mercredi 4 mai 2022

LE CHOEUR DES FEMMES


LE CHOEUR DES FEMMES

Un roman qui ne m'attirait pas du tout au départ (rien que le titre... 😅) mais les avis enthousiastes sur le groupe des pavés ont fini par m'intriguer. La perspective de lire des histoires de patientes, en gynécologie en plus, ne m'enchantait guère, et je craignais un livre hyper pointu, sérieux, médical, où j'aurais à m'accrocher un peu. Le verdict a pourtant été sans appel sur Goodreads :
"Claque ! Premier coup de coeur de l'année ! (lu en janvier^^) Complètement happée dès les premières pages - le truc totalement improbable et inattendu au vu du sujet. On est loin du thriller ou autre roman palpitant du genre mais ce livre est absolument prenant. J'étais littéralement scotchée aux pages, arrivant difficilement à me résoudre à le fermer pour dormir un peu. Quelques petits bémols qu'on pourrait souligner mais sur lesquels j'ai choisi de ne pas m'attarder tellement cette lecture me semble indispensable !"

Ma première claque a été ma rencontre avec Jean Atwood, l'interne, un personnage de prime abord détestable, ambitieux, qui méprise et prend tout de haut mais dont j'ai étrangement apprécié la franchise et son côté rentre-dedans, limite grossier par moment. J'ai été par ailleurs agréablement surprise par le style narratif, très accessible, pas guindé, ni franchement littéraire, mais spontané, brut, nature. L'auteur, Martin Winckler, ne se soucie pas de faire de belles phrases, il ne s'écoute pas écrire, et malgré tout, son style est riche, fluide, efficace, d'une grande clarté, et a du caractère, un sacré caractère même. Cette narration avait pour moi le souffle de l'authentique, du vrai, qui actionne efficacement toute sorte d'émotion chez le lecteur.
Ma deuxième claque, c'est quand j'ai réalisé l'identité de l'interne, Jean Atwood, et que j'ai dû relire du début pour voir si un indice ne m'avait pas échappé (bon j'avais avancé d'une vingtaine de pages donc ça allait^^).
À partir de là, j'étais complètement ferrée !

Ce roman, c'est l'histoire de la relation entre le docteur Franz Karma et Jean Atwood, conflictuelle au début et puis, la magie du quotidien opérant, plus apaisée par la suite. C'est un peu convenu comme développement mais j'adore ce genre d'histoires autour de l'évolution des rapports maître/élève, à la Karaté Kid, avec un élève difficile mais indubitablement doué, et un maître confiant et patient. On finit par s'attacher également aux personnages qui les entourent, tous hauts en couleur, tous de sacrés caractères aussi, autant les patients que les soignants. 

Mais au-delà de l'histoire personnelle du médecin et de l'interne, ce sont ces histoires de femmes que j'appréhendais qui ont fini par me bouleverser aussi, et j'ai beaucoup aimé cette critique ouverte de la médecin actuelle, du corps médical, autoritaire, voire dictatorial, et de la façon dont certains médecins se comportent parfois mal avec les patients sous prétexte qu'ils ont le pouvoir. La vision du docteur Karma sur ce que doit être la médecine m'a vraiment confortée : soigner et non juger, pas d'inquisition ou d'humiliation inutile, il n'est pas nécessaire de connaître certains détails intimes de la vie des patients pour soigner une maladie.
Sans aller jusqu'à m'identifier tout à fait, j'ai reconnu, dans les témoignages, des éléments, des comportements, des réflexions, qui m'ont fait tiquer chez des médecins divers, une intuition que ce n'était pas normal, et ça m'a fait beaucoup de bien de lire qu'en effet, ce n'était absolument pas normal.

Bon, je pourrais souligner quelques bémols, entre autres l'inconsistance du caractère de Jean si on y regarde de trop près, l'évolution fulgurante de ce rapport maître/élève, de grosses séquences émotion qu'on voit arriver à 10 km, un côté pas vraiment feel-good, mais un poil, quelques facilités d'auteur, mais bon, je n'en ai pas envie. Ce roman m'a fait du bien, m'a soulagée, m'a fait rire, m'a émue, m'a valu des nuits blanches tellement je ne pouvais le lâcher. Je l'ai trouvé incroyable, il a été une claque et un vrai coup de coeur !

Un livre que toutes les femmes devraient lire, mais aussi les hommes, et aussi bis, les médecins !

Un extrait :
"Antoinette E., 45 ans, [...] m'interroge [...] sur le dépistage du cancer de la prostate pour son homme qui a 55 ans [...] mais ça il ne veut pas y passer, elle ne comprend pas pourquoi : "Nous les femmes on n'arrête pas de nous coller des instruments dans le vagin deux fois par an depuis qu'on est adolescentes, alors il peut bien supporter qu'on lui mette le doigt dans le derrière une fois tous les cinq ans pour que j'aie l'esprit tranquille, non ?" " 😂

À noter que :
- ce roman a été adapté en BD (traduite en plus en anglais) et au vu des avis, c'est a priori très réussi. Je pense la lire un jour, pas tout de suite car c'est trop frais. Il ne me semble pas qu'il y ait de traduction anglaise du roman en revanche.
- l'auteur a écrit une "suite", L'école des soignantes, qui semble dans la veine "anticipation" (le roman se déroule en 2039). J'étais trèèès tentée à la lecture rapide du résumé mais quelques avis mitigés me freinent. À voir. Je n'ai pas envie de gâcher mon souvenir de l'excellente lecture du Choeur des femmes.

1er pavé de l'année (688 pages) !

L'auteur
Marc Zaffran, né à Alger en 1955, est un médecin français, connu sous le pseudonyme de Martin Winckler comme romancier et essayiste. Évoquant souvent la situation du système médical français, il est également critique de séries télévisées. Il est aujourd'hui citoyen canadien et vit à Montréal.

28 commentaires:

  1. Tu me donnes envie de relire l'auteur, j'avais lu ses premiers romans il y a longtemps.
    Bravo pour ton billet habile ^_^, au début j'avais tiqué, hésité, et puis finalement j'ai vérifié l'identité de l'interne, j'avais bien deviné dès l'abord (je ne veux pas spoiler, je ne dis pas pourquoi)

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    1. Haha, oui j'ai bien fait attention.^^ Je n'ai pas retrouvé ton billet, dommage. Ta lecture doit dater d'avant blog. En tout cas, je ne sais pas encore si je reviendrai à cet auteur. J'ai tellement adoré ce livre que j'ai peur de ne pas être aussi comblée par les autres.

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  2. Je ne l'ai pas lu, je suis allergique à tout ce qui se passe dans le milieu médical, mais j'ai souvent entendu l'auteur à la radio. Il a eu une chronique régulière sur France-Inter. Il me semble me souvenir qu'il a été poussé à partir, trop franc et trop critique sur un certain nombre de sujets.

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    1. Ça lui ressemble bien d'après ce que j'ai pu percevoir à travers son roman.:) C'est fou quand même qu'il ait dû partir pour ces raisons, jusqu'à aller s'installer à Montréal si j'ai bien suivi.

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  3. Je n'ai lu -et il a plus de 20 ans- que "La maladie de Sachs" de cet auteur, et si je ne m'en souviens pas, je sais que j'avais été très marquée par le fond comme par la forme (j'ai le vague souvenir d'un style elliptique, saccadé, et du désespoir du médecin -cela raconte le quotidien d'un généraliste-, omniprésent, mais dissimulé sous sa passion pour sa vocation....). Un des rares livres que je compte relire un jour.. à moins que je ne me tourne vers un autre de ses titres, comme celui-là, par exemple, car ton billet donne très envie...

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    1. Ah, eh bien toi tu me donnes envie de lire La maladie de Sachs ! Je répondais justement à Keisha que j'hésitais à lire autre chose de lui de peur d'être déçue, même si ça me démange, mais voilà, j'ai trouvé mon prochain Winckler.^^ Et je recommande fortement Le choeur des femmes, oui. Ce sera intéressant d'ailleurs de comparer nos avis sur ces deux livres, compte tenu de l'ordre dans lequel on les aura lus.

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  4. Et bin cela semble etre le livre a lire didonc....ouaaaaaaaaah.....

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    1. Franchement oui ! Même s'il y en a d'autres, haha !

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  5. Mince ! Je ne suis pas attirée par le résumé et je le suis encore moins en lisant la citation... Je fais une phobie de tout ce qui est maladie... Vraiment, je ne pourrais pas... malgré tout le bien que tu en dis...

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    1. Oui, je comprends, il y a des sujets comme ça qui me tiennent à distance aussi. Celui-ci, c'était limite, en tout cas, vu à hauteur de résumé, mais franchement, ça se lit très bien et c'est plus une histoire autour des relations médecin/interne et soignant/patient qu'une histoire autour des maladies, comme je le craignais aussi un peu au départ.

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  6. Je connais l'auteur de nom mais pas encore lu.
    A voir si je commencerai par ce titre car ta chronique donne vraiment envie de le lire ou bien un autre... je verrai :)
    Bonne journée et merci pour la découverte !

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    1. C'est le seul que j'ai lu de cet auteur et comme ça a été le coup de coeur immédiat, c'est celui que j'aurais tendance à recommander^^ mais si tu en choisis un autre, je reste curieuse de ton avis.

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  7. Jamais lu cet auteur. Et j'avoue, je ne suis pas sûre que j'en ai envie, désolée...

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    1. Aucune raison de se forcer si l'envie n'est pas là.;)

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  8. Et bien comme toi, je ne souhaitais pas lire l'auteur et ne me demande pas pourquoi je ne le sais pas et pourtant, ses titres sont connus... justement peut-être parce qu'on en entend beaucoup parler... oui je sais c'est stupide mais bon, il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis... alors je lirai cet auteur... un jour...

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    1. Oui, des fois il faut laisser décanter, et surtout, attendre que le livre nous appelle. Et puis, si ça n'arrive pas, eh bien, tant pis après tout, il y a tant à lire.^^

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  9. Quel souvenir. J'ai lu ce livre à sa parution sans trop savoir à quoi m'attendre et j'ai été happée, en passant par toute une gamme d'émotion, comme toi. Il porte bien son titre. C'est un livre que j'ai offert plusieurs fois.

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    1. Oui, ce titre qui ne me parlait pas au départ prend tout son sens à la fin et on se dit que ce livre n'aurait pas pu en porter un meilleur ! Je me souviendrais longtemps de cette lecture aussi.

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  10. Ce roman ne m'attire pas non plus, mais d'après ce que tu en dis, je devrais changer d'avis... On a parfois d'heureuses surprises...

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    1. Écoute, je serais vraiment très curieuse de ton avis si tu le lis ! Je pense que tu pourrais bien apprécier cette lecture.

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  11. J'avais été happée par ce roman ! (je l'ai lu en 2011). Dans le domaine de la non-fiction, "C'est mon corps" est un livre indispensable que toute femme devrait recevoir au début de son adolescence (ma jeune cousine m'a confirmé qu'elle a été très contente de le lire).

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    1. Tous ces livres indispensables pour les femmes devraient l'être aussi pour les hommes, je trouve. Nous, ça nous rassure sur beaucoup de choses, les hommes, ça peut leur ouvrir les yeux sur notre réalité.

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  12. maintes fois noté, surligné, entouré... oui, il faut que je le lise, oui, oui....

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    1. C'est ce que je me suis longtemps dit, j'ai enfin sauté le pas, et vraiment, sans regret.;)

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  13. il est dans ma PAL... bien enfoui! Il faudrait que je m'y mette!

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  14. Je dirais oui pour le sujet et l'histoire, et non pour le côté pavé. Et le côté pavé pèse plus lourd dans la balance, CQDF !!! Donc non !!

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    1. C'est vraiment dommage car c'est un pavé qui se dévore et dont les pages se tournent toutes seules, peut-être plus vite que certains romans courts.;) Alors si le sujet et l'histoire te parlent, je t'encourage vivement à sauter le pas !

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