mardi 22 juillet 2025

L'ÎLE DES FEMMES DE LA MER


( THE ISLAND OF SEA WOMEN )

traduit de l'anglais (États-Unis) par Samuel Sfez

C'est le premier roman de Lisa See que je lis, une autrice dont j'avais déjà repéré les romans historiques, autour de la Chine principalement, mais qui ne m'avaient jamais vraiment attirée car estampillés bestsellers avec des titres un peu caricaturaux et doucereux, genre Fleur de Neige, Le Pavillon des Pivoines, La Mémoire du thé... 

L'Île des femmes de la mer, un de ses plus récents, a toutefois capté mon attention chez Audrey, déjà parce que c'était éligible au book trip en mer^^, mais en plus, ça avait trait à la Corée du Sud (ce qui est toujours assez irrésistible pour moi), et plus particulièrement à l'île de Jeju et à ses mythiques haenyeo, ces extraordinaires plongeuses en apnée dont je ne savais en réalité pas grand-chose, mais c'était justement l'occasion d'en apprendre davantage.^^

Ça commence gentiment comme un récit de [extrait de la 4e de couv] "plongée et de pêche sous-marine qui rythment le quotidien des femmes sur l'île de Jeju dans les années 1930. Dans cette société matrifocale, les haenyeo travaillent (dur) pour subvenir aux besoins de leur famille pendant que les hommes s'occupent des enfants." Absolument passionnant cette immersion dans la vie de ces "gardiennes et superviseuses de la mer" qui protègent leurs champs sous-marins dans le respect des traditions et des saisonnalités ! Puis l'intrigue se recentre sur le destin de deux filles de cette communauté, Mi-Ja et Young-sook, dont l'amitié profonde depuis l'enfance va être durement éprouvée par la guerre. 
C'est alors tout un pan de l'Histoire de la Corée du Sud, et de l'île de Jeju en particulier, qui se déploie devant nous, depuis les années 1930 alors que la Corée était colonisée par les Japonais, en passant par la Seconde Guerre mondiale et plus longuement sur cette période charnière que fut "l'Incident du 3 avril (1948)" (officiellement terminé sept ans tard - des années de massacre, entre 30.000 et 60.000 victimes), jusqu'en 2008 où s'ouvre ce récit et où l'on retrouve Young-sook, 85 ans, une des dernières haenyeo à Jeju. 
Une femme coréenne venue tout droit des États-Unis avec sa fille vient la retrouver sur la plage et lui pose des questions sur sa grand-mère, Mi-Ja. Young-sook prétend n'avoir jamais connu cette femme... On remonte alors dans le temps jusqu'en 1938 et c'est dans une alternance entre passé et présent que se dessine l'histoire tragique de Jeju et de ces deux femmes autrefois soeurs de coeur.

Bien sûr, tout le long du roman, on se demande quel terrible événement a pu se produire pour briser cette amitié qui semblait à toute épreuve. Puis quand il survient (un dilemme du niveau du choix de Sophie), on se sent prendre parti pour l'une, mais ce n'est qu'au fur et mesure que l'intrigue se développe et que l'on se rapproche de la fin que s'expliquent les choix de l'autre, et là, on ne sait plus quel parti prendre... 
J'ai trouvé la fin très forte, la façon dont l'autrice l'a habilement amenée, ainsi que son dénouement. Je ne l'ai pas vue venir et les dernières pages étaient vraiment très émouvantes.

C'est un roman historique de bonne facture, à l'écriture assez classique, sans éclat particulier, mais agréable à la lecture, avec une intrigue solide et plutôt bien rythmée. Un roman à la force tranquille, sans vaine agitation ni forte tension, mais captivant malgré tout, avec des personnages convaincants. J'ai beaucoup aimé le traitement des thématiques autour de l'amitié, de la rancune et du pardon, qui traversaient ce roman tout le long, et les réflexions suscitées.
J'ai aussi beaucoup apprécié la précision des faits, qu'ils aient trait aux haenyeo ou à l'histoire de Jeju, en particulier cet "Incident du 3 avril". L'autrice a fait beaucoup de recherches et d'entretiens en amont, son roman est clairement documenté et donc très instructif. 
J'ai été complètement subjuguée par ces haenyeo, leur vie quotidienne et leur organisation. J'ai découvert une communauté (en voie de disparition, cela dit) qui m'a tellement fascinée que je suis même allée regarder des vidéos sur youtube, notamment pour entendre le sumbisori, ce fameux son qu'elles émettent quand elles émergent de l'eau et qui ressemble à un sifflement de dauphin (cf les premières secondes de la vidéo ci-dessous).


Une très belle surprise donc que ce roman historique de Lisa See dont je n'espérais pas tant.

Extrait
"On disait autrefois que les dons de la mer étaient comme l'amour d'une mère, infinis, mais certaines parties de la mer deviennent blanches, là où le corail, les algues et les crustacés ont péri. Cela est dû au changement climatique, à la surpêche et à la négligence humaine. Désormais, les haenyeo plongent pour récolter du polystyrène, des filtres de cigarettes, des emballages de bonbons et des morceaux de plastique."

Intègre le 
Total à date => 13 points (400 pages)
⛵ Profitons de cette vue sur mer. 😎

L'autrice
Lisa See est une écrivaine américaine. Elle est née en 1955 d'une mère américaine, l'autrice Carolyn See, et d'un père américain d'origine chinoise, l'anthropologue Richard See. Son arrière-grand-père parternel a immigré à Los Angeles lorsqu'il a quitté son village chinois au début du siècle dernier pour devenir le parrain du Chinatown.
Autrice de plus de dix romans historiques, l'Organisation des Femmes Chinoises Américaines l'a nommée en 2001 Femme de l'Année.

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