a absolument aucun succès auprès des garçons ?
- Ah bon, tu as du succès auprès des garçons ?
- Non."

"Le feu de l'amour n'a pas de manette de réglage du gaz, c'est ça qui est magnifique !"

"Pour moi, la virginité, c'est comme la petite housse pour ranger le parapluie [...]. On voudrait bien s'en débarrasser, mais on se dit qu'on ne sait jamais [...]. Si on la perd par hasard, tant pis, mais la perdre exprès, quand même pas."

La couverture est en revanche absolument affreuse à mon goût mais bon, cela n'a pas nui à mon plaisir de lecture, j'avais juste envie de dire dans le métro "hey, ce livre vaut mieux que sa couverture, hein !"
D'ailleurs, la quatrième de couv' le décrit ainsi : "Un roman faussement léger, férocement lucide et d'un humour réjouissant." J'adhère !

Un grand merci à Jérôme qui n'y a pas totalement trouvé son compte mais qui a su le mettre entre les bonnes mains !

L'auteure
Wataya Risa est née en 1984 à Tokyo. Elle a dix-neuf ans lorsqu'elle reçoit le prestigieux prix Akutagawa (le Goncourt japonais) pour son deuxième roman, Appel du pied. Et elle a le même âge que son héroïne, vingt-six ans, quand elle écrit en 2010 Trembler te va si bien.

8 commentaires:

  1. Tu crois que je pourrais aimer? (et soit traduction, soit façon d'écrire des japonais, allez savoir...)

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    1. J'avoue que je ne saurais dire si tu aimerais ou non depuis que "Demain j'arrête !" t'est tombé des mains.:-) Rien de comparable cela dit.;-)
      Quant au style, je n'ai en réalité jamais rien lu de tel au rayon japonais, et il est clairement assumé ici. C'est ce qui finit par faire son charme d'ailleurs.

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  2. Je n'ai pas vraiment adhéré mais je reconnais que cette Yoshika est gouleyante. On en a parlé un peu, je pense que c'est finalement un roman très sexué, sans doute pour ça que je suis passé un peu à coté.

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    1. C'est très vrai cette idée de roman sexué ! Il parlera et correspondra plus aux femmes qui reconnaîtront en Yoshika leurs moments "prise de tête" qui peuvent surprendre, interloquer, effrayer, égarer, désintéresser ou lasser les hommes.:-)

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  3. Remarque, oui, les passages, on s'y sent mieux quand on est une fille, c'est bien possible.

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    1. Ce sont des considérations très féminines, oui ^_^, et entre femmes, on se comprend forcément mieux, indépendamment de la culture, de l'éducation, de l'âge et des opinions propres à chacune.

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  4. Rhoo ben dis donc, ça me tenterait assez bien de découvrir ce personnage tiens ! Même si je ne suis pas fan des styles oraux, mais les extraits que tu as cités ne me choquent pas plus que ça, au contraire, ils me font rire !

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    1. Ah, alors si ces extraits te font rire, fonce ! Je pense que le personnage de Yoshika t'amuserait beaucoup !

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