ROMAN AMÉRICAIN
Quand j'approche Antoine Bello, c'est toujours avec un sentiment d'appréhension mêlé à une grande excitation, que ce soit à travers ses livres ou en "live" (vécu et constaté lors du dernier Festival America où je lui ai vaguement rôdé autour telle une inquiétante renarde autour d'un poulailler haha).
C'est que Bello, c'est celui qui m'a sauvée d'une panne de lecture coriace l'été 2009, avec L'éloge de la pièce manquante qui m'a révélé un pur génie. Bluffant, scotchant ! Les mots "tour de force","respect", me viennent à l'esprit à la seule mention de son nom, et pourtant, ses romans évoluent toujours autour d' univers un peu atypiques et improbables, pas forcément engageants au premier abord, du genre "mais que diable est-t-il allé faire dans cette galère et m'y retrouverai-je ?" Et à chaque fois je m'y retrouve, j'en redemande même !
Bello a une imagination débordante, l'art et la manière de construire des intrigues originales, captivantes, subjuguantes, en clair, il m'épate à chaque fois. Il ne m'aura déçue qu'une fois, avec Enquête sur la disparition d'Émilie Brunet. Pas assez pour le rayer de mes auteurs chouchou, mais assez pour m'inquiéter sur ses oeuvres suivantes. Le trouverai-je à la hauteur de ses précédents, ou serai-je, moi, à la hauteur de son génie ?
C'est dans cet état d'esprit que j'ai abordé son Roman américain que j'ai lu en appetizer en attendant de pouvoir me ruer sur Les producteurs, son dernier qui clôture sa trilogie des Falsificateurs.
J'avoue, je n'étais pas particulièrement enthousiasmée par la thématique. "Roman américain", le titre déjà ne me motivait pas. Savoir que ça tournait autour de l'essor du "life settlement" aux États-Unis, "pratique consistant à racheter une police d'assurance-vie à son souscripteur en pariant sur le décès de celui-ci", me motivait encore moins (bon sang, mais quelle drôle de thématique pour un roman). J'ai en plus une allergie particulière (voire une aversion) pour le milieu des assurances, alors un roman précisément sur ce sujet... le type de reportages sur "Capital" ou "Envoyé spécial" que je pourrais allègrement zapper - un reportage qui aurait pu s'intituler "l'industrie de la mort aux États-Unis" (youpi thème !).
En feuilletant le livre et en découvrant sa structure mêlant articles de journal économique, échanges de mails et journal d'un écrivain, j'ai tout de même été intriguée. C'est que je résiste très difficilement à l'originalité, et là, on était en plein dedans !
De nouveau partagée entre l'appréhension et l'excitation, c'est donc frémissante que j'attaque les premières pages, et ô miracle, je survis aux articles économiques. Je trouve même tout cela intéressant, en tout cas bien expliqué et bien développé, de façon fort accessible. Je me régale aussi dans un premier temps des échanges de mails entre notre journaliste économiste et notre écrivain, de leurs guéguerres amicales entre provocation, piques de jalousie et duels littéraires, et sans m'en rendre compte, je me suis installée à Destin Terrace, en Floride, au milieu de ces acteurs du "life settlement" (souscripteurs et investisseurs), témoin de leur quotidien, des dégâts de ce marché sur leur vie et de leurs secrets dépeints avec un certain cynisme et un humour noir savoureux par notre écrivain.
Admiration encore une fois devant le talent de Bello à réussir cette fois le tour de force de dresser "un portrait vivant de l'Amérique contemporaine à travers le prisme de ce phénomène économique et financier du "life settlement" " dont je ne soupçonnais pas vraiment l'importance et les conséquences dans la vie des Américains. Je n'irais pas jusqu'à dire que c'était passionnant mais en tout cas j'ai trouvé cela très instructif et intéressant.
Et puis quelle idée de génie tout de même ce mélange subtil et improbable entre littérature et économie dans ce roman qui finalement porte son titre à merveille (j'ai particulièrement aimé les derniers échanges de mails entre le journaliste et l'écrivain qui bouclent la boucle et expliquent finalement la genèse de ce roman - très très fort).
Malgré tout, malgré de bonnes surprises, entre autres parmi les personnages et les délires de Bello, c'est un roman qui m'a parfois laissée de marbre, le sujet étant ce qu'il est et ne parvenant pas vraiment à m'attacher aux personnages, ni toujours à ce qui se déroulait, et surtout le style, la façon de parler de l'écrivain ne m'accrochait pas vraiment. Trop banal, trop ordinaire, trop convenu dans l'idée qu'on pourrait avoir de chaque personnage. Un style volontairement dénué de finesse, sans être grossier. Il y avait pour moi une certaine platitude, l'impression d'entendre une voix monocorde d'un personnage à l'autre, bien que ne manquant pas de vivacité.
Une lecture mitigée donc, un roman ambitieux qui force l'admiration par sa thématique improbable qui gagne quand même son lecteur, et sa structure narrative, mais qui ne m'a pas autant subjuguée que d'autres romans de Bello.
Un roman que j'ai envie de porter aux nues parce que bon, purée quoi, prouesse !, et en même temps, il faut l'admettre, je n'ai pas tout à fait décollé. Je l'ai ressenti dans mon plaisir de lecture,à mi-chemin entre ses meilleurs et Émilie Brunet.
Ah génial "Eloge de la pièce manquante" : so weird !! Bon et celui-là, je ne l'ai pas lu, pour les raisons que tu listes et tout comme "Mateo". C'est vraiment qu'il aborde des thématiques étranges ce Bello et que Keisha m'a dit de foncer pour celui-là, mais bon...
RépondreSupprimerEt je ne connaissais pas "appetizer"...
Des thématiques surprenantes et singulières oui, mais qu'il parvient à rendre étonnamment accessibles. Captivantes même, 2 fois sur 3.;-) C'est ça que je trouve intéressant chez lui, il est imprévisible d'une certaine manière, et il n'y a que lui pour s'intéresser et chercher à intéresser son lecteur sur de pareils sujets.
Supprimer"Appetizer", "amuse-gueule", "mise en bouche", tu vois l'idée.;-)
Moi je veux tout lire (pour l'instant Matteo, quand même, euh... le football) et veux relire cet Eloge... lu il y a bien presque 20 ans...
RépondreSupprimerA part ça j'ai enfin lu Les producteurs (pas de billet, une notule en fin d'un autre billet, grosse flemme, si tu savais tout ce que je lis dont je ne parle pas)
j'ai adoré ce Roman américain, alors que le thème de départ, c'était pas gagné pour moi!
Un aveu : au festival america, la poule a attaqué le poulailler; il était en signature, (ah mais si tu étais là avec moi!)(son voisin était un gars de ta boîte!)(et tu ne le connaissais pas) et j'ai appris que son prochain roman arrivait en 2015...Oui, j'ai osé lui parler!
Le foot vu par Bello, je veux bien tenter l'aventure.;-) Tu sais que j'avais adoré un roman sur la course à pieds (si si !), "La grande course de Flanagan" de Tom McNab, alors bon, tout est possible !;-)
SupprimerOuch, pas de billet sur "Les producteurs" ? Ça veut dire que ça ne t'a pas plus inspirée que ça ? Pour l'instant je n'arrive pas à me résoudre à zapper des billets même si le temps me manque parfois. Tant pis si j'ai deux mois de retard ou si je ne publie du coup qu'une fois par semaine. Tu peux voir d'ailleurs sur Goodreads le nombre de billets que je compte faire entre ce que j'ai lu depuis "Roman américain" et "Le Puits de la Solitude" que j'ai fini hier.;-) Ça va m'amener à du janvier tout ça haha !
Sinon, oui, je me souviens de ce fameux dimanche au Festival America, j'ai vu la poule attaquer en effet.;-) Prochain roman en 2016 tu veux dire, non ?
En 2015, puisqu'en 2014 il parlait de Les producteurs.
SupprimerSur Goodreads? Faut voir. Pour l'instant je note juste mes lectures (sur blog ou pas) et j'ai explosé le compteur avec toutes les BD que je lis.
Si j'ai aimé Les producteurs! Mais bon, fatigue fatigue, parfois...
Le puits de solitude : lundi 23, yes!!!
Of course, 2015, puisque le festival était en 2014 ! ;-) Il y a plus d'un an maintenant quand j'y pense ! Le temps passe vite... !
SupprimerGoodreads, je m'étais "challengée" (en fait c'est plus un suivi vu que je fais un bilan chaque fin d'année) sur 100 lectures, ma moyenne habituelle, mais cette année, je suis bien en deçà, même avec quelques BD. Ça avait déjà mal débuté en janvier, avec les événements qu'on connaît, pas trop la tête à lire, et ce n'est pas l'actualité qui va arranger les choses. Et puis, à côté de ça, beaucoup de sorties et stages swing cette année, ça a beaucoup joué aussi sur mes soirées et WE lecture.;-)
Bref, yes, Le puits le 23 ! Coup de bol, j'ai quasiment rédigé mes impressions de lecture après avoir tourné la dernière page. Sans ça, c'était mal barré car mes lectures depuis plus de 3 semaines et sans billet brouillon, ben j'avoue, c'est un peu la page blanche aujourd'hui...Ça m'apprendra à procrastiner !;-)
je te lis et j'ai honte, non seulement je n'ai jamais lu cet auteur mais je n'en avais jamais entendu parler! Le sujet ne m'emballe pas non plus alors je note L'éloge de la pièce manquante si j'ai tout saisi...
RépondreSupprimer"L'éloge de la pièce manquante" ou la série des "Falsificateurs".:-)
SupprimerBah, si je devais avoir honte pour chaque auteur que je ne connaissais pas, je serais constamment rouge pivoine.;-)
Un auteur que l'on voit un peu partout qui ne m'a jamais vraiment attiré.
RépondreSupprimerJ'avoue, je ne sais pas trop si ce serait ton genre.;-)
SupprimerJe n'arrive plus à avoir envie de lire cet auteur que je trouve insupportable et dont j'avais pourtant adoré Enquête sur la disparition d'Emile Brunet.
RépondreSupprimerInsupportable en vrai, ou à travers ses livres ? Bon, moi je n'ai pas réussi (comme Keisha) à l'approcher de près alors je ne saurais dire pour le "live", mais en tout cas, il m'épate vraiment pour son imagination et son génie tel qu'il transparaît dans ses romans.:-)
SupprimerMoi le personnage je m'en fiche, même si c'est un imbécile. J'ai été terriblement déçue par Emilie Brunet, pour moi ce n'était rien de moins qu'un exercice facile et vaguement érudit. J'ai adoré les deux premiers tomes des Falsificateurs, mais un peu déçue (encore) par es Producteurs. Nous sommes à peu près sur la même longueur d'onde, sur ce qui me faisait peur - la thématique- tu ne me rassures pas beaucoup, mais j'aime vraiment ce que fait Bello, même si j'ai les mêmes réserves que toi.
RépondreSupprimerIl est sous mes yeux, je l'ai acheté en poche la semaine dernière, je l'attaque bientôt (et je me réjouis déjà de ce que tu dis que la boucle bouclée).
Déçue par Les Producteurs ? Aïe ! Bon, tu ne t'étonneras pas que je le lirai quand même.:-) J'ai l'impression qu'il pourrait me décevoir sur tous ses prochains livres, je continuerai à le lire quand même ! C'est fou, non ? Très peu d'auteurs me font cet effet. Je pourrais citer Murakami, et c'est à peu près tout.
SupprimerTrès curieuse de ton verdict pour "Roman américain" en tout cas. La thématique n'est pas affriolante mais il est parvenu quand même à en faire un vrai roman (qui se laisse plutôt bien lire en plus) et ça c'est fort ! Après, on pourrait estimer que là aussi ça frôle l'exercice, mais il est loin d'être facile cette fois.;-)
Bon ben je passe alors ! mais c'est bien, tu es reconnaissante envers les auteurs qui te sauvent de pannes de lecture !!!
RépondreSupprimerAh ben oui, difficile de faire autrement ! Quand on me sauve d'une panne de lecture, c'est limite on me sauve la vie !;-)
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