dimanche 15 décembre 2013

LES ÉVAPORÉS


LES ÉVAPORÉS

Un livre qu'il me tardait de lire, dont j'ai souvent entendu le plus grand bien, et dont le sujet ne pouvait que me parler puisqu'il porte sur le Japon ! Le teaser sur le bandeau de la couverture rendait par ailleurs le sujet assez intrigant :
"Ici, lorsque quelqu'un disparaît, on dit simplement qu'il s'est évaporé."

Je ne m'attendais pas vraiment à ce type de récit dont le genre est assez indéfinissable, à mi-chemin entre documentaire social et fiction, enquête policière et histoire d'amour, le tout empreint d'une certaine sensibilité, et je dois dire que dans l'ensemble, je suis plutôt agréablement surprise même si je suis loin de la révélation et du coup de coeur. Le récit se lisait bien, j'y trouvais beaucoup d'éléments instructifs et intéressants, mais j'étais toujours un peu dans l'attente de quelque chose.

Il n'y a pas d'intrigue forte ni de personnages attachants, c'est plus une promenade/hommage dans un Japon dont on ne parle pas trop.
J'ai apprécié la balade mais j'ai été moins sensible au clin d'oeil à Richard Brautigan que je connais de très loin, n'étant pas particulièrement férue de poésie.
Ce qui m'a intéressée dans ce roman, c'est le regard de l'auteur, Thomas B. Reverdy, sur le Japon, et les thématiques abordées, l'angle de vue moins médiatique, classique, touristique, que ce que l'on en montre habituellement. Le portrait d'un Japon à la dérive, ses zones d'ombres éclairées sous le regard fasciné de l'étranger dont on sent l'attachement malgré tout.

"[...] tout le monde ne peut pas se passionner pour l'art floral, les signes vides et la calligraphie. [...]
Les marginaux, les brigands, les prostitués, les joueurs, les sociopathes, les jeunes qui finissent dans un gang et les paumés qui finissent dans le saké, c'est plus dangereux à approcher, mais c'est plus fiable lorsqu'il s'agit de connaître une société."

La thématique des évaporés même est assez intrigante. Ce sont des gens qui, une fois évaporés, vivent en marge, sont déclarés disparus et de fait, n'existent plus. Ils finissent même par intégrer le fait qu'ils ont disparu !
"Personne ne les recherche, ni la police car il n'y a pas de crime, ni la famille parce qu'ils viennent de la déshonorer. Ils deviennent de fait une sorte de clandestin dans leur propre pays, tout à coup transformé en paria."

C'est un récit qui m'a surprise par ce qu'il m'a encore dévoilé de cette civilisation dont je pensais avoir à peu près fait le tour. Certaines des observations dans ce récit rejoignaient les miennes :
"Les Japonais ont beaucoup de recul sur leur propre culture quand ils en parlent en anglais. Ça ne les empêche pas d'y adhérer parfaitement, en japonais."

De même les observations sur les sans-abris qui se tiennent à l'écart et vivent dans une certaine dignité malgré leur misère.
"Les Japonais représentaient la seule civilisation d'Asie à avoir inventé le bushido et la seule du monde à se tenir encore à cette espèce de code d'honneur, d'honneur individuel et social à la fois, pas de prétention arrogante méditerranéenne ou d'hypocrisie pudibonde nordique."

D'autres relevaient vraiment de la nouveauté pour moi. J'y ai découvert, en dehors de cette notion "d'évaporés", entre autre l'existence des appartements de johatsu (appartements abandonnés par des évaporés) loués à des étudiants. Enfin, plus précisément, ces étudiants sont payés pour les occuper quelques mois, ceci afin que ces appartements puissent être reloués ensuite !

J'ignorais également l'existence des travailleurs pauvres du quartier de San'ya à Tokyo, ou des camps de réfugiés et d'ouvriers autour de Sendai, la plupart chargés du nettoyage du site sinistré suite à la catastrophe nucléaire de Fukushima.
"Soixante-dix pour cent des gens qui vivent là sont des évaporés. [...] Ils fournissent le gros des travailleurs journaliers que le marché épuise depuis la décennie perdue. Ils meurent dans la rue, une cinquantaine par an, d'alcoolisme ou d'épuisement, quand ils n'ont plus la force de travailler pour payer leur auberge. On ne s'en rend pas compte : quand on entre dans ce quartier, on dirait un quartier normal, ce n'est pas Baltimore ou D.C., ni une favella ou slum ordinaire, il n'y a ça qu'au Japon."

Je me suis sentie une certaine affinité avec l'auteur dans son intérêt et sa fascination pour cette culture assez unique en son genre.
A noter que Thomas B. Reverdy a séjourné 6 mois au Japon en 2012 et que l'on peut retrouver ses notes, réflexions et photos sur ce blog : http://thomasreverdy.tumblr.com/.

Une lecture commune avec Hélène.

12 commentaires:

  1. Hum, j'attendais ton avis d'ex voyageuse au Japon... Bah, on verra, quoi.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ce n'est pas vraiment un récit de voyage type aventures délirantes, tourisme et découvertes culturelles sous ses plus beaux atours, l'auteur explore surtout le Japon social post-Fukushima, et plus précisément la face cachée de ce pays, donc mon avis d'ex voyageuse au Japon n'éclairerait pas grand chose.^^

      Supprimer
  2. Pas un coup de cœur non plus pour moi mais j'ai quand même beaucoup aimé l'ambiance qui se dégage de ce roman. Et puis j'ai appris énormément de choses sur le Japon post Fukushima.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui, très instructif, très intéressant, une atmosphère particulière qui colle bien au sujet du récit, une ambiance insaisissable et mystérieuse tout comme la culture de ce pays exploré, mais il m'a manqué un truc pour une adhésion totale.

      Supprimer
  3. Comme toi, j'attendais quelque chose de plus, même si c'est un lecture agréable, il manque un petit quelque chose qui lierait l'ensemble...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui, en même temps il y a un parti pris de l'auteur de faire de ce roman ce quelque chose d'évanescent, diffus, avec des instants-clichés qu'on lirait comme un album-photo j'ai l'impression. En tout cas, il ne voulait clairement pas en faire un roman classique à la française ou à l'américaine, comme il le dit dans ce livre. C'est sûr que si on ne s'y attend pas, on reste un peu sur notre faim.^^

      Supprimer
  4. Certainement très intéressant culturellement, mais pas trop envie, si tu dis que ce n'est pas trop romanesque. J'ai besoin de romanesqe ou de drôle en ce moment !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ah y a du romanesque hein ! Au contraire, c'est très sensible, poétique, il y a même une histoire sentimentale, mais ce n'est pas un roman classique à intrigue forte avec personnages attachants et tutti quanti. Bon par contre si tu es à la recherche d'humour et de divertissant, ce n'est effectivement pas la bonne pioche.;-)

      Supprimer
  5. Bonjour A_girl..., je compte bien lire ce roman dès que possible et pourtant il ne fait pas l'unanimité. Aifelle par exemple ne l'a pas terminé. Il ne laisse pas indifférent. Bon dimanche.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonjour Dasola, tu as bien raison de vouloir expérimenter ce livre par toi-même et de t'en faire ta propre opinion. J'espère que tu y trouveras ton compte.
      Bon début de semaine.

      Supprimer

Merci pour votre petit mot. Les commentaires sont modérés par défaut, mais j'y réponds toujours.