AMERICANAH
Ça va être un billet un peu décousu, avec des élucubrations jetées pêle-mêle, tant j'ai été secouée par la lecture de ce roman, je m'y suis identifiée et je me suis sentie en affinité avec l'auteure, Chimamanda Ngozi Adichie. J'ai du coup un peu de mal à organiser mes impressions, déjà au sortir de cette lecture, et c'est encore pire plus d'un mois après. Tellement de réflexions me viennent en tête quand je repense à ce roman que j'ai du mal à les cadrer. C'est un livre dont j'ai beaucoup parlé autour de moi en revanche, dont j'ai plaisir à discuter de certaines thématiques oralement, et que je ne cesse de recommander (mais bizarrement, pas à tout le monde).
Ce roman est particulier, déjà de par l'originalité de son point de vue, celui d'une Americanah. C'est de ce fait un legs inestimable car je n'ai jamais lu de roman de la sorte, à travers cette voix-là.
Un Americanah, c'est, au Nigeria, celui qui part étudier et vivre aux États-Unis et qui, éventuellement, revient au pays. Plus tout à fait Nigérian, pas du tout Américain, une sorte d'espèce à part, un hybride. Une notion que l'on peut étendre à d'autres pays que le Nigeria et les États-Unis, et qui, de fait, confère une certaine universalité à ce récit.
L'autre grande originalité de ce roman, c'est évidemment celle de la thématique "Noire non-Américaine aux États-Unis" et de sa vision de ce pays sous l'angle de la question raciale.
Ce roman est particulier, déjà de par l'originalité de son point de vue, celui d'une Americanah. C'est de ce fait un legs inestimable car je n'ai jamais lu de roman de la sorte, à travers cette voix-là.
Un Americanah, c'est, au Nigeria, celui qui part étudier et vivre aux États-Unis et qui, éventuellement, revient au pays. Plus tout à fait Nigérian, pas du tout Américain, une sorte d'espèce à part, un hybride. Une notion que l'on peut étendre à d'autres pays que le Nigeria et les États-Unis, et qui, de fait, confère une certaine universalité à ce récit.
L'autre grande originalité de ce roman, c'est évidemment celle de la thématique "Noire non-Américaine aux États-Unis" et de sa vision de ce pays sous l'angle de la question raciale.
Dans les situations au quotidien, par l'entremise d'un blog, l'auteure, à travers son personnage principal, Ifemelu, égrène des vérités qui claquent, dont on ne parle pas à voix haute, sur la question raciale au sens large, pas juste celle qui touche aux Africains, ou aux Noirs Américains, mais celle qui oppose deux mondes, les "Noirs", et les "Blancs", sans parler du fait qu'à l'intérieure de la "communauté" noire, les rapports et la réalité sont complexes aussi. Être Noir ne peut se résumer en deux mots bien que le monde ait tendance à le faire tout en s'en défendant. Nos vies, nos êtres, nos cultures, ne se résument pas à une couleur de peau ou à une question d'origine, c'est beaucoup plus complexe. Comme disait l'auteure dans une interview, "nos vies et nos cultures sont composées de plusieurs histoires qui se chevauchent".
Je n'ai jamais rien lu de tel en littérature africaine, noire, je ne sais comment l'appeler dans ce cas de figure précis, et c'est ce qui m'a scotchée, captivée, happée. Je me suis dit "Enfin ! Un pied de nez au politiquement correct !" Rien lu de tel à part peut-être dans Effacement de Percival Everett (bien que le propos soit différent encore) et j'ai aimé justement l'aspect, parlons-en puisqu'il le faut bien, arrêtons de faire semblant, de nous voiler la face, mettons cartes sur table ! Et quelle claque on se prend à travers ces vérités cinglantes, cette réalité qu'on se refuse de voir. Qu'est-ce que j'en ai surligné des passages ! Il y a peu encore, je lisais sur FB une question sur un média : "Pourquoi les Blancs sont appelés expatriés et le reste des immigrés ?" C'est une réalité dans notre monde, ce racisme ordinaire, pas méchant, presque inconscient, des mauvaises habitudes prises, un consensus général pour préserver un sentiment de paix toute relative et une certaine bonne conscience. On a l'impression d'avoir tellement avancé avec l'évolution des droits civiques, l'élection d'un président "noir" aux États-Unis, et j'en passe, et pourtant, on est loin, loin de l'égalité et de la fraternité, il reste encore tellement de chemin à faire, et sera-t-il jamais parcouru un jour ?
"She recognized in Kelsey the nationalism of liberal Americans who copiously criticized America but did not like you to do so; they expected you to be silent and grateful, and always reminded you of how much better than wherever you had come from America was."
"These people, they make you become aggressive just to hold your dignity."
"Dear Non-American black, when you make the choice to come to America, you become black. Stop arguing. Stop saying I'm Jamaican or I'm Ghanaian. America doesn't care. So what if you weren't "black" in your country ? You're in America now."
"But we don't say any of this stuff... [...] we say that race doesn't matter because that's what we are supposed to say, to keep our nice liberal friends comfortable."
"You can't write an honest novel about race in this country."
"She recognized in Kelsey the nationalism of liberal Americans who copiously criticized America but did not like you to do so; they expected you to be silent and grateful, and always reminded you of how much better than wherever you had come from America was."
"These people, they make you become aggressive just to hold your dignity."
"Dear Non-American black, when you make the choice to come to America, you become black. Stop arguing. Stop saying I'm Jamaican or I'm Ghanaian. America doesn't care. So what if you weren't "black" in your country ? You're in America now."
"But we don't say any of this stuff... [...] we say that race doesn't matter because that's what we are supposed to say, to keep our nice liberal friends comfortable."
"You can't write an honest novel about race in this country."
Parlons-en donc mais n'en faisons pas un cheval de bataille. Rien de revanchard ou du type règlement de comptes ici. L'histoire que l'auteure nous raconte, c'est celle d'un homme et d'une femme que tout destinait à être réunis, mais que leurs aspirations, les épreuves de la vie, les embûches, ont séparé, amenant chacun à évoluer de son côté. La vie, tout simplement. Différemment compliquée de celle des autres pour cause d'origine et de couleur de peau, mais tout le monde porte sa croix finalement.
Une histoire que j'ai trouvé sincère, touchante, qui sonnait vraie, presque comme du vécu par moment. Une histoire d'amour qui m'a profondément touchée, comme rarement, moi qui suis l'anti-romantique au premier degré. Une histoire humaine surtout, qui m'a secouée, affectée aussi par moment. J'ai aimé cette histoire car elle avait ce quelque chose de vrai, d'authentique, à laquelle on peut s'identifier par-delà les frontières.
En effet, les réalités/vérités exposées ici ne tournent pas qu'autour de la race. Elles s'étendent à l'être humain d'une manière générale, à ses relations complexes avec son entourage et ses proches, c'est ce que j'ai trouvé intéressant aussi. Ce n'est pas un roman autour d'une thématique unique, celle de la race. Il y a dans ce roman une richesse thématique bluffante et épatante qui se développe autour d'une histoire d'amour mise à rude épreuve. C'est un roman qui jongle entre particularités et universalité, à travers l'histoire d'Ifemelu et d'Obinze, une histoire d'amour qui a ce quelque chose d'universel, et aussi communautaire forcément - la race, présente, qu'on veuille bien l'admettre ou non.
En effet, les réalités/vérités exposées ici ne tournent pas qu'autour de la race. Elles s'étendent à l'être humain d'une manière générale, à ses relations complexes avec son entourage et ses proches, c'est ce que j'ai trouvé intéressant aussi. Ce n'est pas un roman autour d'une thématique unique, celle de la race. Il y a dans ce roman une richesse thématique bluffante et épatante qui se développe autour d'une histoire d'amour mise à rude épreuve. C'est un roman qui jongle entre particularités et universalité, à travers l'histoire d'Ifemelu et d'Obinze, une histoire d'amour qui a ce quelque chose d'universel, et aussi communautaire forcément - la race, présente, qu'on veuille bien l'admettre ou non.
J'ai adoré aussi la représentation de la vie au Nigeria, de la vie des Nigérians immigrés aux États-Unis, et la vie des Americanah, ces Nigérians revenus au pays. J'ai trouvé ça extraordinaire ce roman qui comparait en quelque sorte, entre autres, les Africains et les Noirs Américains. Deux populations aux racines communes mais qui n'ont plus rien en commun, tant leur Histoire respective les a éloignées culturellement, ce qui n'empêche qu'ils partagent les mêmes épreuves et préjugés du fait de leur couleur de peau. Complexe tout ça !
J'ai aimé la simplicité du style de l'auteure qui n'ôte rien à son efficacité, j'ai aimé la vie dans ses dialogues, ses réflexions, ses observations avisées, ses remarques. J'ai aimé la construction de son récit qui alterne les récits d'Ifemelu et Obinze au fur et à mesure de leur avancée dans la vie, nous donnant leur propre vision des faits et des événements. Le tout est fluide, agréable à lire, j'ai vraiment pris mon temps avec ce livre tellement je le savourais. Jusqu'à la fin, je n'ai rien trouvé à redire, j'ai adoré comment l'auteure a réussi à boucler la boucle avec brio.
Ce qui m'a frappée aussi, c'est la beauté des prénoms nigérians : Ifemelu, Obinze... Chimamanda... Ça sonne tellement cool !
Bref, j'ai adoré ! Pas un coup de coeur terrassant (car j'ai des exigences spécifiques pour ça et puis le début tardait à prendre, j'ai eu par ailleurs quelques passages flottants (si rares, à peine mémorables)) mais une envie de crier "Chapeau bas Madame Adichie !".
Un roman clairement classé dans mes incontournables.
Un roman clairement classé dans mes incontournables.
L'auteure
Née en 1977 au Nigeria, Chimamanda Ngozi Adichie partage désormais sa vie entre Chicago et Lagos. Elle a déjà publié deux romans, L’hibiscus pourpre et L’autre moitié du soleil, lauréat de l’Orange Prize, ainsi qu’un recueil de nouvelles, Autour de ton cou. Traduit en 25 langues, Americanah s’est déjà vendu à 500 000 exemplaires aux États-Unis et en Angleterre.
Pfou! Heureusement que je l'ai déjà lu sinon il se garait dans ma LAL illico.
RépondreSupprimerJ'adore ton ressenti, qui a forcément un petit plus que le mien (même si j'ai raconté mes expériences la dessus au fin fond de l'Afrique - au début on me disait, mais si Madame, lui, là, le teint clair! - pour me faire comprendre qui était telle personne)(ensuite j'ai affiné moi aussi)(et je ne t'ai pas raconté ma visite aux states chez des liberiens partis là bas?)(mais bon, on n'a pas abordé le sujet de la différence liberien et descendants de noir depuis des siècles)(quoique, le Liberia, l'histoire est déjà spéciale)
Marrant, oui, j'ai aussi pensé à Effacement, le décapant et pas politiquement correct Effacement;..
En revanche l'histoire d'amour m'a un peu laissée sur le flan.
Comme toi j'adore ces noms, et encore tu n'as pas les noms yorubas!Et tous ces noms qui veulent vraiment dire quelque chose et sont donnés pour cette raison, on a perdu ça en France;
Ah l'histoire d'amour ! C'est drôle mais j'ai l'impression que j'y suis sensible quand elles sont complexes, pas sirupeuses, jalonnées de difficultés, les histoires d'amour quasi impossibles en somme. D'ailleurs ici je parle d'histoire d'amour comme une des intrigues centrales, mais finalement, sur une bonne partie du roman, on n'en voit pas l'ombre, vu que les personnages ont dû évoluer chacun de leur côté. Et j'ai apprécié que les retrouvailles ne se déroulent pas aussi simplement que ça, tout en étant pour un happy ending parce que bon, sinon j'aurais été trop dégoûtée.;-) Tant de difficultés, de coups du sort et d'injustice, il faut bien que ce soit compensé par un peu de couleur rose.:-)
SupprimerJe sens qu'on pourrait avoir une longue discussion sur ce roman et sur les thématiques associées au vu de tes expériences. Au prochain salon de Châteauroux ?^^ Oh, il y aura bien d'autres occasions avant j'espère !
Faudrait, oui. America, c'est en 2016, et quand je 'monte' à Paris pour des spectacles c'est toujours en coup de vent, avec un emploi du temps de ministre.
SupprimerJe pensais à la Forêt des livres mais je serai en vacances à ce moment-là, arf ! Sinon une expo, genre les Tudors ? C'est jusqu'au 19 juillet, mais il est possible que je la vois via le boulot. Bon, on trouvera une occasion.;-)
SupprimerEh ben...! Posé pour l'instant, page 150... Je vais le reprendre, promis... mais quand...?
RépondreSupprimerHmmm... si tu n'accroches pas plus que ça au bout d'une centaine de pages, a priori, c'est mal barré.;-) A ta place, je n'insisterais pas. Quoique pour moi aussi ça avait mis du temps à prendre au début, mais je ne sais plus si c'était juste sur une vingtaine de pages ou une centaine. Ceci dit, les thématiques abordées me parlaient et m'intéressaient vraiment, je n'ai du coup jamais ressenti l'envie de faire une pause ou d'abandonner.
SupprimerMince, j'ai l'impression de ne pas avoir lu le même roman que toi du coup. Mais j'adore ton enthousiasme et les arguments que tu avances.
RépondreSupprimer(je trouve aussi que les prénoms sont très beaux.
Aaah, je me délecte de prononcer le prénom de l'auteure dès que j'ai une opportunité.^^ J'ai une collègue qui commence à faiblir sous mes insistances pour qu'elle lise ce roman, et à chaque fois elle me fait, "c'est comment son nom déjà?", et moi de répondre avec grand plaisir, "Chimamanda Ngozi Adichie".^^
SupprimerSinon c'est vrai que quand j'ai lu ton billet (je venais de finir ce livre), j'avais l'impression que nous ne l'avons pas lu exactement sous le même angle, mais je suppose qu'on le perçoit aussi à la lueur d'un certain vécu qui fait écho ou non à des réflexions qui y sont exprimées, ou à des situations décrites, et qu'on l'apprécie plus ou moins sous cet angle.
Il est tellement réservé à la bibliothèque ce livre que je ne peux même pas ajouter une réservation...
RépondreSupprimerCôté littérature noire qui déménage, je te conseille "American Prophet" de Paul Beatty : ça secoue... http://yspaddaden.com/2013/12/05/american-prophet-paul-beatty/
Ah oui, "American Prophet". Je l'avais noté chez Val quand elle avait encore un blog. Je me le note en LAL prioritaire alors ! En ce moment, j'essaie de repérer dans ma LAL (où je dois noter 5 titres par jour) ce qu'il serait temps que je fasse passer en statut PAL. J'ai un peu de mal à faire le tri, j'avoue, tout me semble toujours aussi tentant.^^
SupprimerQuant à "Americanah", bon, au moins tu peux te réjouir que tu pourras l'emprunter dans ta bib' un jour.;-)
Finalement, même si certaines anecdotes d'Americanah me sont arrivées aussi, mon expérience de Noire non-Américaine aux États-Unis est un peu différente de celle d'Ifemelu, puisque je venais de France (où j'étais déjà noire).
RépondreSupprimerOoh, tu pourrais écrire un livre dis donc !;-) Avec un angle de vue encore différent. Tu as lu ce livre alors ? Je guetterai ton avis sur ton blog si c'est le cas. Curieuse de ce que tu auras pensé de ce récit !
SupprimerMais il est écrit, je cherche un éditeur. Non, je rigole...
SupprimerJ'ai lu Americanah fin 2013, début 2014. (Je t'ai mis le lien sur mon pseudo.)
Deux autres livres sur un thème similaire : Foreign Gods Inc d'Okey Ndibe ( http://monesie.canalblog.com/archives/2014/04/10/29638566.html) et America, Their America de JP Clark (il ne s'agit pas d'un roman : http://monesie.canalblog.com/archives/2014/01/04/28857780.html)
Merci pour le lien. Décidément, il faudrait que je sélectionne mieux ce que je note dans ma LAL ! J'aurais pu passer à côté s'il n'était pas paru en France avec une bonne presse...
SupprimerMerci également pour les 2 autres idées lecture. Finalement, il y a quelques ouvrages sur ces thématiques. Bon, fin d'un mythe avec Chimamanda !^^ Toujours le Nigeria en plus. Intéressant, je m'y pencherai. Le 2è m'attire davantage, même (et surtout) si le point de vue remonte à une 50aine d'années.
J'ai aussi beaucoup apprécié. Ton enthousiasme est décoiffant !
RépondreSupprimerCe roman m'a tellement parlé !:-)
SupprimerJe ne suis pas aussi enthousiaste que toi mais je te rejoins quand même sur certains points notamment la franchise de l'auteure sur une question dont finalement personne ne veut parler vraiment. C'est pour cette raison que je qualifié ce roman d'indispensable.
RépondreSupprimerIndispensable, incontournable, oui. Ce que je trouve particulièrement appréciable, c'est le ton posé avec lequel l'auteure parle de ces points, sans animosité, sans aigreur, sans hauteur, avec une lucidité remarquable et un naturel désarmant. Elle est juste très franche sans être le genre "rentre dedans". Elle me plaît beaucoup humainement.^^
SupprimerC'est marrant car j'ai publié mon billet sur ce roman quasiment le même jour que toi ! Même enthousiasme mais tu en parles de manière plus approfondie. C'est juste, pertinent, intéressant et comme tu dis, pas politiquement correct. Sacré nana, cette Chimamanda Ngozi Adichie !
RépondreSupprimerOui, une femme qui force l'admiration à travers ce roman loin du politiquement correct. J'ai dû calmer mes ardeurs en rédigeant ce billet car il aurait pu facilement être encore plus long.;-) C'est un roman qu'il m'a semblé difficile à résumer en billet et dont je parle plus volontiers, les thématiques et les domaines auxquels elles s'appliquent me semblant infinis.
SupprimerJe ne sais plus où, mais j'ai déjà lu un billet sur ce roman, qui forcément, vu le sujet, a tout pour m'intéresser.
RépondreSupprimerIl y en a eu pas mal des billets sur ce roman il y a quelques semaines.:-) Oui, tu devrais le lire, je suis sûre que tu sauras apprécier.
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