L'ATTRAPEUR D'OISEAUX
traduit du portugais (Brésil) par Hélène Melo
Une histoire d'anthropologue qui retourne une nouvelle fois auprès de sa famille amérindienne adoptive, au coeur de l'enfer vert amazonien, sur les traces du mystérieux mythe de l'Attrapeur d'oiseaux qui l'obsède furieusement. Mouais. Je sentais le chamanisme de loin, un thème avec lequel je me sens très peu d'affinités. C'est bien parce que c'est brésilien et que je suis complètement dans le mood de cette littérature en ce moment que mon intérêt s'est éveillé quand Ingannmic m'en a parlé. C'est un roman court aussi. Et puis la quatrième de couv le décrivait comme "une satire à la fois mordante et fantasmagorique sur sa propre pratique", en parlant de l'auteur, Pedro Cesarino, lui-même un éminent anthropologue. Ce fut assez décisif. Dès qu'on me parle d'autodérision, de regard ironique sur un sujet qui pourrait être traité avec un peu trop de sérieux, de choses qui ne se passent pas comme prévu, je surgis tel un chat au doux son de ses croquettes qui s'entrechoquent !
Au début, j'ai trouvé que l'intrigue était un peu lente à s'installer. J'ai mis du temps à capter le ton et l'atmosphère générale. Le narrateur, notre anthropologue, était un peu morose, ce qui n'aidait pas, et se perdait dans ses doutes et questionnements. J'ai eu un peu peur du rythme et de la tournure que semblait prendre le récit, mais en fait, assez vite tout de même, ça a fini par se mettre en place, de façon fluide, comme la traversée de ce fleuve pour atteindre les villages amérindiens, tranquille au début, ensuite mouvementée, dangereuse même, puis calme à nouveau, assez imprévisible en somme, mais du coup on ne s'ennuie pas une seconde.^^
C'est dans la région du Putumayo, avec les Marubo, peuple amérindien de l'Ouest amazonien dont l'auteur a tiré une étude approfondie sur le chamanisme, que nous passons les pages suivantes.
C'était très intéressant et instructif cette plongée dans leurs culture et traditions, forcément dépaysantes. Bon, leur gastronomie ne m'aura pas fait saliver (au menu, manioc, riz, haricots, banane plantain grillée, bon, jusque-là, ça va 😆, mais aussi tête de tapir, foetus de singe-araignée rôtis, caïman, viande de tatou rôtie - à noter que notre anthropologue ne mangeait pas tout et ne digérait pas bien tout non plus^^), mais ce n'était finalement pas si alien que je l'aurais pensé.
J'ai vraiment apprécié partager ces quelques moments avec eux. Même le chaman m'a beaucoup plu alors que d'habitude j'ai du mal avec les chamans. Et j'ai particulièrement apprécié le fait qu'ils ne soient pas présentés comme une communauté insolite, examinée à la loupe comme un insecte bizarre par un observateur civilisé. Non, c'était un regard extérieur certes, mais respectueux et amical, celui d'un étranger à cette communauté qui y avait été accepté et qui s'y était intégré au fil du temps, à sa manière mais avec humilité, sans tenter de régir leurs vies, sans condescendance, mais en toute franchise tout de même dans les rapports et en restant lui-même. J'ai trouvé leurs relations très touchantes, en total contraste avec les missionnaires américains de passage qui m'auront bien fait rire (épique cet épisode !).
L'anthropologue ne cache rien de la dure réalité de leur vie sur des aspects qui peuvent nous sembler banal. Se nourrir, se soigner sans médicaments, peut se révéler très compliqué au quotidien, mais comparé à la réalité de sa vie en ville, où le danger guette chacun à tous les coins de rue, on ne saurait dire qui est le mieux ou le plus mal loti.
Bon, et notre histoire d'Attrapeur d'oiseaux, alors ? Eh bien justement, moi aussi, au début, j'étais un peu impatiente de la découvrir, car elle obsédait bien notre anthropologue et les Indiens semblaient réticents à la lui raconter. J'ai même douté à un moment qu'on en saurait davantage. Mais, finalement, le récit était assez riche en dehors de cette histoire pour que je ne m'en soucie pas trop, ou que ça ne me ronge. J'ai vraiment aimé passer du temps en compagnie de cet anthropologue et des Indiens en réalité. Et la fin, excellente à la lumière de ce récit d'Attrapeur d'oiseaux !
Mon avis Goodreads
J'ai bien aimé cette escapade particulièrement dépaysante et pour le moins insolite, une expérience beaucoup plus humaine, touchante et même drôle que je ne m'y attendais (il y a même eu deux ou trois moments hyène hilare). Non, vraiment, rien à redire, mais je ne peux pas affirmer avoir adoré ni rien dans le genre, question de thématique un peu trop éloignée de ma zone de confort sûrement. Ceci dit, je ne regrette absolument pas le voyage, malgré quelques doutes en cours de route, au début surtout.
Un petit extrait :
"D'après moi, il s'agit de toute évidence d'une crise d'épilepsie, mais pour les autres missionnaires, c'est certainement le Prince des Ténèbres qui s'empare d'un nouveau déchu. Pour mes parents d'ici, c'est plutôt une manifestation d'Atitanga ou un phénomène que seul Tarotaro saura expliquer."
Lu dans le cadre du Mois latino et intègre
🦜Book Trip Brésilien => 4 points (thème Brésil + 128 pages + LC)
Total à date => 6 points (arrivée à Rio 🥳)
L'auteur
Pedro Cesarino, né au Brésil en 1977, est anthropologue et professeur à la faculté de philosophie, lettres et sciences humaines de l'université de São Paulo, spécialisé dans les relations entre anthropologie, art et littérature. L'Attrapeur d'oiseaux est son premier roman. Avec une remarquable maîtrise des codes de l'enquête ethnologique, il y porte un regard ironique sur sa propre pratique, tout en plongeant le lecteur dans l'univers fascinant des chamans d'Amazonie.
Je découvre qu'il y a une LC! Mais tout le monde est d'accord, c'est un bon roman. Les chamans pas trop mon truc, mais les ethnologues un peu bousculés, si (genre Nigel Barley)
RépondreSupprimerPas lu ce fameux Nigel Barley mais Doudoumatous le recommande aussi. Je vais étudier ça de plus près.^^
SupprimerAh les chamans, c'est trop un autre monde pour moi, même les chamans coréens, mais celui de ce roman vaut le détour !^^
J'ai trouvé aussi que les préparatifs et le voyage en pirogue était un peu longs. On a hâte de découvrir le village amazonien et ses habitants. Il y a effectivement beaucoup d'humour et d'auto-dérision dans ce petit roman. Le passage avec le missionnaire est hilarant. J'ai beaucoup ri aussi lorsque tout le monde doit se jeter à terre à cause d'une boulette de l'anthropologue, pendant la cérémonie funéraire du chef. Ces amis autochtones lui en veulent ensuite beaucoup car ils doivent rester plusieurs heures, face contre terre, sans boire ni manger.
RépondreSupprimerAh oui, ce passage m'a beaucoup fait rire aussi ! C'était assez inattendu et énorme comme boulette, mais les conséquence étaient tellement drôles.^^ Il y avait un petit côté décalé assez rafraîchissant tout au long de l'histoire, c'est ce qui m'a beaucoup plu dans ce roman. Et en effet, bien qu'il soit court, il suscite quand même pas mal d'impatience au début. Heureusement, on finit par rentrer assez vite dans le vif du sujet.
SupprimerJ'ai été sensible moi aussi à cette autodérision et en particulier aux passages que cite doudoumatous ci-dessus ! Le respect pour la culture et le mode de vie de ce peuple est très intéressant aussi.
RépondreSupprimerOui, l'auteur a réussi à créer un bel équilibre entre l'humour et les considérations plus sérieuses inhérentes à ce type de récit.
SupprimerLe commentaire précédent paru sous anonyme était de claudialucia . J'ai participé à la LC avec Ingammic.
RépondreSupprimerBien noté ! Ingannmic me l'avait signalé en plus mais je n'arrivais à retrouver ton blog.
SupprimerHeureusement qu'il y a les LC, celle-ci permet de souligner l'humour qui traverse le texte, que j'ai complètement occulté dans mon billet, je crois que j'ai été happée par la mélancolie du narrateur !
RépondreSupprimerEt j'ai cherché la tribu dont il est question mais je n'ai pas trouvé, alors merci, cela me permet de compléter plus soigneusement mon récap sur les minorités ethniques !
Nous ne sommes clairement pas tous réceptifs aux mêmes choses dans un livre, cela dépend de la sensibilité de chacun et de l'humeur du moment sans doute, c'est ce qui est intéressant en effet lorsque l'on compare les avis, et c'est ce qui permet aussi aux lecteurs de déterminer si un livre est susceptible de les intéresser ou non. La mélancolie était clairement là au début ceci dit, mais elle s'est un peu dissipée sous l'effet de cet humour auquel nous nous sommes toutes raccrochées.^^
SupprimerQuant à la tribu, je confirme, l'auteur ne précise pas de laquelle il s'agit dans son roman, mais j'ai pris la liberté de me référer à celle dont il avait fait l'étude la plus approfondie pour décider que c'était les Marubo.^^ Ça correspond à la région en tout cas. Il parle aussi des Garofos des villages voisins.
Oui, je pensais aussi que c'était les Marubo puisque les publications de l'ethnologue portaient sur ce peuple mais dans Le Monde des Livres, il explique qu'il n'a pas voulu donner de précision. Certainement, en raison de ce qu'il raconte et qui relève de la fiction et de l'imaginaire.
SupprimerDans la mesure où il les met en scène de façon parfois pas forcément avantageuse, qu'il leur prête des intentions, des paroles, qu'il crée clairement une fiction autour de ce peuple amérindien, il n'a peut-être pas voulu les nommer spécifiquement et rester dans le vague et la fiction pure, mais bon, on ne décrit bien que ce qu'on connaît bien.;)
SupprimerJ'avais repéré ce roman, je pense le trouver d'occasion, car je crois qu'il a de quoi me plaire !
RépondreSupprimerIl n'y a pas trop de prise de risques avec ce roman même si ce n'est pas un coup de coeur, et il y a des passages épiques qui valent vraiment le détour.;)
SupprimerTu es le 4e billet et sans doute le dernier de la LC. Vos avis sont très intéressants dans leur variété. Ce sera trop tard pour cette année, mais je le note pour le mois latino de l'an prochain.
RépondreSupprimerOn était bien 4 pour cette LC.:) C'est en effet une très bonne idée de lecture à se garder sous le coude pour un mois latino.^^
SupprimerOh pourquoi pas....apres tout cela reste un roman court....et assez sympa...plus qu'a le trouver...;)
RépondreSupprimerJe pense que ça te plairait bien !;)
SupprimerJ'ai vu que les filles qui faisaient la LC avaient bien aimé. c'est noté...
RépondreSupprimerTrès curieuse de ton avis si tu le lis !^^
SupprimerIl y a des avis positifs, mais je ne pense pas que ce soit pour moi...
RépondreSupprimerJe n'aurais pas dit que c'était pour moi non plus mais c'est très bien passé. On n'est jamais à l'abri de bonnes surprises là où on s'y attend le moins.;)
SupprimerBien tentant cette découverte d'un peuple différent, d'autant plus que tu précises que c'est un livre court. Mais j'ai un autre anthropologue qui m'attend dans ma PAL depuis près de 15 ans, en déroute celui-là. Donc il faut que lui règle son compte d'abord, avant de passer à des lectures plus récentes... et somme toute pas prioritaires pour moi ;)
RépondreSupprimerOn est tous confrontés à la nécessité de faire le tri dans nos lectures.;)
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