dimanche 19 février 2023

ÉCOUTE, JOLIE MÁRCIA


ÉCOUTE, JOLIE MÁRCIA

traduit du portugais (Brésil) par Dominique Nédellec

J'aime beaucoup les BD comme portail d'entrée dans la culture d'un pays. J'ai toujours été particulièrement friande des récits de voyage ou de longs séjours dans un pays étranger (Guy Delisle, Florent Chavouet) ou les témoignages de locaux, exilés souvent (Marjane Satrapi), ou encore les récits d'étrangers en France, et plus le pays est "exotique" ou lointain, plus cela m'attire et me fascine. Je suis encore plus enthousiaste quand j'arrive à mettre la main sur une BD d'un autre pays, ce qui n'est pas toujours évident car peu sont traduits en fin de compte (à part les mangas^^), même parmi les Européens, alors de pays d'autres continents, c'est presque l'équivalent de la découverte d'un trésor caché. 

Quand j'ai aperçu cette BD brésilienne de Marcello Quintanilha en bibliothèque l'année dernière, je me suis empressée de la noter, mais je trouvais l'illustration de couverture trop hideuse, répulsive même, pour avoir vraiment envie de m'y plonger. Son Fauve d'Or du meilleur album Angoulême 2022 a tout de même fini par m'intriguer et le Book trip brésilien m'a incitée à tenter l'aventure.

Márcia est infirmière dans un hôpital à proximité de Rio. Elle vit dans une favela avec son compagnon et sa fille Jacqueline qu'elle a eue avec un autre homme. Jacqueline est une jeune adulte frivole, insolente et grande gueule qui cause beaucoup de tracas à sa mère, ce qui est source de sacrées prises de bec entre elles. Quand Jacqueline fréquente d'un peu trop près les membres d'un gang, la situation dégénère.

Malgré mon incompréhension du parti pris graphique auquel il n'est pas si simple d'adhérer, l'improbabilité de ces couleurs incohérentes et criardes auxquelles je ne me suis pas vraiment faite, l'histoire est prenante, et contre toute attente, je l'ai vraiment adorée. Dès les premières pages, on rentre dans le vif du sujet. J'ai été absorbée par son rythme dynamique et ses dialogues hauts en couleur. C'est vivant, c'est un portrait sans fard de la classe populaire brésilienne, ça sonne vrai, on est dans le concret, le quotidien fascinant et nerveux des favelas, marqué par la violence mais aussi l'entraide, à travers l'histoire touchante de Márcia, une femme ordinaire que des situations qui le sont moins révèlent en formidable mère courage.

C'est une histoire explosive qui est autant tragique que comique, qui déborde d'énergie et d'émotion tout comme ses personnages, et qui ne manque pas de suspense. J'ai beaucoup aimé aussi les références très contemporaines qui l'ancrent dans une réalité qui m'est plus familière et que j'ai trouvé amusantes.

Quant aux couleurs peu conventionnelles dont je ne me remets pas, quoiqu'en réalité, à la lecture, ce n'était pas si perturbant, il me semble tout de même avoir détecté que les personnages noirs étaient en violet, les Blancs en rose et les métis en bleu. Je me trompe peut-être mais j'avais besoin d'y voir une certaine cohérence. 
Mais ce ciel vert ? 🤔

Extraits
"- Comment ça, "pour désinfecter" ?!
- L'oignon est un excellent remède, docteur." [...]
- Quand on se coupe, ce qui désinfecte, c'est de l'eau et du savon !
- Pourtant les anciens le savaient bien, on...
- Mon ami, primo, si ce qui était ancien était bon, ce ne serait pas ancien mais toujours au goût du jour." 😆

"-Inutile de me suivre, je ne suis pas une telenovela !"

Petite anecdote, à chaque fois que je lisais ce titre, me venait en tête l'air de la chanson "Adieu, jolie Candy" ! Voilà, j'espère ne pas vous avoir gâché la journée.^^ De rien !

Lu dans le cadre du Mois latino.
🦜Book Trip Brésilien => 2 points (thème Brésil + 128 pages) 

Une interview très intéressante de l'auteur, en français, où il parle de choses très diverses, entre autres de la BD au Brésil et des raisons de son choix des couleurs ! (interview découverte post-billet^^)
L'auteur
Marcello Quintanilha, né en 1971, est un auteur de bande dessinée brésilien. Autodidacte, il commence sa carrière de dessinateur en 1988 dans la bande dessinée d'horreur, puis travaille dans le dessin animé pendant une dizaine d'années. Il devient ensuite illustrateur pour de nombreux magazines et journaux brésiliens, et publie son premier livre en 1999. 
Son premier roman graphique, Tungstène, publié en 2015 en France, a remporté le Prix du polar au festival d'Angoulême 2016. Marcello Quintanilha a reçu de nombreux autres prix, dont le Fauve d'Or au festival d'Angoulême 2022 pour son album, Écoute, jolie Márcia. Depuis 2002, il habite et travaille à Barcelone.

12 commentaires:

  1. Comme toi, j'aurais a priori été tentée de le lire (en dépit des couleurs assez ... euh...) Connaître un pays par ses BD, c'est très bien!
    (et j'ai commencé Aya tome 7 et emprunté Le château des animaux tome 3)(l'arabe du futur 6 est 'réservé' mais pas emprunté, ce depuis trois semaines! Zut quoi!)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je ne comprends pas pour l'Arabe du futur. Ici, l'usager a une semaine pour récupérer sa résa, et au-delà, le livre est mis en disponibilité pour les autres lecteurs. Parce que bon, quoi !
      Oui, il ne faut pas oublier les BD dans les ouvrages qui permettent de découvrir un pays. Ils sont assez idéaux pour ça.

      Supprimer
    2. En fait le bouquin est 'proposé', je suis d'ailleurs sur la liste, alors le premier n'est pas venu (et hop, deux semaines car c'est 10 jours ici), ensuite je suppose que ça passe au deuxième, qui a 10 jours aussi (voire deux semaines), disons que la bibli laisse le temps pour les gens qui travaillent, etc. Avec ce système, je le lirai bien un jour. Sinon, j'ai lu Aya et Le château des animaux, on attend la suite!!

      Supprimer
    3. Bon, je ne suis pas d'accord avec les 10-15 jours parce qu'en cet espace de temps, une autre personne aurait largement le temps de lire la BD donc ça bloque le livre pour rien (même si une fois ça m'aurait bien arrangée d'avoir 10 jours parce qu'avec les grèves, je n'avais pas pu me déplacer dans la semaine).^^ Bref, il ne faut pas être pressé quoi.;)
      Yes, Aya, Le château des animaux, bientôt L'arabe du futur. Il ne te manque plus que Saga et la boucle est bouclée.:)

      Supprimer
  2. Ha ha, je l'avais repéré dans ta liste préparatoire et vu dans le catalogue de la médiathèque... les couleurs m'auraient sûrement surprise voire rebutée, mais maintenant je suis prévenue, et devrait réussir à passer outre !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Outre les couleurs, il y a aussi le style graphique qui peut ne pas être du goût de tous, mais on fait très vite abstraction de ces choix déroutants une fois plongés dans l'histoire.:)

      Supprimer
  3. Moi aussi, je n'aime pas le graphisme... En tout cas, je vais bien suivre tes conseils BD, je m'y mets un peu enfin !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Tu ne devrais pas être déçue de l'exploration, il y a de vrais pépites parmi les BD.:)

      Supprimer
  4. C'est vrai que ces couleurs, hum... il serait sans doute intéressant d'entendre l'auteur à propos de ce choix ?
    Merci pour la participation, j'ai récupéré ton lien.

    Je t'ai envoyé un message via facebook pour savoir si tu es toujours partante pour la LC de L'attrapeur d'oiseaux..

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Tu as tout à fait raison pour l'auteur et ce qu'il a à dire de son choix des couleurs. D'habitude, c'est le genre d'articles que je recherche immédiatement sur le net, mais là je ne pensais pas qu'il y en aurait du fait que ce soit une BD brésilienne. Quelle erreur de jugement ! Je viens de faire une recherche sur Youtube et je suis tout de suite tombée sur une interview de l'auteur, en français en plus, où il s'expliquait, entre autres, sur ses choix graphiques. J'ai rajouté la vidéo dans mon billet du coup. Merci pour ta remarque !
      Et c'est donc parti pour le 28/02 pour L'attrapeur d'oiseaux.;)

      Supprimer
    2. Du coup j'ai regardé la vidéo, j'étais curieuse.. et ça donne envie d'aller voir du côté de son œuvre, Tungstene me tente bien.

      Supprimer
    3. Je suis assez curieuse aussi de cet album et j'ai découvert, lors d'un passage en librairie hier, qu'il avait publié un tout nouvel album, Âmes publiques (mais ça s'apparente davantage à un recueil de nouvelles). J'avoue que j'ai failli l'embarquer ! Je trouve cet auteur vraiment intéressant artistiquement. Mais j'ai quelques autres BD brésiliennes sous le coude. Je vais peut-être leur donner leur chance aussi avant de poursuivre avec Marcello Quintanilha.:)

      Supprimer

Merci pour votre petit mot. Les commentaires sont modérés par défaut, mais j'y réponds toujours.