jeudi 20 février 2025

LA BEDONDAINE DES TANUKIS


traduit du japonais par Jacques Lalloz

Quel titre bedondonnant à souhait ! Je n'ai pas pu y résister, même si, malgré mon fort intérêt pour la culture japonaise, je n'ai jamais été vraiment fascinée par l'univers des yôkai, ces esprits de la forêt si spécifiques au Japon. C'est un peu comme les lutins ou autres petites créatures humanoïdes légendaires du folklore scandinave, ce ne sont pas trop des histoires qui m'attirent au départ. J'ai tout de même embarqué car le titre avait ce quelque chose de réjouissant qui force la curiosité. Eh bien, contre toute attente, ma rencontre avec les tanukis a été plus que concluante. J'ai totalement succombé à leur charme et à leur fantaisie.

Mais au fait, qu'est-ce qu'un tanuki ? Dans le folklore japonais, il est considéré comme un yôkai assez facétieux dont la particularité est de pouvoir se transformer en objets ou en êtres humains. On trouve de nombreuses statuettes le représentant au Japon car elles servent aussi de porte-bonheur. Cette créature surnaturelle est inspirée d'un animal réel, le chien viverrin, une espèce de raton-laveur japonais (cf photos plus bas).

Un extrait de la quatrième de couv pour le contexte de l'histoire :
"Dans le riche comté d'Awa, les humains cultivent l'indigo tandis que les tanukis multiplient farces et métamorphoses. Pas un jour ne se passe sans qu'un habitant ne soit victime d'une de leurs facéties. [...] (Mais) leur génie bienveillant est sans limites. Aussi, lorsque l'infâme intendant du gouverneur menace d'enlever Omiyo, la fille du maître teinturier, c'est un tanuki qui vole à son secours. Pompoko pon ! C'était compter sans la fourberie ancestrale des renards qui ne sont jamais loin..."

La phrase qui a eu raison de ma résistance :
"Épopée euphorique et roman d'aventures extravagant, La Bedondaine des tanukis transcende les meilleurs films d'animation japonais."

Dès les premières pages, j'ai été ferrée par le ton, la fantaisie ambiante et le style, vivace, avec des dialogues enlevés, teintés parfois d'expressions et tournures de phrases délicieusement désuètes ou campagnardes suivant les interlocuteurs. Cela m'a rassurée aussi qu'il s'agisse d'une histoire d'hommes et de femmes avant tout, et non juste de tanukis. Par ailleurs, l'aspect "conte" pressenti dès le résumé qui s'accentuait au fil des pages a aussi fortement joué en la faveur de ce roman.

L'histoire se déroule en 1838, mais j'ai repéré un ou deux anachronismes assumés qui m'ont tout de suite fait prendre l'auteur, Hisashi Inoue, en affection.
Je l'avais déjà lu avec Les 7 Roses de Tôkyô - je m'en suis rendu compte en cours de lecture - un tout autre genre, un roman historique évoquant une période sombre de l'histoire japonaise, celle de la fin de la Seconde Guerre mondiale et de l'occupation américaine, mais je l'avais déjà trouvé passionnant et savoureux, et son humour, entre rafraîchissant, cocasse et mordant par moment, m'avait marquée. J'avais aussi souligné que tout était retranscrit avec beaucoup de calme et une dignité toute japonaise.

Eeeuh, ici, point de calme et de dignité toute japonise 😆, mais l'humour était bien au rendez-vous, en plus coloré toutefois.^^

Mon avis Goodreads
Un roman truculent et dépaysant à souhait ! L'auteur est malicieux au possible, quelque peu salace, voire scabreux par moment. C'est assez inattendu, je dois l'admettre, mais assez jouissif dans le fond tellement on est hors des conventions et on sent que l'auteur s'en amuse. Il est clairement déroutant par son audace. On est entre indécence, outrage et amusement. Son conte est un régal d'excentricité, notamment avec son imagination foisonnante autour de l'univers des yôkai et des tanukis en particulier. 

Je n'avais encore rien lu de tel côté littérature japonaise et ce voyage au milieu des tanukis a été une aventure surprenante de bout en bout (c'est que l'auteur imagine même une université des tanukis où certaines de ces créatures mènent des thèses de métamorphosologie, pour ne citer qu'un exemple 😆). 
C'est à la fois mignon, léger, sérieux, très instructif sur le folklore japonais, philosophique et même romantique, oui, oui. J'ai été complètement sous le charme !
Quelques passages m'ont moins captivée que d'autres, cela dit, notamment ceux avec les renards, mais ils restaient essentiels à l'intrigue.

Quelques extraits pour la route :
"- J'aime lire et les livres qui se trouvaient au village, je les ai tous lus. Enfin, "tous", cela n'arrive même pas au nombre de deux milliers. Néanmoins, j'ai l'impression d'avoir été pas mal par monts et par vaux sur le papier. Il faut dire que ce genre de pérégrinations n'entre pas dans la catégorie des vrais voyages."

"Comme je viens de vous le conter en long et en travers, je ferai tout pour que mon Omiyo et mon comptable Chôkichi couchent ensemble, enfin, non, je m'exprime trop crûment là, disons que, euh...
- Qu'ils convolent, vous vouliez dire, je parie.
- Voilà, c'est le mot."

26 commentaires:

  1. Déjà repéré, tu penses bien, quel titre! Mais rien de rien en bibli, quoique, on ne sait jamais... Merci pour les photos!

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    1. J'ai découvert l'existence de ces chiens viverins grâce à ce roman. Ils ont un physique étonnant ! Je me devais de le partager.:)

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  2. C'est intrigant et semble plein d'humour, ça me rappelle, dans un contexte scandinave, La pêche au petit brochet aux éditions La Peuplade (l'auteur m'échappe)

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    1. Juhani Karila, je viens de vérifier. Mais oui, quand je parlais de folklore scandinave, voilà un bel exemple ! Oh j'ai l'impression que ça pourrait bien me plaire : "roman virtuose et drolatique, écrit dans un esprit carnavalesque rabelaisien et avec des personnages dignes de Don Quichotte". Je comprends que ma lecture t'y ait fait penser.:)

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  3. La culture japonaise ne m'attire pas du tout ( je n'y comprends rien ...) mais, là tu réalises l'exploit de me faire noter ce titre !

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    1. Ah oui ? Eh bien je suis très curieuse de ton avis si tu le lis.:)

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  4. J'ai l'impression que l'exubérance et le don de métamorphose de ces Tanukis rappellent un peu les personnages de films d'animation japonais. Je ne suis pas sûre d'accrocher.

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    1. Il y a d'ailleurs un animé du studio Ghibli (Pompoko) dont les personnages sont des tanukis.^^ Visiblement, le réalisateur s'est dit, comme toi, qu'ils étaient faits pour ce genre de film.

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  5. Quel titre, en effet.. du genre qui m'aurait attirée aussi..

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    1. La couverture aussi^^, mais bon, les éditions Zulma sont très forts pour ça.

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  6. Ton avis donne envie de lire tout de suite ce titre léger et sérieux à la fois ! Un pari qui semble réussi on dirait. Et en plus, je trouve la couverture attirante, et j'aime bien en découvrir plus sur la culture japonaise et les yokais.

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    1. Alors ce roman a tout pour te plaire.:) Très curieuse de ton avis si tu le lis.

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  7. Oh oui je l'ai note...c'est sur didonc....il y en a plein qui sortent venant du Japon vraiment bien....ouiii

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    1. Oui, et je sens que je vais me laisser tenter, haha !

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  8. Un titre qui n'invite qu'à la lecture. Merci pour ton avis.

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  9. Je suis assez tentée et comme j'aime bien la littérature japonaise en général, ça vaut le coup de tenter. Le titre est vraiment drôle pour nous.

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    1. Oui, c'est un titre qui met de bonne humeur d'emblée. Je guette ton avis, alors.:)

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  10. Truculent, dépaysant, mais je ne suis pas tenté...

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  11. Tu me convaincs qu'il faut que je retourne vers la littérature japonaise, je suis mauvaise en la matière, mauvaise !!...

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    1. Je compte en lire davantage aussi cette année. J'en lisais un peu moins ces derniers temps. J'espère qu'on s'inspirera mutuellement.:)

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  12. Il est dans ma liste d'envie, tous les avis lus étant positifs. Et puis, j'adore les contes et les tanukis :) J'ai juste un peu peur de l'humour, le salace ne fonctionnant pas trop sur moi, mais le fait que tu aies accroché me rassure sur ce point.

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  13. Je l'avais repéré (je ne sais plus chez qui) mais sans relever le nom de l'auteur ! De lui, j'ai pourtant lu un roman épistolaire assez noir, à la forme très originale et très bien vu. Ça me conforte dans l'idée de lire celui-ci !

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  14. Le titre donne vraiment envie d'en savoir plus et bien entendu ta chronique aussi...je vais de ce pas aller voir si je peux le trouver !

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  15. ça me fait un peu peur ? mais tu as l'air emballé !

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