DEUX IDÉES DE BONHEUR
traduit de l'italien par Serge Quadruppani
Tout m'a plu dans la présentation, et les mots en gras (et surlignés) ci-dessous sont parmi ceux qui m'ont particulièrement motivée à lire ce livre.
"Ce texte est né d'une idée de conversation entre deux hommes venus d'horizons et de pays différents, l'écrivain chilien Luis Sepúlveda et le gastronome italien Carlo Petrini, défenseur du Slow Food et du "manger local". De l'Amazonie au coeur de l'Afrique, de l'expérience amère de l'exil à la communion collective de Terra Madre, les souvenirs et les pensées de ces deux auteurs d'exception tissent une conversation qui passe en revue l'actualité et la littérature, la gastronomie et la politique, la défense de la nature et de la tradition.
Rencontres, récits, histoires de grands leaders et de petits héros du quotidien, Petrini et Sepúlveda nous entraînent à leur suite dans cette quête du droit au plaisir qui est aujourd'hui le plus révolutionnaire, le plus démocratique, le plus humain des objectifs. Avec cependant la lenteur et la sagesse de l'escargot. Parce que nous aussi nous pouvons cesser de courir vers une destination inconnue, et recommencer pleinement à exister."
Forcément, j'ai foncé !
J'imaginais toutefois davantage une conversation à bâtons rompus, un dialogue de bout en bout, des échanges conviviaux comme autour d'un verre, et s'il y a de ça en partie, c'est aussi assez compartimenté, avec une sorte d'exposé/monologue de l'un et de l'autre sur leurs idées du bonheur. Absolument pas inintéressant mais j'attendais peut-être autre chose dans la forme.
De même, je m'étais fait un film sur leurs discussions autour, entre autres, de la littérature et de la gastronomie, et si j'ai été plutôt agréablement surprise de la tournure de la conversation et des thèmes explorés, ce n'est pas très exactement ce que j'en attendais et ça m'a un peu décontenancée. Côté gastronomie en particulier, je m'attendais à du rêve, des idées, de l'inventivité, des fantasmes culinaires, bref, à en avoir plein les yeux, mais ici, comme on s'en rendra compte dans les extraits ci-dessous, on est assez loin de la conception que l'on se fait habituellement de la gastronomie. J'ai beaucoup aimé d'ailleurs cette redéfinition de la gastronomie, cette façon aussi de remettre les pendules à l'heure par Carlo Petrini. C'est finalement mon idée de ce qu'est la vraie cuisine qualitative même si la conception plus répandue de "gastronomie" me séduit aussi.
"Pendant trop longtemps la gastronomie a été associée à une idée purement hédoniste et élitiste de l'alimentation, erreur de perspective encore trop répandue. Un autre contre-sens très commun voudrait que l'art et la science gastronomiques soient devenus un spectacle vide, comme c'est le cas aujourd'hui massivement à la télévision. Beaucoup d'étalage, beaucoup de créativité aux fourneaux, mais on s'attarde très rarement sur les produits utilisés, sur leurs qualités, les différences entre les variétés; on parle encore plus rarement de ceux qui les produisent, et des contextes territoriaux."
"La grande gastronomie naît dans les maisons paysannes, dans l'économie rurale qui n'avait rien mais réussissait à créer des plats extraordinaires. C'est cela qu'il faut comprendre pour saisir quel pouvoir elle peut avoir, autrement nous finirons tous abrutis autour de la cuisine-spectacle à la télé qui fait un malheur sous toutes les latitudes : lacunaire, souvent ignorante, devenue insupportable."
Je m'attendais à quelque chose d'assez classique avec ce livre, je pensais être en terrain quasi conquis, du moins familier, avec espoir d'être surprise tout de même et de m'enrichir de quelques idées nouvelles, et j'ai été bousculée de bout en bout, ce qui m'a un peu déroutée, mais pas désagréablement.
Cette conversation fait l'éloge de la lenteur qui est placé au coeur même de l'idée du bonheur. Aller à contre-courant de nos sociétés modernes qui misent tout sur la vitesse, la rapidité d'exécution, le résultat immédiat, au dépens de la notion de qualité et d'une certaine forme de justice sociale. La modernité et la rapidité présentent leurs avantages mais également beaucoup d'inconvénients, et surtout de conséquences bien plus néfastes qu'on ne le réalise. On ne prend plus le temps alors qu'il faut prendre le temps en réalité.
J'ai beaucoup aimé le fond de ces réflexions et cette façon de voir les choses, et sur le coup, je m'étais dit qu'ils avaient complètement raison, mais tout cela me paraît bien utopique, comme une lutte bien compliquée au final. Enfin, pas compliquée, mais ça demande un certain engagement personnel... et du temps. Et je vois bien que je n'en suis pas là...
Par contre je ressors de là avec la grande motivation de lire Histoire d'une mouette et du chat qui lui apprit à voler ainsi qu'Histoire d'un escargot qui découvrit l'importance de la lenteur de Sepúlveda, et aussi avec une grande admiration pour ce gastronome italien engagé.
J'ai beaucoup aimé aussi le côté très décontracté de leurs échanges mais j'ai réalisé en cours de lecture que c'est le genre de livres que je préférerais peut-être voir ou/et écouter que lire. Pour le coup, c'est tout à fait le genre de lecture audio que je pourrais faire je pense.
Des extraits pour une meilleure idée des thèmes évoqués :
"La vie est courte, bonne, et il y a un droit fondamental qui est le droit au bonheur. Qui ne se manifeste pas et ne doit pas se confondre avec une sorte de droit naturel à devenir riche, ou à surpasser les autres. Nous parlons d'un autre bonheur. Des petites satisfactions, qui pourtant valent beaucoup."
"Je crois que l'idée de la recherche du bonheur à travers la lenteur parcourt toute mon oeuvre, et en particulier ma fable Histoire d'un escargot qui découvrit l'importance de la lenteur." L'escargot incarne l'idée qu'on n'arrive pas d'un coup, mais pas à pas, à la conscience et à la solution des problèmes : comprendre pourquoi les choses sont celles qu'elles sont et ce que chacun de nous peut faire est un processus long et souvent douloureux."
"Quel est, au fond, le moment de la plus grande union humaine ? La réunion d'un Sénat ? D'un Congrès ? La réunion de l'Assemblée générale des Nations Unies ? Pas du tout : le moment le plus important pour l'humanité se répète chaque jour, en se multipliant, de manière anonyme. C'est quand, à la fin de la journée, la famille, grande ou petite, s'assied à table pour jouir d'une expérience simple de la vie, manger quelque chose qui a été préparé avec amour, quelque chose qui a une histoire derrière soi. Bien plus d'une en vérité."
"Aujourd'hui, dans le monde, il n'y a pas seulement ceux qui ont peu, mais quand même assez : il y a ceux, trop nombreux, qui n'ont pas suffisamment ou n'ont rien à manger. Je n'arrive plus à tolérer qu'un gastronome ne se préoccupe pas de cette honte avec laquelle nous cohabitons et contre laquelle nous ne faisons pas assez. [...]
Aujourd'hui, on tolère la faim comme une mésaventure arrivée à quelqu'un, au loin. On la considère comme une catastrophe naturelle, comme un élément inéluctable qui frappe quelques malheureux, sans motif et sans culpabilité, mais sans rédemption possible. Ce n'est pas vrai, ça ne peut pas être vrai dans un monde évolué comme le nôtre [...]."
"Je crois que le rapport nature-homme et homme-nature est un rapport de dépendance mutuelle. N'oublions pas que la nature peut survivre sans l'homme, alors que le contraire n'est pas vrai."
Je me retrouve tellement là-dedans :
"Quand je voyage, je suis impatient d'essayer les plats et les cuisines locales, et plus je suis loin de la mienne, plus l'envie augmente, pour pouvoir m'aventurer dans de nouveaux territoires, dans de nouvelles manières de penser et de vivre."
Ma citation préférée :
"Nous sommes nature, nous sommes nourriture, nous sommes énergie, nous sommes humains. Et l'argent n'est rien de tout cela."
Ma découverte-choc :
"Entre trente et cinquante pour cent de la nourriture produite dans le monde n'atteint jamais un estomac. Cela représente entre 1,2 et 2 milliards de tonnes."
Les auteurs
Luis Sepúlveda est un écrivain chilien très engagé dans la défense de l'environnement et par ailleurs amateur de bonne chère.
Carlo Petrini, né en 1949 à Bra (Piémont), est le fondateur du mouvement Slow Food, qui prône un autre rapport à la nourriture et à l'environnement, fondé sur le respect de la nature et les cycles lents.
Là tu penses bien que ça devrait me plaire (j'ai l'escargot sur mes étagères, d'ailleurs)
RépondreSupprimerC'est ce que je me suis dit au fur et à mesure de ma lecture.:-) Et pour l'escargot, on pourrait faire une LC dis donc !^^
SupprimerBen non, je l'ai déjà lu
Supprimerhttp://enlisantenvoyageant.blogspot.fr/2014/11/histoire-dun-escargot-qui-decouvrit.html
^_^
Aah mais oui, c'est vrai que sur tes étagères, il n'y a pas qu'une PAL, il y a plein de livres déjà lus.;-)
SupprimerUn Sepulveda (et consorts) qui n'est pas dans mes rayons. Je note avec intérêt. Aaaah l'histoire de la mouette et du chat...
RépondreSupprimerAh oui, tu confirmes pour la mouette et le chat ? Me voilà encore plus intriguée !
SupprimerJ'aime beaucoup quand on parle de gastronomie d'habitude mais là je ne suis pas franchement attiré, même si l'éloge de la lenteur est un concept qui me parle énormément !
RépondreSupprimerHaha, je ris de ta dernière phrase. Je ne suis pas convaincue non plus que ce soit ta tasse de thé, ce genre de conversation. Quoique, peut-être adaptée en BD ? Pour moi, il y a matière en tout cas.
SupprimerJ'aime bien les livres qui parlent du bonheur. Celui-ci pourrait me plaire.
RépondreSupprimerMerci pour cette première participation à mon challenge. Je suis sûr que tu en auras d'autres...
Ça parle du bonheur mais rien à voir avec les thématiques bien-être et développement personnel, hein.;-) C'est une mission de plus grande envergure et qui demande bien plus d'engagement et d'énergie, au point que ça en est un peu décourageant...
SupprimerTous les thèmes évoqués m'intéressent ! L'histoire de la mouette et du chat est géniale, si tu veux lire un autre ouvrage de l'auteur. Il a d'ailleurs été adapté dans un très joli dessin animé... :-)
RépondreSupprimerHé ben dis donc, j'ai l'impression qu'il me faut lire cette mouette et ce chat sans plus tarder ! Ça me tente bien en tout cas. Ce sera probablement mon prochain Sepúlveda.
SupprimerJe le veux !!!!!
RépondreSupprimerSi le thématiques te parlent, tu devrais y trouver ton bonheur.;-)
Supprimerquelle bonne idée de lecture ! Tes citations sont superbes! On se retrouve bien sur la bouffe et le voyage ;))
RépondreSupprimerOui, j'aurais bien aimé que ces aspects soient explorés encore davantage.:-)
SupprimerJ'aime Sepulveda sans modération et tout ce que j'ai pu dévorer de lui m'a parlé alors tu penses bien ...
RépondreSupprimerTu devrais apprécier ce livre alors.:-)
SupprimerAh, j'ai le veil homme qui racontait des histoires.... dans ma PAL depuis une éternité ! Mais je note ce titre, surtout s'il parait en audio un de ces 4 !
RépondreSupprimerEn audio, il faudrait que ce soit les voix originales, mais du coup, je pense que ce serait en italien.^^ Moi j'aurais bien vu la conversation en reportage/docu télé.
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